lundi 1 novembre 2010

La saison « des abaissements » palestiniens

dimanche 31 octobre 2010 - 06h:09
Abdel Bari Atwan - Al Quds Al Arabi 
Difficile de comprendre « l’assaut » de concessions gratuites que se permettent l’Autorité et ses dirigeants. Tout aussi incompréhensible le silence polaire qui les entoure dans les milieux Palestiniens, écrit Abdel Bari Atwan.
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Abbas [à d.], ex-président de la défunte Autorité Palestinienne et actuel chef de son résidu, l’Autorité de Ramallah, reçoit ici Joe Biden, vice-président américain et connu comme sioniste fanatique. L’Autorité de Ramallah dépend totalement des financements américains et européens et du bon vouloir israélien. Mahmoud Abbas n’a strictement aucun moyen [à condition qu’il en ait le souhait] de s’opposer aux volontés de ses mentors - Photo : AP
Après les déclarations « indécentes » de M. Yasser Abd Rabo, secrétaire général du Comité exécutif « instance périmée » de l’OLP, par lesquelles il affirme reconnaitre le caractère juif de l’Etat d’israel en contrepartie d’une carte de celui-ci fixant nettement ses contours et frontières, voilà qu’à son tour et une fois de plus, son président Abbes nous assène un choc par une « Fatwa » plus grave : sa disposition à décréter la fin du conflit assortie de renonciation aux revendications historiques palestiniennes dès règlement négocié entre les parties devant aboutir à la création de l’Etat Palestinien à l’intérieur des lignes du 4 juillet 1967.
Il n’est pas question ici de simples ballons d’essai mais d’un plan méthodique mûrement réfléchi qui vise, entre autres à préparer l’opinion publique en Palestine à un règlement fondé sur l’abdication totale aux préalables israéliens parmi lesquels figurent l’abandon du Droit au retour, la reconnaissance de la judaïté de l’Etat d’Israël et l’acceptation d’échanges de populations en sus de celui des territoires.
M. Salem Fayadh se dit déterminé à proclamer la naissance de l’Etat Palestinien avant le mois de Septembre prochain ; de son côté Obama affirme ne concéder aux pourparlers en cours qu’un délai n’excédant pas l’année et qui devront aboutir à la création d’un Etat Palestinien membre de la société des nations et qui prendra part es qualité aux réunions de la prochaine Assemblée Générale qui se tiendra, justement en Septembre prochain. Les deux affirmations ne sont pas que pure coïncidence ordinaire !
M. Fayadh a opté pour la presse et les dirigeants des communautés juives pour faire ces déclarations. Ce choix n’est pas fortuit mais délibéré. Car à travers ces lucarnes juives, c’est aux Palestiniens et derrière eux aux Arabes qu’il s’adresse en vérité, quoique de façon indirecte pour leur signifier qu’ils doivent revoir à la baisse leurs ambitions et renoncer aussi bien aux rêves qu’aux légitimes espoirs. Ensuite mais directement cette fois, c’est aux Israéliens eux-mêmes qu’il s’adresse pour les rassurer quant à la sécurité future de l’Etat d’Israël et de son peuple grâce à la protection qui sera gracieusement assurée par leurs voisins Palestiniens, entendre par là leurs ex et actuels domestiques.
Quiconque aurait entendu les propos obséquieux et quémandeurs de hauts fonctionnaires de l’Autorité ne peut que partager notre point de vue, entendre M. Saeb Erakat entamer un message à l’intention des Israéliens par ces mots : « Nous avons commis des péchés à votre encontre ; veuillez nous en absoudre » c’est saisir à coup sûr l’ampleur de la dérive dans laquelle s’engagent l’Autorité et ses responsables.
Un spectacle de négociations au point-mort s’offre à nous en ce moment, on ne sait pas si la scène est truquée ou non, si les actes qui s’y jouent ne sont pas un jeu théâtral, un leurre destiné à nous abuser en créant en nous l’impression fallacieuse d’une hypothétique et prétendue difficulté de tout règlement et ceci afin de légitimer de futures concessions déjà projetées à fonder sur divers prétextes : inflexibilité d’Israël, manque ou absence d’alternatives et/ou d’équilibre entre les parties, partialité américaine et désintéressement arabe pour la Cause Palestinienne.
Beaucoup ont cru à tort qu’il ne pouvait s’agir de la part de M. Abd Rabo que d’une analyse personnelle ou d’un lapsus lorsque celui-ci a lancé son « ballon d’essai » sur le caractère juif de l’Etat d’Israël, mais depuis qu’on a vu son président lui emboîter le pas et s’enfoncer encore plus dans les concessions jusqu’à affirmer être prêt à renoncer à l’ensemble des droits historiques palestiniens, le doute n’est plus permis pour ne pas conclure à l’identité de vues entre les deux hommes et dire que quelque chose serait en train de mijoter quelque part au moyen de négociations parallèles et secrètes tout à fait à l’instar de celles d’Oslo alors que se déroulaient celles dites de Madrid.
Curieuse coïncidence s’il en est quand on se rappelle que ce sont justement ces deux hommes M. Abbas et M. Abd Rabo qui furent les principaux « marmitons » des premières négociations d’Oslo, qu’ils ont tous deux initiées et menées à partir du QG établi pour l’occasion dans les bas-fonds du bureau du premier à Tunis.
M. Abd Rabo, comme en témoigne son parcours politique est « friand » de concessions gratuites, il se complaît énormément à répondre favorablement aux exigences israéliennes pour démontrer combien il est modéré et civilisé. Il est entré dans l’histoire comme étant le premier responsable palestinien à avoir renoncé au Droit de retour des réfugiés en signant de sa main en qualité de membre du Comité Exécutif de l’Organisation le document de Genève. Maintenant il ambitionne de renouveler cette « prouesse » par la reconnaissance de la judéité d’Israël ce qui a pour effet de consolider ses amitiés américaines et israéliennes.
Aujourd’hui on est en face d’un parcours de concessions qui nous rappelle ses précurseurs initiés depuis 1974 par l’OLP lorsque celle-ci accepta les dix points reconnaissant implicitement l’existence d’Israël et renonça à l’Etat laïque. Elle réitère la reconnaissance d’Israël (en souscrivant par la suite aux décisions 242 & 338 du conseil de sécurité). Elle déclare l’indépendance mais tombe dans les affres du gouffre des accords d’Oslo. Plus significatif encore : M. Abbas est l’un des doctrinaires de cette tendance !
Le même scénario se répète en ce moment mais d’une manière plus attentatoire aux constantes nationales. La première boucle en fut la surprise réservée par M. Abbas à ses hôtes du lobby juif à Washington en Août dernier, alléguant un prétendu « Droit des juifs en Palestine en tant que détenteurs de lointaines racines historiques ! » Enhardi par l’absence de réactions populaires ou des factions, ce dernier écoute sans réagir le moins du monde les propos des leaders du lobby juif parlant d’Etat juif en parlant d’Israël et ce, lors d’une autre rencontre avec eux en marge des travaux de la dernière session de l’Assemblée Générale des Nations Unies le mois dernier.
Le revoilà, encore plus encouragé par l’absence de réactions, continuer sur sa lancée en violant tous les tabous et franchissant toutes les lignes rouges. Parlant à un journal israélien il se dit prêt à décréter la fin du conflit, à laisser choir tous les Droits du Peuple Palestinien en échange d’un Etat Palestinien en Cisjordanie et à Gaza !
On ne sait pas l’origine de pareils pouvoirs et confiance en soi pour oser de telles concessions, lui qui ne possède nul mandat et ne dispose d’aucune légitimité tant nationale que constitutionnelle. Un président au mandat expiré depuis deux ans, qui ne consulte aucune autre instance élue et qui ne respecte point l’opinion de son peuple dont nous doutons encore une fois qu’il en reconnaisse l’existence.
Nous ne pensons pas que le président Abbas soit à ce degré d’ingéniosité politique pour oser de telles concessions gratuites en dehors du cadre des négociations sans plan préparé, sans rôle à jouer à lui assigné et sans un projet de règlement convenu dans ses moindres détails et pas seulement dans ses grandes lignes.
L’homme a en effet rencontré plus de 17 fois à huis-clos et en tête-à-tête Ehud Olmert et plus de 50 réunions entre les délégations de négociateurs ont eu lieu. Il a par ailleurs eu plusieurs autres réunions à huis-clos avec Netayahou. Il a été révélé lors de rencontres avec la presse qu’il (le président Abbas) est parvenu avec Olmert à un projet de règlement substantiel dont copie a été présentée à Netanyahou pendant les négociations indirectes. Si les négociations directes sont réellement, comme la rumeur le suggère, chaotiques, que le courant ne passe pas entre Abbas et son adversaire Netanyahou, comment expliquer alors, que le premier dîne chez le second à Jérusalem occupée, que les deux échangent courtoisie et anecdotes et que Abbas et ses accompagnateurs ne tarissent pas d’éloges à propos des talents de cordon bleu de la femme de Netanyahou ? Est-ce là comportement d’adversaires ou d’amis ?
Ce qui est commis par l’Autorité et ses dirigeants est contraire à tous les usages. Le mouvement Fatah en premier lieu, le reste des factions Palestiniennes en second et l’ensemble du Peuple Palestinien en troisième - tous - sans exception, sont entièrement et pleinement responsables pour le silence observé, par leur fébrilité et par leur piètre appréciation des dangers inhérents à cette déviation et aux concessions qu’elle génère.
Notre reproche va au mouvement « Hamas » plus qu’à tout autre, nous le lui disons avec amertume car, en tant que chef de file des mouvements constitutifs du camp de la résistance en Palestine il aurait « facilité » ces concessions en fermant les yeux sur la pratique de certains de ses responsables ou considérés comme tels, pratique exactement comparable à celle de M. Abd Rabo : de leur propre initiative, et sans qu’il ne leur soit demandé, ils ont proposé des projets de règlement d’autant plus proches de ceux de l’Autorité que de tout autre, comme l’acceptation d’un Etat en Cisjordanie et à Gaza en échange d’une trêve ou par la reprise de nouveaux pourparlers de réconciliation avec l’Autorité dont ils mettent, par ailleurs en cause la légitimité, la représentativité et la capacité de traiter au nom du Peuple Palestinien.
Ainsi en fut-il de la rencontre à Damas avec une délégation de l’Autorité à laquelle il fut manifesté la propension au retrait de nombre de réserves et d’oppositions à la feuille égyptienne tout ceci en concomitance avec la poursuite des négociations directes auxquelles le Hamas s’est déclaré farouchement opposé.
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* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l’un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.
http://alquds.co.uk/index.asp?fname...
Traduction de l’arabe : Kamsa Méga
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