samedi 9 juillet 2011

Dans sa réponse à la flottille, Israël est tout sauf intelligent

vendredi 8 juillet 2011 - 13h:29
Amira Hass
Ha’aretz
Une externalisation, une diplomatie agressive et verbale et des mensonges ridicules ont contrarié la flottille, mais n’ont pas effacé Gaza de l’agenda international.
Comme dans une caricature antisémite, Israël a étendu ses longs tentacules autour du globe pour arrêter 10 bateaux de plus de dix ans d’âge qui voulaient prendre la mer pour Gaza. Bien des Israéliens voient cela comme une importante victoire.
L’histoire peut se lire comme suit : le gouvernement grec a voulu sauver des gens qu’il considérait sûrement comme des excentriques et des fauteurs de troubles professionnels bien que naïfs, d’une expérience traumatisante et qui pouvait même leur être fatale. Le ministre grec des Affaires étrangères a écarté les protestations accusant Israël d’avoir fait pression sur son gouvernement pour que celui-ci interdise le départ de la flottille. Il a expliqué que la Grèce avait voulu éviter une « catastrophe humanitaire » dans l’éventualité d’un affrontement entre les Forces de défense israéliennes et les manifestants.
En fait, un officier de police grec - l’un de ceux qui ont tenté (en vain) de faire dire aux passagers du Tahrir qui pilotait leur navire - n’a pas tourné autour du pot. (*) Nous avons voulu vous sauver de l’armée israélienne, a-t-il dit à l’un d’eux. Le Juif de la calomnie du sang, celui dont on doit se méfier, est remplacé par le commando-marine israélien.
Dans les caricatures antisémites, le juif fourbe est condamné à errer et son contrôle sur le monde est voué à disparaître. Mais le gouvernement d’Israël revoit la caricature et esquisse une glorieuse victoire. Une guerre d’usure, sous la forme de pannes mystérieuses et d’une bureaucratie sans précédent de la part des autorités grecques, a contrarié le projet initial de la flottille qui était de jeter l’ancre au large de la côte de Gaza. Quand le Premier ministre Benjamin Netanyahu a publiquement remercié le gouvernement grec, il savait très bien pour quoi il le remerciait.
Nous devons maintenant attendre les fuites à venir des médias pour savoir ce qu’exactement la Grèce a reçu en échange, en dehors de liens militaires plus étroits. Peut-être de l’argent, pour achever la caricature ?
C’était le bon moment pour user de la tactique de pressions. Le gouvernement socialiste de la Grèce se trouve dans une situation fragile, alors que l’Union européenne et le Fond monétaire international obligent le pays à adopter un plan d’austérité que la plus grande partie de sa population refuse. Certes, le fait que la Grèce soit devenue un sous-traitant de l’armée israélienne n’a pas fait descendre les masses dans les rues, mais il n’y a aucun doute à ce sujet : la sympathie des soldats grecs qui ont arrêté les passagers du Tahrir et celle des bureaucrates qui les ont retardés allait à la flottille et à Gaza, pas aux ordres de leur gouvernement. C’est tout ce dont nous avons besoin : qu’un autre pays dont le gouvernement s’entend bien avec Israël se trouve en opposition totale avec son opinion populaire.
Les organisateurs de la flottille ont repris un terme du monde des affaires et de la mondialisation pour décrire la domination des Palestiniens par Israël. Israël, disent-ils, a sous-traité l’industrie du blocus de Gaza. En échange d’une récompense, un gouvernement étranger - la Grèce - a rempli un rôle actif et adopté une politique délibérée visant à maintenir la bande de Gaza dans une immense prison.
La logique veut qu’un gouvernement dont la politique valide des clichés antisémites soit source d’inquiétude pour les Israéliens et les juifs du monde entier. Mais le gouvernement israélien fait ce que ses électeurs veulent et croient. Car il y a un cliché qui n’a pas été recyclé ici : celui du juif sage.
Une externalisation, une diplomatie agressive et verbale et des mensonges ridicules ont contrarié la flottille, mais n’ont pas effacé Gaza de l’agenda international. Si Israël - qui savait pertinemment qu’il n’y avait pas un gramme d’explosifs à bord des navires - avait laissé les navires partir pour Gaza, la flottille n’aurait pas préoccupé la presse internationale comme elle l’a fait.
Le blocage de la flottille n’a pas découragé les organisateurs, qui sont diplômés des luttes anti-apartheid et de la suprématie anti-blancs. Au contraire, il a fourni une preuve écrasante de la façon dont Israël est blanc. Avec comme résultat, que le blocage de la flottille a seulement augmenté leur motivation pour que l’exigence de liberté pour les Palestiniens soit gardée en haut de l’agenda international
(JPG) * : Amira Hass était à bord du bateau canadien Tahrir :
Israël met en garde la presse qui sera à bord de la Flottille pour Gaza
David Poort - Al Jazeera
Crète, 7 juillet 2011, 3 h 16 - Ha’aretz - traduction : JPP
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