lundi 27 décembre 2010

Presque rien de neuf en Terre sainte

publié le dimanche 26 décembre 2010

Frédéric Koller

 
Pour Jean Daniel, fondateur du Nouvel Obs et chroniqueur scrupuleux du Proche-Orient depuis 60 ans, l’homme de l’année, le « champion de toutes les victoires », c’est Benyamin Netanyahou
Le premier ministre israélien a tenu tête à Barack Obama, à Tony Blair, à Henry Kissinger, à Mahmoud Abbas ou à toute autre forme de pression – exceptées celles venant de l’extrême droite israélienne associée à sa coalition. Quel homme à poigne. Deux ans après son discours du Caire, le président américain a donc fini par renoncer à imposer un gel de la colonisation comme condition d’une reprise des négociations de paix israélo-palestiniennes. A la tête d’un Quartet dont on a presque oublié jusqu’à l’existence, Tony Blair a continué à tourner en rond. L’ONU, pour sa part, a vite fait de ranger dans un tiroir les recommandations du rapport Goldstone sur les crimes de guerre de Gaza. Quant à l’Autorité palestinienne, elle est toujours privée d’un réel soutien des gouvernements arabes, ceux-ci étant bien plus soucieux de la menace iranienne (comme l’ont confirmé les documents diplomatiques américains) que de contraindre Israël à des concessions territoriales. Si Benyamin Netanyahou est l’homme de l’année, dit Jean Daniel, « il est celui de son malheur ».
Robert Malley, autre expert réputé, est plus nuancé mais pas moins pessimiste. L’ancien conseiller de Bill Clinton aurait pourtant des raisons d’être satisfait. Lui a toujours pensé que l’exigence d’un gel de la colonisation israélienne était une faute tactique pour relancer le processus de paix. Aujourd’hui, la Maison-Blanche change de stratégie. Fini les négociations directes conditionnées à la suspension de la construction de nouveaux logements en Cisjordanie. A présent, il faut parler indirectement, mais de l’essentiel : frontières, réfugiés et Jérusalem. Et que dit Robert Malley ? La désillusion est telle dans les deux camps qu’ils n’ont plus rien à se dire. Benyamin Netanyahou n’a aucune raison de faire un geste du moment que la fermeté paie et que le camp de la paix en Israël est enterré ou inaudible. Mahmoud Abbas a perdu tout espoir en Barack Obama et son avenir politique nul. Même l’absence d’alternative de leadership, côté palestinien, ne devrait plus lui permettre de sauver sa tête. L’impasse semble totale. Robert Malley reconnaît que ce n’est pas la première fois. Mais cette fois-ci on serait « en bout de route ».
Isaac Herzog n’est pas d’accord avec Robert Malley. Mais pas du tout. Le ministre israélien des Affaires sociales pense au contraire que la nouvelle approche américaine représente un « moment de vérité », une « occasion de réelle percée » pour le processus de paix. C’est ce qu’il m’a dit l’autre jour de passage à Genève. Que faisait-il à Genève ? Il a d’abord rendu visite au président du CICR pour évoquer l’enlèvement du soldat Gilad Shalit par le Hamas. Jakob Kellenberger lui a « exprimé son extrême frustration face au manque d’information et de coopération » du Hamas. Ensuite, il a rendu visite à la haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU pour évoquer les préparatifs d’un voyage au Proche-Orient. A Navi Pillay, il a dit tout le mal qu’il pensait du rapport Goldstone et expliqué l’« impressionnante démocratie israélienne ». « La prison de Guantanamo ne serait pas tolérée un seul jour par la Cour suprême d’Israël. »
Isaac Herzog est un avocat travailliste. Il brigue la présidence du parti et se présente comme le chef de file du courant social-démocrate. Il justifie sa participation à un gouvernement de coalition auquel sont associés l’ultranationaliste Avigdor Lieberman et les intégristes religieux par ces deux raisons : rétablir l’économie et soutenir le processus de paix. Contrairement à Jean Daniel, il pense que Benyamin Netanyahou est un homme de concession. Il s’est prononcé en faveur de la solution à deux Etats, et le Likoud est prêt à le suivre. Isaac Herzog n’a-t-il pas affirmé qu’il quitterait le gouvernement s’il n’y avait pas de progrès dans le processus de paix ? « Oui, plusieurs fois. Mais jusqu’ici la position palestinienne manquait de clarté. Là, c’est une nouvelle chance. » C’est noté. Entre-temps, les Palestiniens ont balayé la nouvelle position américaine, la construction des colonies a repris de plus belle, les tirs du Hamas et les raids de Tsahal sur Gaza se sont intensifiés et les Sud-Américains ont fait le pas de reconnaître un Etat palestinien. En Terre sainte, en somme, il n’y a rien de nouveau. Ou si peu.