11 février 2011 à 20h32
Ian Deitch Associated Press Jérusalem |
Israël a assisté à la démission du président égyptien Hosni Moubarak avec appréhension vendredi, craignant que le renversement de son plus loyal allié dans le monde arabe ne mette en danger le traité de paix entre les deux pays et donne un nouvel élan aux islamistes de la région.
Le gouvernement israélien n'a pas officiellement commenté l'annonce de la démission d'Hosni Moubarak, après près de 30 ans à la présidence de l'Égypte.
Mais d'anciens responsables israéliens se sont dit inquiets que les changements en Égypte, et plus largement dans le monde arabe, ne laissent Israël encore plus isolé dans la région.
«Nous avons une période difficile devant nous», a dit Zvi Mazel, ancien ambassadeur d'Israël en Égypte, sur une chaîne de télévision israélienne. «L'Iran et la Turquie vont consolider leurs positions contre nous. Oubliez l'ancienne Égypte. La réalité est maintenant complètement différente, et ce ne sera pas facile.»
Certaines personnes en Israël ont dit craindre que le soulèvement se répande en Jordanie voisine, le seul autre pays arabe qui a conclu un traité de paix avec l'État hébreu, ou encore dans les Territoires palestiniens.
L'ancien ministre israélien de la Défense Benyamin Ben-Elizer, un ami de longue date d'Hosni Moubarak, s'est dit inquiet.
«J'ai beaucoup de questions sur ce que sera le destin du traité de paix entre nous et les Égyptiens», a dit M. Ben-Elizer à la télévision israélienne Channel 10. «Il y a beaucoup de questions pour lesquelles nous n'avons pas de réponses. Comment cela affectera-t-il l'ensemble de la région maintenant?» s'est-il demandé.
Le traité de paix avec Israël n'a pas été mentionné durant le soulèvement populaire en Égypte, et les Frères musulmans sont restés vagues sur cette question.
Israël et l'Égypte ont fait quatre guerres avant qu'un traité de paix soit conclu entre les deux pays, en 1979. Hosni Moubarak a honoré l'accord de façon indéfectible après avoir succédé à Anouar El-Sadate, assassiné par des extrémistes deux ans après avoir conclu la paix avec Israël.
Dan Gillerman, ancien représentant d'Israël aux Nations unies, a estimé que si les radicaux avaient le dessus en Égypte et ailleurs, cela pourrait être dévastateur pour la région.
«Si les radicaux l'emportent (en Égypte), nous aurons le Hamas à Gaza, le Hezbollah au Liban et les Frères musulmans en Égypte, ce qui serait catastrophique, non seulement pour Israël mais pour la stabilité de toute la région», a jugé M. Gillerman sur la chaîne américaine Fox News.
«Ce que nous voyons au Moyen-Orient est un combat entre les modérés et les extrémistes, et je crois qu'il est dans l'intérêt de tous que les modérés l'emportent», a-t-il ajouté.
Des sources militaires israéliennes ont indiqué que si le traité de paix avec l'Égypte n'était pas maintenu, l'armée pourrait devoir réévaluer son déploiement. Ces sources ont requis l'anonymat compte tenu de la sensibilité de la question.
Un renforcement des Frères musulmans égyptiens pourrait aussi avoir un impact sur la lutte de pouvoir que se livrent les deux camps politiques palestiniens - les islamistes du Hamas dans la bande de Gaza et l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas en Cisjordanie.
M. Abbas est appuyé par l'Occident, tandis que le Hamas est soutenu par l'Iran, la Syrie et le Hezbollah libanais. Le Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza est une filiale des Frères musulmans, et le mouvement pourrait être renforcé si son pendant égyptien obtient une plus grande place sur la scène politique.
Dans la bande de Gaza, des milliers de personnes sont descendues dans les rues vendredi pour célébrer la démission d'Hosni Moubarak. Plusieurs espéraient que les changements en Égypte aident à faire tomber le blocus imposé au territoire par Israël et l'Égypte après la prise du pouvoir par le Hamas, en 2007.
«L'Égypte a écrit aujourd'hui un nouveau chapitre de l'histoire des nations arabes et je peux voir le blocus de Gaza s'ébranler en ce moment», a dit le premier ministre du Hamas dans la bande de Gaza, Ismaïl Haniyeh.
Le plus haut responsable militaire américain, le chef d'état-major Mike Mullen, se rendra en Israël dimanche et lundi, et la situation en Égypte devrait se trouver au sommet de ses priorités. Sa visite avait été prévue avant l'annonce de la démission d'Hosni Moubarak.
L'Égypte est, après Israël, le plus important allié des États-Unis dans la région. L'Égypte reçoit chaque année environ 1,5 milliard $US en aide militaire américaine, et des responsables ont indiqué vendredi que cet appui ne devrait pas être affecté par le départ de M. Moubarak.
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