jeudi 2 octobre 2014

Leïla Shahid ambassadrice de la Palestine, encore

Recueilli par Claire HAUBRY.
Elle était hier au théâtre dans le cadre de la semaine culturelle palestinienne. Celle qui appelle au courage politique, aime aussi parler littérature : « Parce que la culture dit la richesse et les potentiels d'un peuple. »

Entretien
Leïla Shahid, 65 ans, ambassadrice de la Palestine auprès de l'Union européenne, de la Belgique et du Luxembourg.

Qu'avez-vous pensé de l'emploi du terme « crime génocidaire » par le président palestinien, Mahmoud Abbas, au sujet de la guerre menée cet été à Gaza ?

Le président a exprimé ce que ressent la population, celle de la diaspora comme celle des territoires occupés. Il y a un ras-le-bol de la démission de la communauté internationale face au viol des droits et des résolutions depuis 47 ans. La tragédie de cet été, avec 2 150 personnes tuées, est le dernier chapitre d'une stratégie de destruction. On nous parle de provocation mais nous serions des traîtres si nous ne mettions pas les vrais mots sur ce qui est en train de se passer.

Êtes-vous toujours une ambassadrice de la paix ?

Ce n'est pas un titre qui me convient au sens où moi, je ne peux pas apporter la paix. Ce n'est pas quelque chose qui viendra parce qu'on le souhaite gentiment. La paix sera la conséquence de décisions politiques : le retrait de l'armée qui est la cause de la guerre, la reconnaissance de nos droits et la garantie de véritables négociations. La communauté internationale peut et doit agir comme elle l'a fait dans les Balkans contre Milosevic. Songez que ce qui vient d'être détruit, avait été construit en partie avec l'aide de l'Union européenne, et qu'il faudra 30 ans pour reconstruire !

Redoutez-vous une nouvelle montée de la violence ?

Oui. Le sentiment d'injustice fait que le mot paix n'a plus de sens en Palestine. Or, elle n'est pas sur un nuage : le contexte régional où se développe la barbarie - je parle bien sûr de Daesch qui décapite tous ceux qui ne pensent pas comme eux - c'est le résultat de la politique américaine qui a laissé détruire des fondements qui auraient pu empêcher le terrorisme. Comment ne pas voir là une bombe à retardement ? Au contraire, il faut de la modernité, pour ne pas avoir une Méditerranée à deux vitesses, avec un sud passéiste...

La raison de votre venue à La Roche-sur-Yon, c'est une intervention sur la littérature palestinienne. Comment la voyez-vous ? Quel peut être son rôle ?

Le conflit n'est pas complexe, comme on le dit trop souvent. En revanche, la littérature exprime la complexité humaine et c'est sa grande qualité. Le Grand R a eu une bonne idée car, avec Elias Sanbar (1), nous allons évoquer notamment Mahmoud Darwich, un poète qui touche parce qu'il fait appel aux émotions. Dans mon travail, j'ai souvent été frappée par l'impact du théâtre, de la littérature, de la musique : avec eux, les gens comprennent plus vite qu'avec nos histoires de dates et d'analyses politiques. C'est d'ailleurs impressionnant de voir à quel point la culture a explosé ces dernières années. Elle n'est pas figée. Elle exprime à la fois la richesse et les potentialités d'un peuple.

(1) La rencontre a eu lieu hier soir au théâtre municipal. Aux côtés de Leïla Shahid et d'Elias Sanbar, historien poète essayiste et ambassadeur de Palestine à l'Unesco, il y avait notamment les écrivains Olivier Rohe et François Beaune.