jeudi 31 mars 2011

Réussiront-ils cette fois ?

Palestine - 30 mars 2011
Par Khaled Amayreh
Les Palestiniens attendent avec impatience de voir le dénouement des derniers efforts pour parvenir à une réconciliation entre le Fatah et le Hamas, après que le président de l'Autorité palestinienne (AP) Mahmoud Abbas, ait déclaré qu'il était disposé à se rendre bientôt à Gaza pour signer un accord avec le Hamas.
Réussiront-ils cette fois ?
Ismail Haniyeh, le premier ministre du gouvernement Hamas basé à Gaza, a dit dans un discours du 15 mars qu'il invitait Abbas à visiter Gaza de manière à ce que les deux dirigeants "signent un accord" qui aplanirait les divisions internes une fois pour toutes. A la surprise générale, Abbas a accepté de venir, mais sous condition, et le président de l'AP a soigneusement précisé qu'il n'irait pas à Gaza pour s'engager dans des "négociations futiles" ni se lancer dans un dialogue prolongé avec les dirigeants Hamas.
"Ne vous y trompez pas. Je n'y vais que pour signer un accord ; je n'engagerai aucune négociation ni quoique ce soit de la sorte."
Mais il n'y a jamais eu d'accord de réconciliation signé par les deux plus importants camps politiques en Palestine occupée, ce qui fait des dernières tentatives plus un jeu de faux-semblant, du moins d'une perspective de relations publiques, qu'une initiative de résolution authentique des questions litigieuses en suspens.
Des responsables à Gaza ont dit qu'Abbas serait toujours le bienvenu pour visiter "sa maison", mais ont ajouté qu'il faudrait d'abord débattre des questions en suspens.
Photo
26 juin 2007 - la maison de Mahmoud Abbas à Gaza-ville encerclée par les véhicules de la police de Gaza.
"Ce n'est pas une question de bonne contre mauvaise alchimie. Il y a des problèmes réels qui doivent d'abord être résolus pour que notre unité nationale repose sur des bases solides," a dit Mushir al-Masri, responsable Hamas.
Il a ajouté : "Je préfèrerais voir la visite reportée de quelques jours ou semaines puis réussir plutôt que de la voir se réaliser maintenant et échouer. Je le redis, la question va au-delà de la courtoisie et de l'hospitalité."
Certains officiels Hamas à Gaza ont laissé entendre que nombre de Gazaouis soupçonnaient le Fatah d'essayer de tendre un piège de relations publiques au Hamas pour montrer que le mouvement islamiste est le parti qui empêche la réconciliation nationale. Le Hamas a déjà accusé le Fatah de se servir du mini-soulèvement Facebook du 15 mars pour fomenter de l'incitation contre le mouvement islamiste. Le Hamas a dit que de nombreux activistes Fatah avaient infiltré les protestataires du 15 mars, qui exigeaient la fin de la division, poussant les forces de sécurité à disperser les manifestants par la force, en particulier après le lancement de slogans demandant la fin du "coup d’État", une expression chargée qui implique que le Hamas est le méchant tandis que le Fatah représente la vraie légitimité.
Les responsables Fatah à Ramallah ont dit que si tout allait bien, Abbas et Haniyeh signeraient un accord qui conduirait à la formation d'un "gouvernement d'indépendants" qui préparerait l'organisation d'élections générales dans les territoires occupés, incluant à la fois la Cisjordanie et la Bande de Gaza.
Cependant, le Hamas a une foule de réserves et de griefs légitimes dont il dit qu'ils doivent être traités de façon satisfaisante avant la signature de tout accord. Il s'agit notamment du fait qu'il n'y a aucune garantie qu'Israël, qui considère le Hamas comme un groupe terroriste parce qu'il résiste à l'occupation israélienne, autorise la participation du Hamas aux élections à venir, ainsi que la crainte réelle qu'Israël pourrait bien rafler tous les candidats islamistes. En outre, le Hamas craint que la tenue d'élections dans l'atmosphère d’État policier actuelle en Cisjordanie , où le Hamas est effectivement hors-la-loi, lui soit préjudiciable. En conséquence, le groupe islamiste exige une période intermédiaire prolongée d'au moins un an.
De plus, le Hamas est fermement opposé à toutes relations spéciales entre le gouvernement intérimaire, ou gouvernement des indépendants, et Israël (c'est-à-dire aucune coopération sécuritaire avec Israël).
Avec des attaques médiatiques vindicatives entre les deux bords qui continuent sans relâche, il y a très peu de raisons de penser que la méfiance entre le Fatah et le Hamas ait décru, et ce n'est pas une ambiance propice à un réel rapprochement.
Cette semaine, des articles ont cité Tawfiq Teirawi, ancien chef de la célèbre mukhabarat de l'AP, ou renseignements généraux, disant qu'il chercherait à déstabiliser le gouvernement Hamas si ce dernier continuait à faire de l'obstruction.
"Il faut exercer des pressions sur le Hamas de toutes parts, et renforcer la propagande pour inciter l'opinion publique contre lui," a-t-il dit.
Teirawi a également admis que le Fatah était derrière l'"initiative des jeunes" du 15 mars, qui a appelé à des rassemblements et des manifestations de masse pour faire pression sur la fin de la scission entre le Fatah et le Hamas.
De même, Mohamed Nazzal, un responsable Hamas basé à Damas, a accusé la direction de l'Organisation de Libération de la Palestine de manquer de la bonne volonté nécessaire pour parvenir à une réconciliation palestinienne authentique et durable.
"Ils veulent nous faire revenir au soi-disant document égyptien, mais ils savent très bien, dans leur for intérieur, que ce document était biaisé en faveur du Fatah et visait d'abord et avant tout à affaiblir le Hamas. Aujourd'hui, il y a des changements dans le monde arabe que le Fatah et l'AP doivent prendre en compte."
On ne sait toujours pas si Abbas ira à Gaza et rencontrera Haniyeh. En dernière analyse, le succès de la visite ne dépendrait pas seulement du fait qu'elle ait lieu. Ce qui semble plus certain, c'est que les conditions en Palestine occupée et dans la région dans son ensemble ne sont pas propices à la réalisation d'une réconciliation palestinienne, ne serait-ce qu'à cause du "facteur israélien".
Israël dit ouvertement qu'il ne traitera avec aucun gouvernement palestinien qui inclurait le Hamas. La même position sera vraisemblablement adoptée par l'administration Obama et beaucoup - peut-être la plupart - des pays européens.
Enfin, la dernière escalade de violence à Gaza, qui a fait de nombreux morts et blessés parmi les civils lors de frappes aériennes israéliennes soutenues, complique aussi la tâche de la réconciliation palestinienne.
Avec un monde arabe préoccupé par ses affaires internes, et une communauté internationale focalisée sur les révolutions arabes, dont la crise en Libye, il pourrait être opportun que les Palestiniens suspendent au moins leurs différences - s'ils n'arrivent pas à les résoudre.
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