mardi 5 octobre 2010

Le zèle de l’imposture

lundi 4 octobre 2010 - 17h:12
Yazid Slaim
A l’heure où les négociations de paix entre Israéliens et Palestiniens ont repris, on assiste comme à chaque « reprise » des négociations à une totale mise en scène dont les avantages sont plus politiciens que politiques.
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Le rôle (joué) des Etats-Unis
Les Etats-Unis sont encore les hôtes de cette mascarade. La plus vieille démocratie du monde (vieille dans le sens usée, bien entendu) va encore une fois nous éblouir par un tour de force de premier choix : réconcilier les deux frères ennemis une bonne fois pour toute. La légitimité du médiateur crève les yeux. Les USA n’ont jamais, ô grand jamais, fait preuve de partialité en faveur de la Palestine ou d’Israël. Ils souhaitent réellement la paix. Eux qui vont augmenter les crédits militaires à Israël (actuellement à plus de 3 milliards de dollars annuels) pour que l’Etat Hébreu puisse se protéger des barbares arabes qui usent de leur supériorité militaire pour tuer les Israéliens et pour voler leurs terres.
Plus sérieusement, j’avoue m’étonner du calendrier.
Pourquoi les USA choisissent-ils ce mois de septembre 2010 pour reprendre les négociations avec (et non pas entre) les deux entités ? Pour la simple et bonne raison que les USA ont toujours fait ainsi. Reprendre ce bouillant dossier juste avant des élections pour influencer et conquérir l’opinion publique. Bill Clinton l’avait fait en 2000 pour revaloriser son mandat. Bush a fait la même chose en janvier 2008. Maintenant, c’est au tour d’Obama (qui a besoin de le faire pour les élections de mi-mandat, tant la désillusion est importante). On va relancer les négociations pour ne pas perdre la majorité au Sénat. L’opinion est déjà conquise. Le sauveur du monde Barack Obama va enfin commencer sa présidence (à part boire des bières, aller au Mcdo, et traiter ses opposants de racistes, il n’a pas fait grand-chose).
Jetons maintenant un œil sur les autres protagonistes des négociations.
L’autorité pâle-estinienne
Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité Palestinienne, n’a plus aucune autorité officielle. Toujours présenté dans les médias occidentaux comme un interlocuteur officiel, il est souvent décrier chez les âmes éclairées comme un traître palestinien.
Lui qui se veut porte-parole de la cause palestinienne, il n’aura jamais autant rompu avec la tradition palestinienne qui se veut résistante (on dit terroriste dans les médias occidentaux, tout comme les Nazis appelaient « terroristes » les résistants français). Ses appels à la fin de la colonisation ont moins de poids qu’un appel similaire de la part des Etatsuniens (les Américains étant les habitants de l’Amérique). Mahmoud Abbas n’a aucun moyen de pression sur le Hamas, principale mouvance résistante palestinienne, ce qui montre qu’il ne représente ni une autorité, ni les Palestiniens. Pour un président de l’Autorité Palestinienne, c’est quand même un comble.
Cet imposteur réclame donc un gel total de la colonisation. Cela me fait doucement marrer puisque l’ONU déclare les colonies dans les territoires palestiniens illégales. Il ne s’agit donc pas de demander un gel de la colonisation, mais un gel de la colonisation ET un retrait total des colons dans les territoires occupés. Notre ami Mahmoud (le traitre Abbas, pas le résistant Ahmadinedjad) a autant de légitimité que d’exigence...
Israël
Les Etats-Unis ont obtenu d’Israël un moratoire pour un gel de la colonisation dans les territoires occupés, qui s’est terminé fin septembre. Les constructions ont donc repris, les expulsions de Palestiniens de leur maison, les destructions des maisons, et l’installation d’habitats réservés seulement aux Juifs peuvent regarnir le paysage folklorique du Proche-Orient.
Pendant ce temps, l’hilarante Hillary Clinton se dit confiante pour obtenir un prolongement du moratoire de... (roulement de tambour) deux mois !! Bon d’accord, c’est peu, mais si vous croyez que c’est facile de négocier avec les Israéliens... Il a la dent dure, Benjamin Netanyahu, le premier ministre qui intègre un transfuge de l’extrême-droite comme chef de la diplomatie.
Il apparaît en fait que les Israéliens veulent se sortir renforcés des négociations. Ces négociations qui ont pour objectif d’obtenir des concessions de la part des deux parties, va en fait tourner totalement à l’avantage des Israéliens.
Nous avons d’un coté, un gouvernement israélien qui fait mine de ne pas contrôler les colons qui n’en font qu’à leur guise, de l’autre, des USA en médiateur partial, et enfin un représentant palestinien totalement à la solde d’Israël, et nous avons le cocktail parfait pour un cours d’hypocri... pardon, de diplomatie dans toute sa splendeur.
Et l’Union Européenne ?
Lors d’une récente visite à Paris, Mahmoud Abbas a rencontré le président Sarkozy. Ce dernier a tapé du poing sur la table. L’Union Européenne doit participer aux négociations ! Mahmoud Abbas est apparu aussi émerveillé devant Sarkozy que l’aurait été Jean-Pierre Pernault devant... Sarkozy. Le président qui n’a jamais caché son soutien inconditionnel à Israël. Comment croire encore qu’on pourra sortir quelque chose de bien de ces négociations ?
L’Union Européenne veut jouer un rôle dans ces négociations (je ne sais pas combien de fois j’ai utilisé le terme « négociations » alors qu’il est le dernier mot qui convient) de par sa proximité géographique avec le théâtre des opérations. Mais il apparaît en fait que les Etats-Unis mènent un double jeu total sur la question du Proche-Orient. Elle affiche avec fierté les budgets alloués à la construction d’écoles, d’hôpitaux, et d’aéroports dans les territoires palestiniens. Elle affiche plus discrètement un fort soutien militaire à Israël qui sert à détruire des...écoles, des hôpitaux et des aéroports dans les territoires palestiniens. Allez, soyons cyniques, on dira qu’Israël détruit avec l’aide européenne les infrastructures construites grâce aux allocations européennes.
Cet article qui s’est voulu volontairement cynique n’est pas totalement dans le vrai. En effet, les émissions de télévision ont agréablement surpris l’auteur. Le recul qui a été pris montre clairement que peu de personnes sont confiantes quant à l’issue de ces négociations. J’imagine même que fait coïncider la reprise des négociations avec la fin du moratoire montre clairement quelque chose. On fait en sorte de montrer que les Etats-Unis ne peuvent résoudre seuls le problème. Il faut donc faire entrer un autre acteur dans les négociations, c’est-à-dire l’Union Européenne. Ce qui fait que maintenant, il n’y a plus un médiateur partial mais deux médiateurs partiaux.
On cherche clairement à liquider la cause palestinienne.
Mais ne nous y trompons pas, on ne joue pas à trois contre un. Afficher les Etats-Unis, l’Union Européenne et Israël contre Mahmoud Abbas est une vision erronée. Il faudrait afficher les Etats-Unis, l’Union Européenne, Israël et Mahmoud Abbas contre la cause palestinienne...
2 octobre 2010 - Communiqué par l’auteur
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