jeudi 17 juillet 2014

Israël-Palestine: mais où est passée la communauté internationale?

Alors que l'offensive israélienne contre la bande de Gaza en est à son neuvième jour, les grandes puissances occidentales, tout particulièrement les Etats-Unis, l'Union européenne et la France, semblent aux abonnés absents. 

Depuis le déclenchement, le 8 juillet, de l'opération "Bordure protectrice" (213 Palestiniens et un Israélien tués en neuf jours), les grandes puissances brillent par leur apathie. Après l'échec du cessez-le-feu proposé par l'Egypte et rejeté par le Hamas, mardi, Israël a relancé ses raids aériens, promis d'intensifier son offensive et appelé 100 000 habitants du nord de Gaza a évacuer leur domicile.
Face à cet engrenage, la communauté internationale se contente de déclarations dénuées de portée. Ainsi, la porte-parole de la diplomatie américaine, Jennifer Psaki a assuré que "le secrétaire Kerry va rester engagé auprès de toutes les parties (...) Nous allons continuer à travailler à un cessez-le-feu".
Une inertie qui remonte à plusieurs années, selon Jean-François Daguzan, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique: "Depuis le début des Printemps arabes, la question israélo-palestinienne a été passée par pertes et profits, constate-t-il. Plus encore depuis l'éclatement des crises majeures de la région -Syrie, Irak- et celle de l'Ukraine." Conséquence ou fondement de ce désintérêt, l'influence dont pouvaient se prévaloir les grands pays sur les différents acteurs de ce conflit a fondu comme neige au soleil.

Les Etats-Unis, puissance déclinante

L'administration Obama est de moins en moins à même de jouer un rôle dans le conflit israélo-palestinien -guère plus d'ailleurs que dans les autres crises du Moyen-Orient. Faut-il y voir un résultat de la volonté de rééquilibrage de la diplomatie américaine vers l'Asie proclamée par le président Obama?
Le président américain avait pourtant fait de la question israélo-palestinienne la priorité de son premier mandat, rappelle Jean-François Daguzan. Les espoirs ont vite été douchés. L'émissaire spécial George Mitchell nommé deux jours après l'investiture du président, le 22 janvier 2009, a jeté l'éponge deux ans plus tard, faute d'avancée. Le secrétaire d'Etat John Kerry s'est impliqué pour tenter de relancer les négociations il y a un an, avec aussi peu de succès. "Obama a déçu des deux côtés, souligne Jean-François Daguzan. Il a une relation détestable avec Netanyahu".
La volonté d'Israël d'intensifier son offensive militaire après l'échec de la trêve "pourrait finir par contraindre l'administration Obama à faire usage de son influence pour restreindre son plus proche allié au Moyen-Orient", avance Anne Gearan dans le Washington Post. L'extraordinaire polarisation du Congrès contribue également à freiner toute initiative de la Maison blanche.

L'Union européenne, partenaire économique majeur, nain diplomatique

L'UE, partenaire économique majeur d'Israël et principal bailleur de fonds de l'Autorité palestinienne, peine également à faire entendre sa voix. Bruxelles a, dès le déclenchement de l'offensive, le 8 juillet, "condamné fermement les tirs de roquette contre Israël par des groupes militants dans la bande de Gaza" mais aussi "déploré le nombre croissant de victimes civiles, dont des enfants, causé les représailles israéliennes". Une déclaration restée sans effet. Selon les termes du Service d'action extérieure de l'UE, pourtant, "résoudre le conflit israélo-arabe est une priorité stratégique pour l'Europe, notamment en vue de régler d'autres problèmes au Moyen-Orient." Bruxelles qualifie par ailleurs le blocus de Gaza d'acte "inacceptable et politiquement contre-productif".
Pour autant, "la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton s'est montrée peu active sur ce dossier, déplore Jean-François Daguzan. C'est pourtant l'Union européenne qui finance les infrastructures régulièrement détruites par Israël, que ce soit en Cisjordanie ou à Gaza."
Quand au rôle de l'émissaire du Quartette des médiateurs internationaux (ONU, UE, Etats-Unis et Russie), Tony Blair, "c'est une véritable erreur de casting" assène Jean-François Daguzan. "Dès sa nomination, en 2007, on pouvait s'interroger sur l'opportunité de ce choix. Il ne s'était pas particulièrement intéressé à cette région du monde au préalable et n'avait pas la reconnaissance des deux parties. Son implication dans la guerre d'Irak derrière le président George Bush le disqualifiait aux yeux des Arabes. Son bilan est totalement nul".
L'Allemagne, poids lourd économique de l'UE désireuse de sortir de son statut de nain diplomatique, tétanisée par son passé, est elle aussi incapable d'agir dans cette région du monde.

France: une prudence qui confine à l'inconsistance diplomatique

L'Elysée a tout d'abord affiché un franc soutien à Benyamin Netanyahu, assurant la "solidarité" de Paris avec Israël face "aux tirs de roquettes en provenance de Gaza": "il appartient au gouvernement israélien de prendre toutes les mesures pour protéger sa population" proclamait le communiqué du 9 juillet. Pas un mot pour les victimes palestiniennes (les raids israéliens avaient pourtant, à ce moment là, coûté la vie à 48 Palestiniens, dont un grand nombre de civils). Un positionnement qui a provoqué des remous dans la majorité et amené le président de la République à nuancer ses propos le lendemain: "Le seul message que nous devons prononcer, c'est le message du dialogue, de la retenue et de la recherche, autant qu'il est possible, de l'apaisement". "Toute à sa volonté de ménager la chèvre et le chou, la France à montré qu'elle ne pèse en rien sur l'issue du conflit", observe Jean-François Daguzan. Cette position d'absolue prudence et de recherche d'équilibre à tout prix oublie de mettre en perspective la disproportion des moyens et des victimes entre les deux adversaires.
Seul geste concret, le Quay d'Orsay a proposé, mardi, une mission européenne d'aide frontalière aux points de passage entre Gaza et Israël: un mécanisme international de supervision des points de passage vers le territoire, via notamment la réactivation de sa mission d'assistance frontalière (EUBAM) à Rafah, déployée en novembre 2005 et dont les activités sont suspendues depuis juin 2007. Encore faudra-t-il remettre en marche ce dispositif.
Les partisans israéliens d'une solution négociée sont les premiers à regretter cette impuissance généralisée. "Sans une pression extérieure, américaine et européenne, sur les deux côtés, il y a peu de chance de parvenir à la paix, plaidait David Chemla, président de l'association JCall à L'Express en 2012. Un appel réitéré par l'historien Zeev Sternhell mardi : "Les pressions extérieures sont d'une importance capitale."
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