vendredi 18 février 2011

Amr Moussa, le diplomate qui pourrait succéder à Moubarak

AFP/GIUSEPPE CACACE
Ancien ministre des Affaires étrangères, Amr Moussa, l'actuel secrétaire général de la Ligue arabe, pourrait briguer la succession de Moubarak. Fort d'une réelle popularité.
 
Si les Occidentaux ont les yeux de Chimène pour Mohamed el-Baradei, ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique, l'Egypte des fellahs et des campus lui préfère de loin Amr Moussa.  
Lorsqu'il déboule le 4 février sur la place Tahrir, coeur battant du soulèvement cairote, le fringant septuagénaire se sait en terrain conquis. Bien sûr, ce diplomate aguerri a servi loyalement Hosni Moubarak, dont il fut une décennie durant - de 1991 à 2001 - le ministre des Affaires étrangères. Mais Moussa, qui n'a jamais adhéré au Parti national démocratique (PND), la machine de guerre politique du pouvoir, a su prendre ses distances au moment opportun. Avec, il est vrai, le concours involontaire du raïs déchu. 
Un fervent défenseur de la cause palestienne
Amr Moussa, le diplomate qui pourrait succéder à Moubarak
Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, et Amr Moussa, en juin 2008.  
Getty Images/AFP
Sur les bords du Nil, il se dit que sa "promotion" à la tête de la Ligue, voilà dix ans, doit beaucoup à la volonté de Moubarak d'écarter un rival potentiel, populaire et non dénué d'un charisme gouailleur. Or, loin de s'enliser dans les querelles qui ternissent l'aura de l'institution panarabe, le juriste de formation, que les aléas de sa carrière conduisirent en Suisse, à New York ou à New Delhi, y a ciselé son profil d'avocat intransigeant de la cause palestinienne et de procureur d'Israël. 
Un engagement qui vient de loin. Dès 1992, Amr Moussa ferraille contre la bienveillance dont bénéficie l'arsenal nucléaire de l'Etat hébreu. L'année suivante, réfractaire à l'euphorie de la "paix d'Oslo", il récuse le concept d'intégration économique régionale, fondement du "nouveau Moyen-Orient" rêvé par l'actuel président israélien, Shimon Peres.  
En 2000, peu après le déclenchement de la seconde Intifada, sa pugnacité inspire d'ailleurs au chanteur populaire Chaabane Abdel Rehim un tube éloquemment intitulé J'aime Amr Moussa et je hais Israël. Le dernier coup d'éclat date de juin 2010: le patron de la Ligue arabe se rend dans la bande de Gaza, contrôlée depuis le putsch de juin 2007 par les islamistes du Hamas, histoire de dénoncer le blocus que lui inflige Tsahal.  
Il n'y a pas de "risque islamiste"
Connu pour ses colères homériques et un rien théâtrales, l'ex-"diplo", qui parle couramment l'anglais et le français, n'épargne pas davantage les Etats-Unis ou leurs alliés. Dans un entretien accordé voilà peu au quotidien Le Monde, il balaie ainsi les craintes que suscite une très hypothétique confiscation de la révolution égyptienne par les Frères musulmans: "Ce risque n'existe pas. [...] Certains intellectuels et dirigeants occidentaux sont prêts à sacrifier la démocratie au nom de la peur de la religion." Sur le front intérieur, le grand commis de l'Etat fustige volontiers les carences criantes de l'enseignement et les failles du système de santé. 
Le hasard fait bien les choses: la mission du chef d'orchestre de la Ligue arabe s'achève le mois prochain. Or il fait de moins en moins mystère de son désir de briguer la présidence, à la faveur d'une élection annoncée pour septembre.  
Cela posé, sa candidature demeure subordonnée à plusieurs conditions: la transparence du scrutin, mais aussi une série de réformes constitutionnelles portant notamment sur les conditions d'éligibilité, le nombre de mandats et le renforcement des prérogatives du Parlement. S'il est dépourvu d'appareil partisan - handicap indéniable -, le prétendant peut, en revanche, miser sur l'aval du dernier carré des nostalgiques du nationalisme laïc: sa fille a épousé le petit-fils du légendaire Gamal Abdel Nasser.  
Déjà, en 2004, à l'approche de la première présidentielle pluraliste, la planète Internet a voté Amr Moussa. A la faveur d'une pétition en ligne, des milliers de jeunes Egyptiens le prient alors de concourir. En vain: à l'époque, leur favori rechigne à défier sa majesté Hosni Ier. Les temps ont changé.  
Reste une énigme, dont peut dépendre le devenir d'une ambition: la nature de ses rapports avec la hiérarchie militaire. L'intéressé a pris soin de rendre hommage au "rôle stabilisateur" d'une armée qui, à ses yeux, ne saurait entraver les réformes ; hommage étendu à l'"attitude exemplaire des soldats". Diplomate un jour, diplomate toujours.  
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