mercredi 20 octobre 2010

Malaise et polémiques en Israël pour l’anniversaire de l’assassinat de Rabin

20/10/2010
L'extrême droite cherche à se dédouaner de toute responsabilité dans le meurtre de l'ancien Premier ministre.
Les commémorations du 15e anniversaire de l'assassinat du Premier ministre israélien Yitzhak Rabin par un extrémiste de droite ont débuté hier dans une atmosphère de malaise et de polémiques qui remettent en cause l'héritage politique de cette icône du camp de la paix.
La controverse n'épargne pas son propre Parti travailliste (centre-gauche), dont Rabin fut une des plus hautes figures. Une députée du parti, Einat Wilf, a brisé un tabou en proposant de retirer le portrait du Premier ministre assassiné qui trône dans la salle de réunion du groupe travailliste à la Knesset (Parlement). « Il est temps que le Parti travailliste cesse d'utiliser Rabin comme un symbole de tous nos espoirs perdus. Je préférerais que l'on mette la photo de David Ben Gourion (le premier chef de gouvernement israélien) comme symbole d'une renaissance, plutôt que le portrait peint d'une personnalité qui, pour beaucoup, symbolise des occasions manquées », a affirmé la députée. « Il faut peut-être renoncer aux cérémonies de commémoration pour surmonter le deuil (...) Je n'ai rien contre Rabin, je veux seulement que le Parti travailliste enraye son déclin depuis son assassinat », a ajouté la députée.
Le bureau du ministre de la Défense et chef du Parti travailliste, Ehud Barak, a pour sa part fait savoir qu'il n'était pas question de retirer le tableau représentant Yitzhak Rabin. Rachel Rabin, la sœur du Premier ministre, s'est aussi élevée contre cette initiative, assurant que « Yitzhak représente de façon la plus éminente la conception politique et sociale du Parti travailliste ».
Ces dernières années, le Parti travailliste - parti qui a longtemps fait corps avec l'État d'Israël - n'a cessé de décliner. Son groupe parlementaire s'est réduit comme peau de chagrin et ne compte plus que 13 députés, son niveau le plus bas de toute son histoire. Les sondages lui prédisent un score électoral encore plus médiocre.
Vieille ennemie de Rabin, l'extrême droite, qui a le vent en poupe dans les sondages, mène une offensive médiatique visant à se dédouaner de toute responsabilité dans son assassinat, alors que le meurtrier, Yigal Amir, est sorti directement de ses rangs. Le 4 novembre 1995, dans le but de saboter les accords de paix israélo-palestiniens d'Oslo (1993), Amir, un extrémiste religieux, avait abattu de trois balles dans le dos le Premier ministre à l'issue d'un rassemblement pacifiste à Tel-Aviv.
Aroutz 7, une radio de colons, a ainsi lancé récemment une campagne invitant ses auditeurs à apporter leurs « contributions » sur les zones d'ombres qui entourent encore l'assassinat. Cette opération a pour objectif d'étayer les thèses du complot, selon lesquelles Yitzhak Rabin n'aurait pas été la cible d'un extrémiste de droite mais la victime de sombres manœuvres ourdies par des cadres du Shin Beth, le service de sécurité intérieure.
Parallèlement, une autre campagne est organisée pour tenter d'obtenir la révision du procès de Margalit Har Shefi, reconnue coupable de ne pas avoir informé les autorités à temps du projet d'assassinat dont elle avait eu connaissance. Elle a passé six mois en prison pour ce délit.
Les commémorations en l'honneur de l'ex-Premier ministre ont commencé hier soir et se poursuivront aujourd'hui, selon le calendrier hébraïque.
Dalia Rabin, la fille d'Yitzhak Rabin a regretté dans le quotidien Yediot Aharonot que pour les jeunes recrues militaires « l'assassinat de mon père n'est plus qu'une page d'histoire, un événement lointain et vague ».