jeudi 24 avril 2014

Il est peu probable qu'Abbas dissolve l'Autorité palestinienne

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Les Palestiniens, que le processus d'Oslo a rendu sceptiques, se plaignent depuis des années qu'il n'a servi qu'à décharger Israël de ses obligations en tant que puissance occupante, au lieu de produire un Etat palestinien indépendant et souverain. Ce qui a conduit à des appels répétés à la dissolution de l'Autorité palestinienne (AP) créée par Oslo.
Il est peu probable qu'Abbas dissolve l'Autorité palestinienne
Donner du pouvoir à la population et lui permettre de pratiquer un certain niveau d'autodétermination était vu comme une première réalisation qui servirait de pont vers l'indépendance totale. Beaucoup avaient vu dans la reconnaissance de l'Organisation de Libération de la Palestine, qui était interdite et considérée comme une organisation terroriste avant Oslo, et le retour des dirigeants palestiniens et de leurs familles une mise en œuvre partielle du droit au retour.
Pour Israël et ses forces d'occupation, le processus d'Oslo a apporté un soulagement important en les libérant d'avoir à garder les principales villes palestiniennes. La division du territoire sous contrôle palestinien en zones A, B et C a été toléré dans un plan de transition temporaire de 5 ans. Le prolonger à plus de 20 ans n'a jamais fait partie de l'accord original signé sur la pelouse de la Maison Blanche en 1993.
Certains argumentent que le processus était sur les rails jusqu'à ce qu'un juif radical assassine le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin en 1995. D'autres accusent les Palestiniens de ne pas avoir été capables de mettre un terme aux attentats-suicides du Hamas, et Yasser Arafat pour avoir encouragé indirectement ou refusé de décourager l'éruption de la deuxième Intifada à l'hiver 2000, après l'échec de l'accord Camp David II.
Les Palestiniens ont été leurrés par les signes extérieurs d'un Etat : une équipe olympique portant le drapeau palestinien, un président et un parlement, des timbres-poste, des plaques d'immatriculation, un hymne national, des ministères, une garde présidentielle et, bien sûr pour certains, des cartes VIP pour voyager en et hors de Palestine sans attendre en file comme le reste de la population palestinienne. Les Palestiniens ont cependant payé cher la plupart de ces pièges.
Avoir des plaques d'immatriculation distinctes n'empêche toutefois pas d'avoir d'attendre dans d'interminables files aux checkpoints israéliens pour aller à Jérusalem ou en Israël, alors que les colons juifs, qui circulent sur des routes réservées à leur usage propre et passant à toute allure aux checkpoints par une voie séparée, sont rarement stoppés. Avoir un président, un parlement et un gouvernement, tout en n'étant pas un Etat pleinement souverain, signifie que l'Autorité palestinienne doit recueillir des fonds pour diriger le gouvernement et payer les salaires de ses fonctionnaires. Une grande partie du budget va à l'énorme appareil de sécurité, dont le but est de protéger Israël dans le cadre d'une clause non écrite si le président veut rester à son poste et si lui et ses collègues veulent profiter des voyages VIP.
Avoir un parlement sans dissoudre l'administration civile israélienne signifie que les Palestiniens vivent sous deux ensembles de lois - un système juridique palestinien tout en étant soumis aux lois des occupants israéliens. Finalement, même les cartes VIP hautement convoités par les hauts fonctionnaires, qui étaient effectivement prévues dans les Accords d'Oslo (appendice 5, section F) sont devenues un handicap politique puisque les hauts responsables qui ne suivent pas la ligne politique israélienne se retrouvent rapidement privés de leurs privilèges spéciaux de circulation.
Alors que l'idée de jeter l'éponge est sous-tendue par une logique forte, des forces énormes sont maintenant tributaires de la poursuite de la gestion des vies de 2,5 millions de Palestiniens par le gouvernement palestinien. Des hommes d'affaires, des fonctionnaires, des entrepreneurs et même des Palestiniens lambda vont souffrir à court terme si le gouvernement sous gestion palestinienne est dissous et remplacé par des responsables militaires israéliens.
Bien que remettre les clés de la gestion de l'occupation aux Nations Unies ou à Israël puisse recevoir le soutien de l'opinion publique, le projet fait froncer les sourcils aux Etats-Unis et en Israël, car les deux réalisent que cela les exposerait de façon beaucoup plus visible, et plus que tout autre action, pour ce qu'ils sont, à savoir des occupants. Les revendications palestiniennes à considérer la dissolution de l'Autorité palestinienne comme une option sont rapidement retombées. Des sources au gouvernement palestinien à Ramallah ont dit à Al-Monitor que Washington a réprimandé la présidence, et a dit au président Mahmoud Abbas et à ses collègues de saborder l'idée avant qu'elle ne fasse des adeptes parmi les Palestiniens.
Evoquer la dissolution de l'Autorité palestinienne renforcerait sûrement la position des dirigeants palestiniens et montrerait qu'ils ne sont pas les marionnettes d'Israël ou des Etats-Unis. Le silence soudain après l'agitation initiale montre cependant que cette solution radicale est loin d'être facile et qu'il faudra beaucoup plus de préparation et de planification. L'absence d'alternatives claires pour déterminer le sort du peuple palestinien n'est pas un ballon de football politique que l'on peut se renvoyer.
Si les dirigeants palestiniens envisagent vraiment cette tactique, il leur faudra préparer soigneusement la population et prendre des mesures concrètes pour la protéger contre les répercussions sévères que ne manqueraient pas d'entraîner une démarche aussi audacieuse.
Source : Al Monitor
Traduction : MR pour ISM