Eva Bartlett
IPS
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          Un nouveau mémorial flambant neuf se dresse au centre du port  endommagé de Gaza. Flanqué des drapeaux des différents pays dont les  citoyens ont tenté d’atteindre Gaza en bateau pour mettre en avant le  siège impitoyable de Gaza, le mémorial porte les noms des militants du  mouvement turc de la solidarité qui sont morts il y a un an quand les  membres d’un commandé israélien arrivés par les airs au dessus de la  Flottille de la Liberté ont tiré avec des fusils mitrailleurs, faisant 9  morts et plus de 50 blessés parmi les civils qui se trouvaient sur le bateau.         
 Un an après l’attaque illégale israélienne de la flottille et  l’enlèvement de plus de 600 civils dans les eaux internationales, le  port de Gaza fourmille de gens pleins d’énergie : ils sont venus  commémorer les morts et annoncer les bateaux de la Flottille numéro 2  qui vont arriver prochainement à Gaza. Le Premier ministre palestinien Ismail Haniya fait un discours pour remercier les militants turcs et leur gouvernement pour leur soutien indéfectible à la Palestine.Depuis les bateaux "Free Gaza"  arrivés en 2008 - les premiers bateaux à briser le blocus et les  premiers bateaux à s’amarrer dans les docks de Gaza depuis qu’Israël à  investi la bande de Gaza en 1967 -  le mouvement qui amène des bateaux à  Gaza s’est développé de manière exponentielle. Free Gaza  a réussi à rentrer cinq fois dans le port de Gaza et quatre autres  expéditions ont été violemment contrecarrées par la marine israélienne.
L’expédition maritime de 2008 a été interrompue par un navire de guerre israélien qui a arraisonné un bateau de Free Gaza  transportant du matériel médical, des militants non violents, des  chirurgiens et des journalistes. La tentative de 2009 a avorté quand les  soldats israéliens sont montés à l’abordage et se sont mis à battre et à  kidnapper les passagers qui se trouvaient pourtant dans les eaux  internationales. En juin 2009, un autre bateau a été stoppé par la  marine israélienne et ses passagers ont été kidnappés et déportés.
Les différents bateaux transportaient des militants non  violents, des journalistes de presse et de télévision, des  parlementaires européens, des juifs solidaires de la Palestine  dont des survivants de l’holocauste et des militants et des  journalistes israéliens et même des Palestiniens qui ne peuvent pas sortir  de Gaza pour aller étudier dans des universités étrangères ou qui n’ont  pas le droit de rentrer à Gaza pour rejoindre leurs familles.
Israël bloque le passage des bateaux qui veulent rentrer et sortir  de Gaza sous le prétexte de la sécurité pour soi-disant empêcher que  des armes de contrebande n’entrent à Gaza. Dans tous les bateaux qui ont  été arraisonnés et emmenés de force en Israël on n’a trouvé que de  l’approvisionnement humanitaire. Loin de défaire le mouvement des  bateaux vers Gaza, les agressions d’Israël ont eu l’effet inverse.
Des bateaux en provenance de Libye, de Malaisie et un  bateau transportant des militants juifs ont fait route sur Gaza et ont  été bloqués par des navires de guerre israéliens avant d’arriver à la  bande de Gaza. Il y a deux semaines, des soldats israéliens ont tiré sur  un navire d’aide humanitaire malaisien qui transportait des  canalisations pour un projet sanitaire à Gaza et l’ont obligé à aller  dans un port égyptien.
En mai 2010, Free Gaza, soutenu par  l’organisation humanitaire turque IHH, a envoyé à nouveau des bateaux et  des militants vers la bande de Gaza assiégée, cette fois accompagnés  par la grand bateau turc le Mavi Marmara. Quand les six  navires de la Flottille de la Liberté et leurs 600 passagers ont  approché Gaza, les commandos israéliens se sont mis à tirer avec des  fusils mitrailleurs sur les navires qui se trouvaient dans les eaux  internationales. Grâce à la retransmission par satellite, l’assaut a été  enregistré et retransmis à des spectateurs incrédules à Gaza et dans le  monde entier.
Keven Niesh, un militant canadien de 53 ans qui se trouvait à bord du Mavi Marmara a décrit les meurtres. "Il  y avait plusieurs hommes qui avaient deux impacts de balles côte à côte  sur le côté de la tête -ils ont clairement été exécutés" a dit Neish à Counter Punch dans un interview après le massacre de la Flottille l’année dernière.
Les militants internationaux ne se sont pas laissés  décourager par les massacres de l’année dernière et ils ont organisé la  Flottille de la Liberté numéro 2 qui doit prendre la mer dans un mois  avec au moins 10 bateaux et plus de 1000 militants. Des bateaux  canadiens et étasuniens se joindront à l’Europe, la Turquie et d’autres  pays.
Tout de suite après le massacre de l’année dernière, les autorités égyptiennes ont ouvert partiellement le passage de Rafah.  Pour faire taire les critiques, les autorités israéliennes ont ensuite  annoncé un allègement du siège de Gaza. Mathilde De Riedmatten, du  Comité International de la Croix Rouge (CICR), a fait remarquer dans un  interview de mai 2011 que "l’entrée des marchandises  dans Gaza est toujours très limité non seulement en termes de quantités  mais en termes de choix de produits autorisés."
Plus récemment, les autorités égyptiennes ont annoncé l’ouverture continue du passage de Rafah. Le Centre palestinien des droits de l’homme  (CPDH) cependant note que ce changement n’aura pas d’impact sur les  importations ni les exportations ni sur l’économie de Gaza. "Ces  procédures ne soulageront pas les souffrances des civils Palestiniens  ni ne changeront la situation économique causée par le strict blocus  imposé à la bande de Gaza" selon le CPDH.
Le CPDH demande "que soit levé le siège  israélien imposé à la bande de Gaza, que les barrages soient ouverts  pour permettre les transactions commerciales et la liberté de mouvement  des personnes y compris les mouvements entre la bande de Gaza et la  Cisjordanie par les points de passage contrôlés par les forces  d’occupation israéliennes."
Le siège de Gaza a un impact sur l’eau potable (95% de  l’eau de Gaza a une qualité inférieure aux normes de l’organisation  mondiale de la santé), le système sanitaire ( les eaux usées sont  pompées quotidiennement dans la mer par manque de capacité de stockage),  et les secteurs de l’agriculture et de la pèche (les soldats israéliens  tirent tous les jours sur les pécheurs et les fermiers). Les niveaux du  chômage et de la malnutrition montent en flèche, il y a sans arrêt des  pannes d’électricité qui endommagent le matériel hospitalier et les  Palestiniens continuent de vivre dans ce que de plus en plus de  personnes extérieures appellent "une prison à ciel ouvert". Le pianiste de renom, Anton Kuerti, qui soutient le bateau canadien pour Gaza, dit que le siège a fait de Gaza un endroit "qui ressemble trait pour trait à un camp de concentration".
Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon a suggéré  que les nations empêchent leurs citoyens de prendre la mer en disant que  les gouvernements devraient "utiliser leur influence pour décourager de telles flottilles qui peuvent engendrer une escalade de la violence."
L’avocat de Free Gaza dit que "la  flottille ne viole aucune loi internationale ni aucune loi maritime de  sorte qu’une interdiction absolue de naviguer vers Gaza viole le droit  des Palestiniens de contrôler leurs propres ports et leur propre vie."
La Turquie a demandé à Israël de s’excuser et  d’indemniser les familles des militants assassinés et le ministre des  Affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu, a dit sur la chaîne de  télévision NTV que "la Turquie répondrait comme il se doit à une autre provocation d’Israël en haute mer."
David Heap, un militant très engagé de Un bateau canadien pour Gaza, dit que les participants de la flottille de la liberté n’ont pas peur. "Nos gouvernements trahissent les Palestiniens de Gaza, la société civile doit prendre la relève."
Tout comme Free Gaza, le but de la grande flottille est de mettre fin au siège de Gaza. Le bateau canadien pour Gaza (CBG) "remettra  en question la politique étrangère canadienne et le soutien  inconditionnel aux crimes de guerre israéliens par le gouvernement  actuel."
 * Eva Bartlett est une avocate canadienne spécialisée dans les droits de l’homme. Elle vit actuellement dans la bande de Gaza.
Gaza ville, le 31 mai 2011 - Pour consulter l’original : IPS - photo de Eva Bartlett - Traduction : Dominique Muselet