vendredi 10 décembre 2010

L’appel contre la cohabitation avec des non-juifs s’étend malgré le tollé

10/12/2010
L'appel controversé de rabbins israéliens contre la cohabitation avec des non-juifs, qui vise en premier lieu les Arabes, soulève une vague de protestations en Israël tout en rencontrant un écho grandissant dans le pays. Quelque 250 rabbins israéliens se sont joints à 50 de leurs condisciples qui ont appelé cette semaine dans une lettre à interdire la vente ou la location de maisons ou de terrains à des non-juifs.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, le président Shimon Peres et le président du Parlement Reouven Rivlin ont condamné ce manifeste. « Comment réagirions-nous si quelqu'un proclamait qu'il est interdit de vendre des maisons à des juifs ? » s'est interrogé M. Netanyahu. Le procureur général de l'État, Yehuda Weinstein, a annoncé que ses services étudiaient la possibilité « d'engager des sanctions administratives ou des actions pénales » contre les signataires, tout en soulignant que de telles poursuites étaient « très problématiques » aux yeux de loi.
Pour l'heure, aucune sanction n'a été prise à l'encontre des signataires, fonctionnaires de l'État, qui assurent les services religieux (dont les mariages) dans les municipalités, ou sont directeurs de yéchivot (séminaires talmudiques) aussi bien en Israël que dans les colonies de Cisjordanie. « C'est qu'ils expriment les angoisses de toute une population, particulièrement des couches les plus pauvres », a déclaré à l'AFP le sociologue et historien Menachem Friedmann, professeur de l'université Bar Ilan. Selon ce spécialiste du monde religieux juif, « les menaces qui pèsent sur Israël venant de l'islamisme et les prises de position hostiles à l'État de représentants de la minorité arabe alimentent ces angoisses et entretiennent une mentalité de ghetto alors que les juifs sont majoritaires en Israël ». Il relève la crainte grandissante provoquée en Israël par « l'afflux de réfugiés musulmans d'Érythrée et du Soudan, qui viennent s'installer dans les quartiers populaires, suscitant les mêmes réactions de racisme qu'on constate en Europe ». Si l'État israélien ne les sanctionne pas, c'est, selon lui, que « le pouvoir est faible et dépend largement du soutien de partis religieux ».
Les organisations représentatives de la minorité arabe en Israël et des associations de défense des droits de l'homme ont dénoncé l'appel des rabbins. Les médias ne sont pas moins critiques. Le quotidien de gauche Haaretz a titré son éditorial hier sur « le racisme financé par le service public ». « Le racisme se répand », titrait pour sa part le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot. De son côté, le grand rabbin de Ramat Gan (banlieue de Tel-Aviv), à la tête d'un groupe influent de centaines de rabbins sionistes orthodoxes, a dénoncé le manifeste. Et une figure de proue des milieux ultraorthodoxes, le rabbin Aaron Leib Steinman, s'en est dissociée de crainte que l'appel n'alimente l'antisémitisme à l'étranger. Toutefois, les deux grands rabbins d'Israël ne se sont pas joints à ces condamnations.
Pour l'historien Ilan Greilsammer, les rabbins « disent tout haut ce que les gens pensent tout bas. Ce qui est nouveau, c'est qu'ils s'expriment publiquement ».