jeudi 6 novembre 2014

« Jérusalem : vers la troisième intifada ? »

On se souvient que la « visite » d’Ariel Sharon, en 2000, sur l’esplanade des mosquées, appelée le Mont du Temple par les juifs, avait déclenché la seconde Intifada. L’accumulation actuelle des provocations de l’extrême droite israélienne au même endroit pourrait bien susciter une nouvelle insurrection (intifada en arabe) palestinienne.
Depuis la mort, en juillet, d’un jeune palestinien de 16 ans, brûlé vif après avoir été kidnappé dans un quartier de Jérusalem-Est, les troubles n’ont cessé dans la ville trois fois sainte. Rien qu’en juillet et en août, 633 palestiniens ont été arrêtés dont des dizaines de jeunes de moins de 18 ans et même des enfants pour jets de pierre ou même pour avoir simplement participé à des manifestations ; 190 Palestiniens ont été mis en examen. La situation s’est encore détériorée depuis quelques semaines avec l’accroissement des visites de soi-disant touristes, en fait des extrémistes juifs qui veulent avoir le droit de prier dans la mosquée Al-Aqsa, voire même de détruire cette mosquée pour construire un troisième Temple. Ils sont naturellement toujours protégés par la police israélienne qui use de grenades explosives et lacrymogènes, de balles en acier couvertes de caoutchouc, faisant de nombreux blessés. Rappelons que le magazine Golias de juillet 2010 avait consacré deux pages aux revendications des extrémistes juifs et à la menace qui pèse sur ces Lieux saints musulmans.
Le statut de l’esplanade des mosquées
C’est un Waqf, fondation religieuse islamique, contrôlé par la Jordanie , qui assure la gestion du site. Lors des Acords de Wadi Araba (octobre 1994), signés entre Israël et la Jordanie, ce dernier pays a été reconnu par l’État hébreu comme garant des lieux saints musulmans . L’intrusion des extrémistes israéliens est donc perçue comme une rupture des accords conclus avec la Jordanie. L’ambassadeur jordanien a mis en garde Israël à plusieurs reprises et Netanyahu, lors de sa rencontre avec le roi Abdallah, le 5 septembre dernier, a tenté de le rassurer sur ce sujet.
Par ailleurs, l’ensemble de la Vieille ville de Jérusalem, l’esplanade étant incluse, appartient au patrimoine mondial protégé, en principe, par l’Unesco. Il n’empêche qu’Israël a déjà, en mai 2013, annulé purement et simplement une mission de l’Unesco qui devait expertiser l’état du patrimoine de la Vieille ville.
Aggravation des attaques et des menaces sur Al-Aqsa
Depuis longtemps, les hommes de moins de 50 ans se voient fréquemment refuser le droit d’accéder à Al-Aqsa ; or, en octobre, avec les fêtes juives du Yôm kippour puis de Souccot, l’esplanade des mosquées a été interdite d’accès pendant trois semaines aux musulmans tandis que les juifs extrémistes, souvent des colons, y ont accédé en plus grand nombre encore. Aux abords de l’esplanade et dans les banlieues, les réactions violentes (bousculades et jets de pierre) des fidèles musulmans se sont multipliées ; des femmes elles-mêmes ont été attaquées par la police dans les rues proches de la mosquée et ont été blessées. La violence s’est d’autant plus étendue que la municipalité de Jérusalem, dirigée par Nir Barkat, un homme d’affaires, a facilité l’implantation de groupes de colons autour de l’esplanade, au sein même de quartiers palestiniens. Ces colons, leurs voitures et leurs maisons subissent aujourd’hui des attaques à coup de pierres et de bombes.
Dernièrement, deux événements spectaculaires ont été répercutés dans nos médias : celui d’une voiture conduite par un Palestinien se jetant délibérément, le 22 octobre, sur les personnes attendant le tramway et provoquant la mort de deux d’entre elles ; plus récemment encore, le 29 octobre, le rabbin Yehuda Glick a été grièvement blessé ; ce rabbin est le fondateur de « l’Institut du Temple », qui milite pour la destruction de la mosquée Al-Aqsa et la construction d’un troisième temple. Dès le lendemain, la police israélienne se présentait au domicile de celui qu’elle soupçonnait d’être l’auteur de cet attentat et l’exécutait, sans autre forme de procès. Qui s’en étonnera ?
Précisons que ces revendications venues de l’extrême droite israélienne sont relativement récentes. Pendant longtemps, la plupart des rabbins interdisaient à leurs fidèles de se rendre sur l’Esplanade de peur qu’ils ne foulent aux pieds la Pierre de Fondation où l’arche d’Alliance a été placée et où la Shekinah (Présence divine) est descendue (cf. I Rois 8). Cependant, dès la fin des années soixante-dix, les groupes ultra-religieux commencèrent à revendiquer la reconstruction du Temple, après la destruction des Lieux saints musulmans. Sur ce terrain aussi, les positions extrémistes n’ont cessé de gagner du terrain.
Débats à la Knesset
A trois reprises depuis 2013, la question de la présence de juifs sur l’esplanade a été débattue. En effet, un député du Likoud, Moshé Feiglin, a déposé un projet de loi pour que les fidèles juifs puissent accéder librement à l’Esplanade et aller y prier. On devine qu’un partage de la mosquée Al-Aqsa, entre juifs et musulmans, selon les horaires, conduirait très vite à l’exclusion des musulmans. Le débat à la Knesset doit reprendre en novembre et Netanyahu est embarrassé car il craint que le projet embrase la Palestine. Ajoutons que ce projet fournirait une raison de plus aux djihadistes de se battre !
Cet article a été publié dans la revue Golias