dimanche 3 octobre 2010

Les idées de Lieberman sont si larges qu'il faudrait les rétrécir

16:59 01/10/2010
Par Dmitri Babitch, RIA Novosti
Les Israéliens russophones perturbent toute la politique israélienne et américaine au Proche-Orient, a conclu la semaine dernière Bill Clinton. Une brouille sans précédent qui a eu lieu hier entre le premier ministre israélien, Benhamin Nétanyahou, et son ministre russophone des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a confirmé les paroles de l'ancien président américain.
Dans son discours prononcé le 29 septembre à l'Assemblée générale de l'ONU, Avigdor Lieberman avait proposé, en fait, de renoncer au principe à la base du processus de la paix palestino-israélien, du moins, depuis les accords d'Oslo de 1993 : le principe de la paix contre la terre. Rappelons que l'ancien leader des Palestinien, Yasser Arafat, et le premier ministre israélien, Yitzhak Rabin, s'étaient fondés sur l'idée qu'Israël pourrait restituer à l'Autorité palestinienne les territoires lui appartenant selon les résolutions de l'ONU et obtenir en échange des garanties de non-agression de la part des Arabes palestiniens. Les dirigeants israéliens et palestiniens avaient maintes fois essayé depuis de conclure une paix solide. Malheureusement, ces tentatives avaient été interrompues à plusieurs reprises par des violences pires que par le passé. Dans son discours prononcé hier à l'ONU, Lieberman a proposé de remplacer ‘’ la paix contre la terre ‘’ par un autre principe, plus cruel, mais très souvent appliqué dans le monde actuel.
Le principe qu'il a proposé est l'échange de territoires peuplés. Lieberman a souligné dans son discours qu'il ne s'agissait pas de chasser des gens de leurs maisons, comme on l'a observé lors de nombreux conflits terribles et sanglants du XXe siècle (il suffit de rappeler les guerres gréco-turque et indo-pakistanaise, les conflits entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan à l'époque soviétique, etc.). ‘’ Je voudrais être bien compris : je ne parle pas de déplacer des populations, mais de déplacer des frontières pour mieux refléter les real time démographiques ‘’, a souligné Avigdor Lieberman.
Il pourtant est impossible de le faire sans expulser de leurs maisons les Arabes israéliens qui vivent dans leurs emplacements à l'intérieur du territoire israélien, surtout dans sa partie Nord. En ce qui concerne les colonies juives de Cisjordanie, Lieberman n'a pas l'intention de les éliminer. Au contraire, selon son plan, ces territoires doivent jouir de la souveraineté israélienne universellement reconnue. Rien d'étonnant à cela: Lieberman habite lui-même l'une de ces colonies. A propos, le moratoire sur leur extension a de nouveau été levé ces jours-ci.
Un plan puissant et, ce qui est essentiel, pouvant régler le problème dans un esprit russophone large : il propose de renvoyer à la poubelle de l'histoire tous les efforts déployés durant de longues années par le Quartet de quatre médiateurs du processus de paix au Proche-Orient – l'ONU, les Etats-Unis, l'UE et la Russie – qui se fondaient sur le principe démodé de la paix contre la terre. Il s'agit également de renvoyer à la poubelle les déclarations et les promesses antérieures du gouvernement israélien. Cette décision a été prise par Lieberman.
Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, bien qu'il soit considéré comme un faucon, n'a pu tolérer une telle liberté d'action. Son bureau a fait une déclaration spéciale soulignant que le discours de Lieberman n'était pas coordonné avec le premier ministre et que, par conséquent, il ne reflétait pas la position propre à la politique étrangère réelle de l'Etat d'Israël. Mais Lieberman présente son plan depuis plusieurs mois dans le monde entier en passant d'un continent à un autre aux frais de l'Etat et en faisant fi de la discipline de la verticale israélienne du pouvoir. Son plan est critiqué par toute la presse, de Vancouver à Vladivostok, mais il semble ne pas remarquer cette critique en affirmant que ses idées n'ont suscité aucune opposition tant soi peu sérieuse.
La situation a ceci de piquant qu'une semaine avant le discours de Lieberman les russophones d'Israël avaient été profondément indignés par la phrase suivante de l'ancien président Bill Clinton: ‘’ Les immigrés russes en Israël constituent un obstacle important pour arriver à conclure la paix avec les Palestiniens ‘’. Selon Bill Clinton, un million et demi de Juifs soviétiques qui sont arrivés, pour l'essentiel, en 1989-1992 ne veulent pas entendre parler de partage des terres avec les Palestiniens. Les blogs et la presse russophones reprochent à l'ex-président américain l'impolitesse de ses propos. Par-dessus le marché, M. Lieberman semble confirmer par son escapade le bien-fondé du sceptique d'outre-océan.
Le moyen de parvenir au règlement du conflit israélo-palestinien est un casse-tête que d'autres ne doivent pas essayer de résoudre. Quant aux Russes, un fait doit retenir leur attention dans cette histoire : Lieberman représente en Israël le parti ‘’ russe ‘’ le plus important, par conséquent, son comportement reflète probablement certains problèmes non seulement des Israéliens russophones, mais aussi ceux de leur pays d'origine.
Evidemment, la tendance à imposer sa propre vision du problème mentionnée par Bill Clinton, le choix de solutions apparemment faciles et le mépris de l'opinion publique internationale ne sont pas les meilleures qualités pour régler des situations de conflit. Malheureusement, elles sont propres aussi bien aux Israéliens russophones qu'à de nombreux Russes. Multipliées par la fidélité au clan et l'égoïsme national typiques au Proche-Orient, ces qualités deviennent surtout dangereuses.
La situation en Russie est atténuée par d'immenses étendues et une longue expérience de voisinage pacifique des chrétiens et des musulmans. Néanmoins, voyant comment ces qualités ont conduit le chef de la diplomatie israélienne à son isolement dans l'arène internationale, il faut tâcher de les combattre en soi-même.
Ce texte n'engage que la responsabilité de l'auteur.
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