samedi 19 février 2011

La France et ses ressortissants français : coup de gueule de Jacques-Marie Bourget

vendredi 18 février 2011
Jacques-Marie Bourget, survivant handicapé par l’armée israélienne alors qu’il était en reportage à Ramallah, s’interroge sur la diplomatie française et sur le boycott du Mexique préconisé par Michèle Alliot-Marie, tandis que d’autres ressortissants français, dont lui-même, n’ont jamais obtenu la moindre attention de la part du gouvernement français, dans des situations particulièrement injustes et contraires au droit international.
Que faut-il faire ? Qui faut-il être ou ne pas être, quand s’abat sur vous le plomb de l’autorité politico-judiciaire d’un pays étranger, pour obtenir aide et assistance du président de la République et du gouvernement de la France ? L’histoire nous apprend que, naguère, Nicolas Sarkozy est allé arracher lui-même les étonnants humanitaires de l’Arche de Zoé alors aux mains des magistrats tchadiens. Aujourd’hui, après la confirmation de la peine de prison qui frappe Florence Cassez, accusée au Mexique de complicité d’enlèvement, l’Elysée annonce derechef qu’il prend pour siens le fait et la cause de la jeune condamnée. Ses parents seront reçus dare-dare au palais : la France est fâchée contre Mexico.
Michèle Alliot-Marie, qui maintenant tourne sa langue avant de parler, a déclaré illico que la décision de la Cour fédérale mexicaine est « un déni de justice ». Et la ministre des Affaires étrangères en colère va boycotter les cérémonies programmées pour célébrer chez nous « l’Année du Mexique ». L’ambassadeur de ce grand pays d’Amérique du nord a été convoqué et admonesté. On ne plaisante pas avec le sort d’un compatriote.
Je ne connais rien du dossier de Florence Cassez et milite pour qu’un coupable soit en liberté plutôt qu’un innocent en prison. Je note seulement que, face à des décisions de la justice étrangère, il existe des Français plus Français que d’autres. Que, ni le président de la République ni la locataire du Quai d’Orsay, ne manifestent un tel empressement, un tel soutien quand l’objet de l’oppression ou du déni n’entre pas dans l’imagerie des bonnes causes élues par L’Elysée ou notre diplomatie.
Deux mots sur ma propre histoire. Le 21 octobre 2000, en reportage à Ramallah, j’ai été délibérément pris pour cible par un tireur israélien. Une balle de M16 dans le poumon, les nerfs du bras atteints, je suis aujourd’hui un survivant handicapé à 42%. Chargée d’enquêter sur les circonstances de cette « tentative d’assassinat » madame Guenassia, juge d’instruction au TGI de Paris, a envoyé une demande de coopération judiciaire à Israël.
Après trois années de silence, le gouvernement de Jérusalem a pris la décision de ne pas coopérer avec la France. En bon droit, dans le but de défendre un de ses citoyens, Paris se devait de demander des comptes à Israël, via la Cour internationale de justice pour non respect d’une convention. Rien de tel n’a été engagé. Mieux, le président de la République n’a jamais répondu aux courriers de mon avocat, maître William Bourdon.
Une politique identique s’applique au sort de Salah Hamouri, un jeune franco-palestinien condamné en Israël par un tribunal militaire (illégal au regard du droit international), à 7 années de prison. Cela pour être passé en voiture devant le domicile d’un rabbin ultra radical de la Ville Sainte. La mère du jeune homme, un professeur français, n’a été reçue ni par le Président ni par ses ministres.
Le 5 janvier dernier, questionnée sur le sort du prisonnier Hamouri, madame Alliot-Marie a déclaré : « Il ne nous appartient pas d’intervenir ou même de commenter le processus judiciaire d’un état souverain ». Autre contradiction de la titulaire du Quai elle annonce boycotter le Mexique alors, qu’étant alors Garde des sceaux, elle a rédigé une note exigeant des procureurs qu’ils condamnent tout citoyen boycottant les produits israéliens.
La veuve de Maurice Audin, jeune mathématicien torturé à mort pendant la guerre d’Algérie, pourrait confirmer mon propos. Voilà trois ans qu’elle a écrit au président de la République pour obtenir, enfin, l’ouverture d’une enquête sur la mort de son mari. Sans recevoir de réponse, pas même un mot de courtoisie. Dans sa prison Florence Cassez n’est pas, elle, une oubliée de la République. C’est tant mieux.
Par Jacques-Marie BOURGET
CAPJPO-EuroPalestine
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