jeudi 4 août 2011

Un ramadhan sous les bombes

03.08.11
De notre correspondant
En ce début du mois sacré de Ramadhan, la majorité des salariés, chefs de famille, éprouvent de grosses difficultés à faire face aux besoins de leurs foyers. La crise financière qui frappe l’Autorité palestinienne, depuis quelques mois, exactement depuis l’enclenchement de pas concrets sur le chemin difficile de la réconciliation nationale, s’est traduite, le mois passé, par l’incapacité à verser la totalité des salaires de ses employés civils et militaires. A la mi-juillet, seule la moitié des salaires du mois de juin a été versée, soit près de 60 millions de dollars. 150 000 employés de l’Autorité palestinienne, dont le total des salaires atteint près de 120 millions de dollars, représentent l’un des principaux moteurs de la machine économique palestinienne, surtout depuis l’instauration du blocus israélien sur la bande de Ghaza en 2006 et la fermeture des points de passage avec Israël aux visages de dizaines de milliers de travailleurs réguliers en territoire israélien, faisant d’eux des chômeurs en quête d’aides humanitaires après avoir été, de longues années, une source non négligeable d’approvisionnement du budget de l’Autorité palestinienne.
Ghaza.
La période dorée, pour ces travailleurs actuellement au chômage, a été de 1994 à 2000, année où s’est déclenchée l’intifadha d’El Aqsa. Durant la guerre contre la bande de Ghaza en décembre 2008-janvier 2009, l’armée israélienne a méthodiquement détruit toutes les infrastructures de base de la petite industrie palestinienne, mettant les personnels, des milliers de personnes, au chômage forcé.
Actuellement, le taux de chômage et la pauvreté ont atteint des niveaux inégalés, touchant plus de la moitié de la population active. Si l’on y ajoute la division entre la bande de Ghaza et la Cisjordanie qui dure depuis plus de quatre ans (depuis que le mouvement Hamas a décidé de prendre le contrôle de l’enclave palestinienne par la force des armes, ndlr) et ses retombées néfastes sur l’économie palestinienne, ainsi que sur la cohésion au niveau du tissu social, on peut facilement imaginer la situation pénible qui sévit actuellement dans les territoires palestiniens.
Sur un autre plan, comme chaque année au début du mois sacré de Ramadhan, les prix de beaucoup de produits de grande consommation, comme la viande et le poulet, certains légumes et fruits, ont été revus à la hausse par des commerçants sans scrupules. L’Autorité palestinienne tente, comme chaque année, de dissuader les commerçants d’augmenter les prix, surtout des produits de base, mais ses efforts risquent de rester vains.  
Mais il ne faut pas croire que la vie est aussi sombre pour tout le monde. Pour les nouveaux riches (les propriétaires de tunnels de contrebande, contrebandiers, les hommes proches de l’Autorité, surtout dans la bande de Ghaza, les commerçants en gros) la vie sous le blocus est plutôt rose. Que ce soit dans les rues huppées de la ville de Ghaza ou celles, étroites, des camps de réfugiés où le taux de pauvreté est le plus important, vous pouvez rencontrer des personnes roulant en 4×4 flambant neufs, comme vous pouvez aller faire vos courses au supermarché Métro récemment inauguré dans le centre-ville de Ghaza, qui n’a rien à envier aux plus grands supermarchés des capitales voisines. Quant aux sites de divertissement, comme les hôtels et restaurants de luxe – qui sont bien au-dessus des moyens de la majorité des Palestiniens –, ils ne cessent d’éclore dans la pauvre et étroite bande côtière gouvernée par les hommes du Hamas qui en possèdent une bonne partie.
On ne peut évidemment clore la liste des difficultés auxquelles fait face la population palestinienne sans citer Israël et ses crimes incessants que ce régime commet tous les jours. A l’aube du premier jour du Ramadhan, les soldats israéliens ont tué de sang-froid deux jeunes Palestiniens dans le camp de réfugiés de Kalandiya, près de Ramallah.
Un geste traduit par l’autorité palestinienne comme une tentative d’escalade israélienne dans le but de brouiller les cartes avant septembre, mois au cours duquel la direction palestinienne compte se diriger vers l’ONU pour faire reconnaître l’Etat palestinien par cet organisme mondial. Les fortes chaleurs, les longues coupures de courant, la crise financière, la division persistante, le blocus allégé mais pas totalement levé, les agressions militaires israéliennes incessantes sont les ingrédients qui marquent ce début de Ramadhan qui risque de se transformer en une rude expérience pour toute une population qui, malgré tout, ne baisse pas les bras.
Fares Chahine