vendredi 31 décembre 2010

Le Shin Bet torture les prisonniers et leur refuse l’accès à des avocats

Publié le 30-12-2010

Article d’Amira Hass, soulignant que 90 % des Palestiniens soumis à des tortures et des interrogatoires par les services israéliens sont empêchés de consulter un avocat.
Selon un rapport publié par le Comité Public contre la Torture en Israël et par l’Association pour les prisonniers palestiniens, jusqu’à 90% des prisonniers palestiniens mis en interrogatoire par les services de sécurité du Shin Bet sont empêchés de consulter un avocat, bien que la législation civile et militaire établisse clairement qu’une telle interdiction ne devrait être que rarement appliquée.
Le Shin Bet affirme avoir l’autorisation légale de priver certains détenus de conseil juridique.
Suivant le Docteur Maya Rosenfeld, auteur de cette étude, pendant des périodes prolongées durant lesquelles les prisonniers sont empêchés de rencontrer des avocats, le Shin Bet utilise des méthodes d’interrogatoire contraires au droit international, au droit israélien et aux engagements pris par Israël d’éviter de tels procédés. Parmi ces dernières : attacher les prisonniers à une chaise, les mains liées derrière le dos, pour de longues périodes ; la privation de sommeil ; les menaces (habituellement, la mise en danger de membres de la famille) ; les humiliations et le maintien prolongé dans des cellules insalubres.
Dans le passé, le Shin Bet a refusé de fournir des informations sur les prisonniers empêchés de rencontrer un avocat. Une pétition signée en mars 2009 par l’Association de Défense des Droits de l’Homme Yesh Din et par le Mouvement pour la Liberté de l’Information est toujours en attente de réponse.
En l’absence de données officielles, la Campagne Publique et l’Association pour les Prisonniers a mené une enquête et croisé avec différentes sources les informations obtenues, en vue d’une estimation du nombre de prisonniers privés d’assistance juridique.
Selon ces estimations, sur les 11.970 Palestiniens que le Shin Bet admet avoir interrogés entre 2000 et 2007*, le nombre de ceux dont le droit à un avocat a été refusé se situe entre 8.379 et 10.773.
L’avocat Irit Ballas, membre du Comité Public, qui a rédigé les conclusions du rapport intitulé « Quand l’exception devient la règle », déclare que les données pertinentes pour les années 2008-2010 laissent penser que l’étendue du phénomène n’a pas connu de réduction.
L’accès d’un prisonnier au conseil juridique est considéré comme fondamental par le droit israélien. Bloquer cet accès est tenu pour illégal et la durée maximale durant laquelle une telle interdiction peut être effective, dans des cas relatifs à la sécurité, est de 21 jours. Pour le "droit militaire" israélien, le laps de temps autorisé est au minimum de 15 jours, au maximum de 90 jours.
Le rapport indique qu’empêcher une rencontre avec un avocat pour de longues durées rend possibles les interrogatoires illégaux visant à épuiser les prisonniers et à les transférer vers des cellules où des agents secrets font semblant d’être de vrais détenus. Il mentionne plusieurs cas dans lesquels, après des interrogatoires prolongés, l’épuisement physique et psychologique aboutit à la confession de délits relativement mineurs, commis plusieurs années auparavant et qui ne justifiaient pas la violation des droits des prisonniers.
En guise de réponse, le Shin Bet a déclaré que « le phénomène du terrorisme et de l’espionnage, objets des investigations du Shin Bet, présentent des caractères exclusifs justifiant l’usage d’aménagements juridiques essentiels pour les neutraliser. Ces aménagements ont été conçus par des magistrats et ont reçu au fil des ans l’approbation massive des tribunaux, en particulier de la Cour Suprême. L’un des outils conférés par la loi au Shin Bet est le pouvoir d’interdire les rencontres de suspects avec un avocat.
Le rapport décrit comme « infructueuses » les démarches juridiques entreprises dans les dernières années contre ce phénomène par le Comité Public. Environ 70% des recours soumis à l’Avocat Général et sollicitant l’abrogation des directives empêchant la rencontre avec un avocat ont été rejetées. Dans les douzaines de cas examinés par la Cour Suprême, c’est par les arguments du Shin Bet que les juges ont été convaincus."
par Amira Hass, Haaretz, 28.12.2010
(Traduit de l’anglais par Anne-Marie PERRIN pour CAPJPO-EuroPalestine)
* Chiffre très en dessous de la réalité
CAPJPO-EuroPalestine