jeudi 11 mars 2010

Proche-Orient : les négociations indirectes menacées par la colonisation

publié le mercredi 10 mars 2010
le Monde avec Afp

 
Au premier jour de la visite du vice-président américain au Proche-Orient, le dialogue indirect censé reprendre entre Israéliens et Palestiniens semble déjà enlisé. Dès son arrivé en Israël, mardi 9 mars, Joe Biden a réitéré le soutien "absolu, total et sans réserve" des Etats-Unis à la sécurité d’Israël. "Il n’y a aucune distance entre les Etats-Unis et Israël quand il s’agit de la sécurité d’Israël", a-t-il résumé.
Dans la foulée, le gouvernement du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a annoncé la construction de seize cents nouveaux logements pour des colons juifs à Jérusalem, dans le quartier de Ramat Shlomo, une colonie juive dans le secteur oriental de la Ville sainte annexé par Israël lors de la guerre des Six-Jours en juin 1967 [1].
Le gouvernement de M. Nétanyahou avait décrété un "gel" de dix mois de la colonisation fin novembre. Mais ce moratoire ne concerne ni Jérusalem-Est, ni les trois mille logements qui étaient déjà en chantier en Cisjordanie, ni la construction d’édifices publics. Lundi, les autorités israéliennes avaient annoncé la construction de cent douze logements dans une colonie de Cisjordanie, à Beitar Ilit, près de Bethléem.
Des déclarations qui n’ont pas manqué de susciter la colère des Palestiniens. "La décision de construire à Jérusalem-Est revient à dire que les efforts des Américains ont échoué avant même que ne commencent les négociations indirectes", a regretté le porte-parole de la présidence de l’Autorité palestinienne.
"DERNIÈRE TENTATIVE"
"Il est clair qu’Israël ne veut pas la paix ou des négociations, et l’administration américaine devra répondre aux provocations israéliennes sans attendre et décider d’urgence d’une action efficace", a poursuivi ce même porte-parole. Déjà, avant l’annonce israélienne, le principal négociateur palestinien, Saëb Erakat, ne dissimulait pas son agacement. "Si les Israéliens veulent des négociations directes, qu’ils stoppent les colonies", avait-il déclaré aux journalistes à Ramallah. M. Erakat a du reste prévenu qu’il s’agissait de la "dernière tentative" pour parvenir à "une solution de deux Etats pour deux peuples, palestinien et israélien".
Il a souligné que les négociations proprement dites n’avaient pas encore démarré et que les Palestiniens "attendaient le retour [dans la région] de M. Mitchell, le 16 mars, pour comprendre le mécanisme des discussions indirectes". Après des mois de navette, George Mitchell, envoyé spécial des Etats-Unis dans la région, avait obtenu la reprise des négociations indirectes entre les deux camps. Des négociations qui ont mal débuté, même si Joe Biden espère encore que ces pourparlers "déboucheront sur des négociations et des discussions directes". M. Biden se rendra mercredi à Ramallah pour rencontrer les dirigeants palestiniens, le président Mahmoud Abbas et le premier ministre, Salam Fayyad.
[1] voir aussi

Un ministre du gouvernement israélien présente ses excuses à Joe Biden

Un ministre du gouvernement israélien a présenté, mercredi 10 mars, des excuses après l’annonce d’un projet de construction de 1 600 nouveaux logements dans une zone de Cisjordanie occupée, plan condamné par le vice-président américain, Joe Biden, en visite en Israël. "Cela n’aurait pas dû se produire durant une visite du vice-président américain", a déclaré Isaac Herzog, ministre de l’aide sociale. "Cela constitue un réel embarras et nous devons maintenant présenter nos excuses pour cette grave bourde", a-t-il ajouté sur la radio de l’armée.
De son côté, la presse israélienne a accusé mercredi le gouvernement Nétanyahou de "torpiller" les relations cruciales avec l’allié américain après l’annonce du feu vert à des projets de colonisation. Joe Biden "était venu pour tenter de faire passer le courant entre Jérusalem et la Maison Blanche, lever les doutes et créer des relations de confiance. Et nous l’avons perdu aussi, lui qui était, à Washington, l’ami le plus proche de Nétanyahou", écrit le quotidien Maariv en parlant en "une" du "malaise" israélo-américain.
Interrogé à la radio, l’un des éditorialistes vedettes du journal Yediot Aharonot, premier quotidien en Israël, Shimon Schiffer, a parlé de "crachat au visage de Biden", qui était en visite en Israël et dans les territoires palestiniens pour tenter de relancer le processus de paix avec les Palestiniens. Le premier ministre "Nétanyahou est incapable de mener un véritable dialogue avec les Américains. Biden est venu pour exprimer son soutien à Israël face à l’Iran, et sa visite a été torpillée", a fustigé l’éditorialiste. M. Nétanyahou a eu beau expliquer à son hôte qu’il ignorait que le projet de colonisation serait annoncé, "les Américains pensent que cette annonce n’est pas fortuite". Le ministère de l’intérieur a approuvé mardi la construction de 1 600 nouveaux logements dans un quartier de colonisation à Jérusalem-Est annexée.
Pour Israël Hayom, quotidien pro-Nétanyahou, "il n’y a aucune intention de mettre Biden dans l’embarras". A gauche, en revanche, le Haaretz parle d’"une gifle qui retentit dans le monde entier" à propos de la condamnation par M. Biden du projet.