Cisjordanie - 11 février 2011
Par Khaled Amayreh
Contrarié par l'absence totale de progrès dans le processus de paix notoirement futile, l'Autorité Palestinienne soutenue par les Etats-Unis a une fois de plus déterminé une date pour la tenue d'élections générales dans les territoires occupés de la Cisjordanie, de la Bande de Gaza et de Jérusalem Est. Mais l'organisation d'élection dépend dans une large mesure du consentement israélien. L'armée d'occupation israélienne continue de contrôler chaque coin et recoin de Cisjordanie, et il serait inimaginable de tenir des élections si l'occupant israélien disait "non".
Abbas pousse à de nouvelles élections anticipées :
"La communauté internationale n'a pas vraiment apprécié le résultat de nos dernières élections, nous n'avons donc pas besoin de vos votes cette fois, frères et sœurs, merci... "
Le Hamas a également contesté l'annonce unilatérale de Ramallah, au motif que des élections tenues en l'absence de libertés civiles fondamentales comme la liberté d'expression serait une démarche insensée et irresponsable.
Le Hamas a raison. La Cisjordanie languit sous un appareil policier d'Etat, avec une absence presque totale de primauté du droit comme des libertés fondamentales sans lesquelles l'organisation de véritables élections n'a pas de sens.
L'organisation d'élections requiert des droits et des libertés fondamentales, dont la liberté d'organiser des rassemblements, des réunions et faire campagne sans être réprimé et harcelé par la police et autres services de sécurité.
Inutile de dire que ces droits et ces libertés n'existent pas aujourd'hui en Cisjordanie et les affirmations mensongères du contraire n'ont même pas besoin d'être réfutées. La population et les organisations pour les droits de l'homme opérant dans la région ne connaissent que trop bien la vérité.
Si un enfant est pris en train d'agiter un petit drapeau vert portant la profession de foi islamique, "Il n'y a de Dieu que Dieu et Mohammed est son Prophète", il sera arrêté, frappé et sa famille sera tenue pour responsable du "crime" d'avoir brandi le drapeau du Hamas.
Certains responsables palestiniens peuvent affirmer que pendant la durée des élections et la période immédiate qui les précède, les candidats et les listes électorales seront en mesure de faire campagne plutôt librement, et que les élections elles-mêmes seront surveillées par des observateurs internationaux.
Ce n'est cependant pas suffisant. Nous savons tous que pour tenir de véritables élections représentatives, les postulants doivent tous avoir des chances égales, une condition qui est la grande absente en Cisjordanie.
Plus précisément, nous savons tous que la plupart des citoyens islamiques qui pourraient contester les élections sont déjà derrière les barreaux, dans les geôles israéliennes ou dans celles de l'AP, détenus sans inculpation ni procès, essentiellement sur des accusations fabriquées et inconsistantes qui n'ont rien à voir avec un délit avéré.
Dans tout autre pays qui se respecte, l'incarcération de longue durée de citoyens en raison de leur idéologie serait considérée comme un tabou.
En plus de traquer et d'emprisonner les gens à cause de leurs convictions, l'AP s'est emparée ou a délibérément ruiné des centaines d'institutions islamiques, dont des comités de la zakat (l'aumône), des écoles, des orphelinats, des centres sociaux et des clubs sportifs, ainsi que des établissements de santé.
Dans certains cas, l'AP a totalement et illégalement saisi des entreprises et des ateliers, privant ainsi des familles entières de leurs sources de revenus.
On peut par conséquent se demander comment de véritables élections pourraient avoir lieu dans des conditions aussi anormales, à moins que l'AP ait l'intention de les truquer de gré ou de force pour contrebalancer et venger sa défaite électorale de 2006.
L'AP dit qu'elle est prête à autoriser des observateurs internationaux à surveiller les élections. Toutefois, la présence d'observateurs internationaux ne créera pas en elle-même une atmosphère idéale pour des élections transparentes.
Je parle des préparatifs pré-électoraux, comme la campagne et la tenue de rassemblements dans un environnement libre.
Certes, l'AP pourrait autoriser une ou deux semaines de campagne électorale libre et sans entraves, mais cette courte période serait tout-à-fait insuffisante pour faire la transition entre une atmosphère de police d'Etat et une liberté où tous les groupes et partis politiques, dont le Hamas, auraient une chance égale.
La décision de l'AP a de toute évidence était prise sous la pression de quelques partis de gauche et libéraux qui ont peu de poids dans la rue palestinienne. Ces partis espèrent qu'en l'absence de la participation du Hamas aux élections, ils seront en mesure d'obtenir un gros morceau des votes du peuple.
La logique de ces partis, c'est que les Palestiniens, mécontents et déçus par le gouvernement Fatah, et ils sont nombreux, voteront pour eux. Malheureusement, les considérations ayant trait à l'intérêt national palestinien semblent être au second plan, loin derrière l'opportunisme à courte vue de ces partis.
La décision de l'AP d'organiser des élections n'est en aucun cas l'expression d'un attachement à la démocratie. En fait, le Fatah, la colonne vertébrale politique et sécuritaire de l'AP, n'a jamais montré le plus petit attachement à la démocratie, ni sous le gouvernement du président palestinien Yasser Arafat, ni sous le leader actuel Mahmoud Abbas. Le Fatah et la démocratie ont toujours semblé être un éternel oxymore. Arafat, par exemple, tenait toutes les rênes, contrôlait tout l'argent et prenait toutes les décisions. Son successeur, Abu Mazen, a permis aux services de sécurité à dominance Fatah de s'emparer et de dissoudre les institutions démocratiquement élues dans toute la Cisjordanie.
Il est largement admis que la décision d'organiser des élections est liée à deux développements importants qui ont réellement choqué et ébranlé le Fatah sur ses bases, poussant le mouvement à essayer plutôt désespérément de renforcer sa position publique :
- D'abord, la divulgation récente par al-Jazeera TV de documents montrant l'étendue des concessions faites à Israël par les négociateurs palestiniens. Les révélations ont rendu les dirigeants de l'AP furieux et les ont tellement embarrassés qu'ils ont accusé le réseau panarabe de lancer une guerre tous azimuts contre le régime de Ramallah, en connivence avec Israël.
Les "Dossiers Palestine" ont montré les dirigeants palestiniens comme des "menteurs" qui disent à leur peuple une chose au regard des constantes nationales palestiniennes que sont Jérusalem et le droit au retour des réfugiés, mais en disent une toute autre à leurs homologues israéliens.
Cet étalage des positions scandaleuses des négociateurs palestiniens semble avoir sérieusement altéré le crédit public de la direction de l'AP. D'où la recherche d'un renouveau de popularité.
- L'autre facteur contribuant à la décision d'élections a à voir avec les événements en Egypte, qui ébranlent le régime de l'OLP jusqu'au cœur. Le régime tyrannique d'Hosni Moubarak (dégage, ndt) a toujours été considéré comme la police d'assurance ultime de la direction de l'OLP dans le monde arabe. Sa disparition possible, et en particulier l'émergence d'un nouveau régime au Caire dans lequel les Frères Musulmans pro-Hamas joueraient un rôle, est un véritable cauchemar pour le Fatah, l'AP et l'OLP réunis.
D'où la décision d'organiser des élections dans l'espoir de neutraliser toute ramification possible avec la révolution égyptienne, c'est-à-dire le renforcement du Hamas et l'amélioration de sa position de négociation vis-à-vis du Fatah.
Il ne fait aucun doute que la tenue d'élections est une démarche positive dans des circonstances normales. Toutefois, lorsque les élections occultent et entravent les principaux objectifs nationaux, tels que la libération d'une occupation étrangère, elles deviennent un empêchement plutôt qu'un facilitateur d'une véritable construction nationale.
"La communauté internationale n'a pas vraiment apprécié le résultat de nos dernières élections, nous n'avons donc pas besoin de vos votes cette fois, frères et sœurs, merci... "
Le Hamas a également contesté l'annonce unilatérale de Ramallah, au motif que des élections tenues en l'absence de libertés civiles fondamentales comme la liberté d'expression serait une démarche insensée et irresponsable.
Le Hamas a raison. La Cisjordanie languit sous un appareil policier d'Etat, avec une absence presque totale de primauté du droit comme des libertés fondamentales sans lesquelles l'organisation de véritables élections n'a pas de sens.
L'organisation d'élections requiert des droits et des libertés fondamentales, dont la liberté d'organiser des rassemblements, des réunions et faire campagne sans être réprimé et harcelé par la police et autres services de sécurité.
Inutile de dire que ces droits et ces libertés n'existent pas aujourd'hui en Cisjordanie et les affirmations mensongères du contraire n'ont même pas besoin d'être réfutées. La population et les organisations pour les droits de l'homme opérant dans la région ne connaissent que trop bien la vérité.
Si un enfant est pris en train d'agiter un petit drapeau vert portant la profession de foi islamique, "Il n'y a de Dieu que Dieu et Mohammed est son Prophète", il sera arrêté, frappé et sa famille sera tenue pour responsable du "crime" d'avoir brandi le drapeau du Hamas.
Certains responsables palestiniens peuvent affirmer que pendant la durée des élections et la période immédiate qui les précède, les candidats et les listes électorales seront en mesure de faire campagne plutôt librement, et que les élections elles-mêmes seront surveillées par des observateurs internationaux.
Ce n'est cependant pas suffisant. Nous savons tous que pour tenir de véritables élections représentatives, les postulants doivent tous avoir des chances égales, une condition qui est la grande absente en Cisjordanie.
Plus précisément, nous savons tous que la plupart des citoyens islamiques qui pourraient contester les élections sont déjà derrière les barreaux, dans les geôles israéliennes ou dans celles de l'AP, détenus sans inculpation ni procès, essentiellement sur des accusations fabriquées et inconsistantes qui n'ont rien à voir avec un délit avéré.
Dans tout autre pays qui se respecte, l'incarcération de longue durée de citoyens en raison de leur idéologie serait considérée comme un tabou.
En plus de traquer et d'emprisonner les gens à cause de leurs convictions, l'AP s'est emparée ou a délibérément ruiné des centaines d'institutions islamiques, dont des comités de la zakat (l'aumône), des écoles, des orphelinats, des centres sociaux et des clubs sportifs, ainsi que des établissements de santé.
Dans certains cas, l'AP a totalement et illégalement saisi des entreprises et des ateliers, privant ainsi des familles entières de leurs sources de revenus.
On peut par conséquent se demander comment de véritables élections pourraient avoir lieu dans des conditions aussi anormales, à moins que l'AP ait l'intention de les truquer de gré ou de force pour contrebalancer et venger sa défaite électorale de 2006.
L'AP dit qu'elle est prête à autoriser des observateurs internationaux à surveiller les élections. Toutefois, la présence d'observateurs internationaux ne créera pas en elle-même une atmosphère idéale pour des élections transparentes.
Je parle des préparatifs pré-électoraux, comme la campagne et la tenue de rassemblements dans un environnement libre.
Certes, l'AP pourrait autoriser une ou deux semaines de campagne électorale libre et sans entraves, mais cette courte période serait tout-à-fait insuffisante pour faire la transition entre une atmosphère de police d'Etat et une liberté où tous les groupes et partis politiques, dont le Hamas, auraient une chance égale.
La décision de l'AP a de toute évidence était prise sous la pression de quelques partis de gauche et libéraux qui ont peu de poids dans la rue palestinienne. Ces partis espèrent qu'en l'absence de la participation du Hamas aux élections, ils seront en mesure d'obtenir un gros morceau des votes du peuple.
La logique de ces partis, c'est que les Palestiniens, mécontents et déçus par le gouvernement Fatah, et ils sont nombreux, voteront pour eux. Malheureusement, les considérations ayant trait à l'intérêt national palestinien semblent être au second plan, loin derrière l'opportunisme à courte vue de ces partis.
La décision de l'AP d'organiser des élections n'est en aucun cas l'expression d'un attachement à la démocratie. En fait, le Fatah, la colonne vertébrale politique et sécuritaire de l'AP, n'a jamais montré le plus petit attachement à la démocratie, ni sous le gouvernement du président palestinien Yasser Arafat, ni sous le leader actuel Mahmoud Abbas. Le Fatah et la démocratie ont toujours semblé être un éternel oxymore. Arafat, par exemple, tenait toutes les rênes, contrôlait tout l'argent et prenait toutes les décisions. Son successeur, Abu Mazen, a permis aux services de sécurité à dominance Fatah de s'emparer et de dissoudre les institutions démocratiquement élues dans toute la Cisjordanie.
Il est largement admis que la décision d'organiser des élections est liée à deux développements importants qui ont réellement choqué et ébranlé le Fatah sur ses bases, poussant le mouvement à essayer plutôt désespérément de renforcer sa position publique :
- D'abord, la divulgation récente par al-Jazeera TV de documents montrant l'étendue des concessions faites à Israël par les négociateurs palestiniens. Les révélations ont rendu les dirigeants de l'AP furieux et les ont tellement embarrassés qu'ils ont accusé le réseau panarabe de lancer une guerre tous azimuts contre le régime de Ramallah, en connivence avec Israël.
Les "Dossiers Palestine" ont montré les dirigeants palestiniens comme des "menteurs" qui disent à leur peuple une chose au regard des constantes nationales palestiniennes que sont Jérusalem et le droit au retour des réfugiés, mais en disent une toute autre à leurs homologues israéliens.
Cet étalage des positions scandaleuses des négociateurs palestiniens semble avoir sérieusement altéré le crédit public de la direction de l'AP. D'où la recherche d'un renouveau de popularité.
- L'autre facteur contribuant à la décision d'élections a à voir avec les événements en Egypte, qui ébranlent le régime de l'OLP jusqu'au cœur. Le régime tyrannique d'Hosni Moubarak (dégage, ndt) a toujours été considéré comme la police d'assurance ultime de la direction de l'OLP dans le monde arabe. Sa disparition possible, et en particulier l'émergence d'un nouveau régime au Caire dans lequel les Frères Musulmans pro-Hamas joueraient un rôle, est un véritable cauchemar pour le Fatah, l'AP et l'OLP réunis.
D'où la décision d'organiser des élections dans l'espoir de neutraliser toute ramification possible avec la révolution égyptienne, c'est-à-dire le renforcement du Hamas et l'amélioration de sa position de négociation vis-à-vis du Fatah.
Il ne fait aucun doute que la tenue d'élections est une démarche positive dans des circonstances normales. Toutefois, lorsque les élections occultent et entravent les principaux objectifs nationaux, tels que la libération d'une occupation étrangère, elles deviennent un empêchement plutôt qu'un facilitateur d'une véritable construction nationale.
Traduction : MR pour ISM