lundi 27 décembre 2010

La reconnaissance d'un Etat palestinien par certains pays latino-américains

26 Décembre 2010 16:30 
IRIB - En désapprouvant, fortement, la reconnaissance de l’État de Palestine, par le Brésil et l’Argentine, les États-Unis espéraient mettre fin à un mouvement qui a gagné, en cette fin d’année 2010, plusieurs États d'Amérique latine.
Or l’Uruguay et la Bolivie viennent, eux aussi, d’annoncer leur intention d’imiter leurs deux voisins, en 2011. Washington a fait part de son courroux, immédiatement après que Caracas eut rendu publique sa décision de reconnaître les droits des Palestiniens à un État national, dans les frontières de 1967, d’avant l’occupation sioniste de la Cisjordanie et de Gaza. Philip Crowley, le Porte-parole du département d'État américain a déclaré : « Nous croyons que toute action unilatérale est contre-productive! » Quant à Barack Obama, qui semble, totalement, désarmé, face à Israël, au point de faire sienne la politique sioniste, il est allé jusqu’à déclarer, implicitement, que la reconnaissance de « l’État palestinien est caduque, puisqu’à ses yeux, seul, Israël, serait en mesure de le faire ! » Quand son département d’État déclare, ouvertement, que cela relève des négociations menées, par les Israéliens et les Palestiniens, et que celles-ci demeuraient le seul moyen d'atteindre la paix au Proche-Orient, n’est-ce pas s’aligner, totalement, sur la ligne de conduite de Netanyahou ? Mais alignement ou pas, les bouleversements constatés, en ce début du millénaire, dans notre monde, ont contribué à cerner les contours d’une nouvelle réalité, celle de l’émergence des puissances alternatives qui disputent aux Etats-Unis leur omnipotence. Les observateurs financiers et les décideurs politiques occidentaux s’attachent à maintenir le débat sur l’émergence, dans un cadre, exclusivement, économique. Jusqu’à admettre l’admission, au sein du G-7, des économies montantes d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie. L’Argentine, le Brésil et le Mexique participent, donc, désormais, aux réunions du G-20, cercle choisi et réservé, censé canaliser le dialogue entre économies installées et émergentes. La reconnaissance, en dominos, de l’Etat palestinien, par plusieurs Etats sud-américains, est venue, cependant, rappeler que l’émergence est, aussi, une affaire de diplomatie. Dans une lettre adressée, le 3 décembre, à son homologue palestinien, Mahmoud Abbas, le chef de l’Etat brésilien, Lula da Silva, rappelle cette réalité, quant il écrit: «Par l’intermédiaire de cette lettre, le Brésil reconnaît l’Etat palestinien, dans ses frontières de 1967». «La reconnaissance de l’Etat palestinien répond à la conviction brésilienne que le processus de négociation entre deux pays cohabitant, pacifiquement et en sécurité, est le meilleur chemin, pour la paix au Proche-Orient». Quelque jours plus tard, l’Argentine a, elle aussi, indiqué qu’elle reconnaissait la Palestine «comme Etat libre et indépendant», dans les limites des frontières de 1967, une reconnaissance que l’Autorité palestinienne commente, aussitôt, à titre «de messages forts de soutien au droit du peuple palestinien à la liberté et à l’indépendance et de rejet de l’occupation israélienne de la terre palestinienne». La reconnaissance d’un Etat palestinien, par les pays latinos, ne relève pas de décisions de circonstance. Elle s’insère, au contraire, dans un processus inscrit dans la durée. Depuis 2004, le Brésil dispose d’une représentation diplomatique, à Ramallah, et l’Argentine y a ouvert la sienne, en 2008. La Bolivie avait suspendu ses relations diplomatiques avec l’entité sioniste, en 2008, après l’opération militaire contre Gaza. La visite de mars 2010 du chef d’Etat brésilien, Lula da Silva, à Ramallah et à Beit-ol-moghadas, la première jamais effectuée par un responsable de son pays, au Proche Orient, est, aussi, à interpréter, dans ce même sens. Quant à l’Uruguay, il a officialisé ses relations avec l’Autorité palestinienne, en avril 2010. On n’est pas prêt, non plus, d’oublier, avec quelle véhémence, l’Argentine, le Brésil, le Chili, le Mexique et le Venezuela ont condamné, en mai 2010, l’abordage israélien de la flottille, qui avait tenté d’apporter une aide matérielle aux Palestiniens de Gaza. Leurs gouvernements respectifs l’avaient exprimé, chacun, dans son style, mais la condamnation commune avait été franche et publique. Celle du Brésil fera date à cet égard : « Le gouvernement brésilien a reçu, avec consternation, l’annonce de l’attaque israélienne contre l’un des bateaux de la flottille qui apportait une aide humanitaire internationale à la Bande de Gaza. Le Brésil condamne, en termes véhéments, l’action israélienne, compte tenu du fait qu’elle n’avait aucune justification militaire ». L’attaque sanglante des commandos sionistes contre l’«Avi Marmara» a déclenché l’action concertée du Venezuela, du Brésil, de Cuba, du Nicaragua et de l’Uruguay, qui ont voté, tous, au Conseil des droits de l’Homme des Nations unies, la proposition de résolution exigeant l’ouverture d’une enquête internationale. Mais comment réagit le régime sioniste, face à cette situation nouvelle ? Sa déception est à la hauteur de la crainte que suscite la perspective de son isolement croissant, en Amérique du sud. Le régime sioniste déplore, en effet, les initiatives des Latinos de reconnaître la Palestine, en assurant qu'elles entrent en contradiction avec les Accords d'Oslo de 1993 !! De toute évidence, Tel-Aviv est plus inquiet qu’il ne le montre, même si ses dirigeants s’époumonent à affirmer qu’ils ne sont pas tenus par la vague de reconnaissances de l’État de la Palestine qui va déferler dans les semaines à venir. Cette inquiétude s’explique par la perspective d’une Amérique en perte de vitesse qui peine, désormais, à peser lourd, sur l’échiquier international, et dont l’effondrement entrainera, dans son sillage, celle, inévitable, d’un régime factice.
L’intrusion latino-américaine, dans les affaires du Proche-Orient, si mal vécue, par Israël et les Etats-Unis, est l’une des expressions diplomatiques les plus spectaculaires de l’émergence économique, de l’aisance nouvelle acquise par les pays d’Amérique latine, qui sont, largement, épargnés, par la dernière crise économique internationale. Mais il y a en a eu d’autres, comme, tout récemment, la proposition de médiation, sur le dossier iranien, faite, par le Brésil, avec la Turquie, ou, en 2003, la contestation réussie du rôle de la Triade (Etats-Unis, Japon, Union européenne), au sein de l’OMC, sur initiative du Brésil, de l’Afrique du sud et de l’Inde. Des réseaux intercontinentaux ont été tissés, ces dernières années, entre latino-américains, arabes, africains et asiatiques. Depuis 2005, par exemple, la Ligue arabe et les Sud-américains se retrouvent, à intervalles réguliers. L’Equateur et le Venezuela ont un dialogue suivi avec leurs partenaires arabes de l’OPEP. Au nom d’une parenté puisant dans un courant ancien d’émigration, la Syrie et le Liban ont été approchés, avec succès, par plusieurs pays sud-américains. Le «Mercosur» a signé un accord de libre-échange avec l’Egypte. Il a décidé, le 17 décembre 2010, d’ouvrir une négociation avec l’Autorité palestinienne, afin de conclure un traité commercial. Le rôle international majeur joué par les Etats-Unis et certains pays européens est, aujourd’hui, contesté, au Proche-Orient, comme dans d’autres parties du monde. Les raisons de cette levée de bouclier n’ont rien de particulièrement surprenant. Les peuples et pays soumis à une tutelle extérieure et aux effets d’une relation inégale, s’engouffrent dans la brèche, quand elle se présente, de nature à leur permettre de retourner cette situation. Or, les Etats-Unis et l’Europe sont affaiblis par une crise économique durable, embourbés, militairement, comme éthiquement, en Afghanistan, fragilisés, par une instabilité parlementaire et gouvernementale croissante. La montée en réseau des pays émergents a trouvé, sur le dossier du Proche-Orient, l’occasion de signaler un nouvel état des lieux internationaux!
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