jeudi 4 août 2011

Salah Hamouri « Pourquoi Israël a peur 
d’un enfant de sept ans ? »

2 Août 2011
Une dizaine de jeunes communistes viennent de 
se rendre en Israël 
et en Palestine. 
Deux d’entre eux ont pu s’entretenir avec Salah Hamouri, jeune Franco-Palestinien emprisonné depuis 2005 en Israël. 
Fabien Gay 
nous fait part 
de cette rencontre.
Vous venez de rencontrer Salah Hamouri, dans quel état physique et mental 
se trouvait-il ?
Fabien Gay. Il est assez amaigri par rapport aux photos, mais il va bien physiquement et est très serein. Nous étions tous émus, nous sommes pratiquement les seuls jeunes qu’il a vus depuis six ans. Nous avons beaucoup débattu, et même rigolé, parlé de foot, ce qui lui a fait du bien. Mais 
Salah ne parle jamais de lui. Nous avons réussi à lui poser des questions sur lui. Hormis sa volonté de reprendre des études en sciences politiques et de poursuivre la lutte, il se livre peu et n’évoque pas son avenir. Il souhaite venir en France remercier ceux qui se sont battus pour sa libération. ais il a surtout insisté sur l’ensemble des prisonniers politiques palestiniens en disant : « Nous avons des messages à vous faire passer. »
 Utilise-t-il les rencontres avec 
les délégations pour faire reconnaître la cause de tous les prisonniers ?
Fabien Gay. Oui, et Salah a préparé notre rencontre avec l’ensemble de ses camarades de cellule. Il a commencé par nous faire part de leur volonté de casser l’image qu’essaie de donner d’eux le gouvernement israélien en les faisant passer pour des terroristes. « On est des êtres humains, nous confie-t-il. Il y a de tout dans la prison : des progressistes, des communistes, des socialistes, des islamistes. En cellule on s’entend tous bien, on discute beaucoup. » Il a eu une pensée pour les 300 enfants de sept à dix-huit ans qui sont toujours dans les geôles israéliennes. Il a eu cette phrase forte : « Pourquoi un État comme Israël, qui possède 250 bombes nucléaires, a-t-il peur d’un enfant de sept ans ? » Il a rappelé leurs difficiles conditions de détention. De plus, ces mineurs sont jugés par un tribunal militaire. Il nous a également parlé des dix-huit prisonniers politiques atteints du cancer dans l’ensemble des prisons.
Quels types de contacts peut avoir Salah avec l’extérieur ?
Fabien Gay. Ils sont très restreints. Nous avons eu la chance d’obtenir l’autorisation de le rencontrer. Sauf sa famille et les personnes du consulat, Salah n’a droit qu’à trois ou quatre visites par an. Et c’est derrière une vitre qu’il voit sa famille depuis qu’il est incarcéré. Par ailleurs, il parvient à avoir des livres par le consulat, mais pas d’ouvrages politiques. Ces derniers sont interdits.
Ensuite, Salah et ses codétenus ont obtenu une télévision. Ils ont la BBC en arabe mais Al Djazira leur a été retirée car jugée trop pro palestinienne. Ils ont une chaîne sportive aussi. Donc ils ont regardé le dernier match des joueuses françaises à la Coupe du monde, et Roland-Garros.
Il a aussi pu recevoir des journaux. « L’Humanité est le premier journal que j’ai demandé, mais il a été refusé d’emblée », nous a-t-il dit. Le Figaro lui a été adressé pendant six mois, mais depuis un mois et demi, plus rien ! Il a redéposé une demande pour avoir le Monde, en vain.
Enfin, il y a les lettres. Certaines qui lui sont envoyées sont censurées, lorsqu’il y a des coupures de presse par exemple. La censure est très arbitraire. Il y a peu, Salah 
Hamouri a reçu pour la première fois le timbre à son effigie. Auparavant, il était déchiré systématiquement par les autorités. Cette fois-là, cela a fini par passer, sans qu’il sache pourquoi.
Il a tenu à s’excuser de ne pas pouvoir répondre à tout le monde, car il n’a le droit qu’à deux lettres et quatre cartes postales par mois. Quant à Internet, il n’y a aucun accès, et il suit l’actualité au jour le jour grâce à la télévision et la radio.
 L’actualité sur la Palestine est nourrie actuellement. Qu’en dit-il ?
Fabien Gay. Ils ont suivi les événements autour de la flottille pour Gaza. « On a suivi minute par minute. On a partagé leurs peurs et leurs espoirs. On a aussi appris que le bateau avait été arraisonné par les autorités, c’est scandaleux », nous a-t-il raconté. Selon lui, l’Union européenne et la France se rendent coupables du blocus car, en ne faisant rien pour protéger ses ressortissants, elles le cautionnent.
En septembre, sera présentée à l’ONU la demande de reconnaissance de l’État palestinien. À ce sujet, il 
estime qu’il est très important d’avoir des accords entre le Fatah et le 
Hamas. « Jamais aucun peuple divisé ne s’est libéré. Malgré nos différences, il faut parler d’une même voix », a-t-il affirmé.
Pour lui, une première « dynamique d’union » a été enclenchée. À présent c’est à la communauté internationale de reconnaître un État palestinien en septembre, même s’il est convaincu que les États-Unis déposeront leur veto à l’ONU. Il a considéré que « ce n’est pas un point d’arrivée, mais un point de départ qui ne règle pas tout ».
Concernant les révolutions arabes, il a dit l’importance de la mise en place d’États démocratiques et laïcs là où des régimes mettaient la tête de leur peuple sous l’eau et en plus manipulaient la cause palestinienne. « Nous ne souhaitons pas que ces 
régimes antidémocratiques nous 
soutiennent en apparence, alors qu’ils n’ont jamais rien fait », a-t-il dénoncé.
À propos de la Libye il a déclaré ne pas vouloir d’un « deuxième Irak ».
 Pour vous, quel sens a une libération anticipée de Salah Hamouri ?
Fabien Gay. Sa libération doit advenir le 28 novembre mais il est possible qu’ils le gardent jusqu’au 11 mars 2012 car le système de rétention administrative israélienne permet de retenir six mois supplémentaires un détenu. Nous avons informé Salah qu’après notre interpellation du ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, ce dernier a demandé aux autorités d’Israël la clémence mais n’a reçu qu’une fin de non-recevoir.
La lettre de Salah Hamouri aux jeunes communistes
« Je vous envoie mes salutations et aussi celles des prisonniers politiques. Votre soutien est la chose qui tient notre moral et nous donne le sentiment qu’on n’est pas seuls, et on continue notre lutte collective contre l’injustice et toutes les formes de discrimination, et je sais qu’on sera ensemble pour continuer cette lutte humaine malgré la souffrance. Je vous remercie Salah Hamouri Gilboa prison, le 2 juillet »
Entretien réalisé par 
Arielle Estrada