mardi 17 août 2010

Une université américaine sanctionne des étudiants musulmans suite à une manifestation pro-palestinienne

lundi 16 août 2010 - 07h:25
Brian Napoletano - EI
En réponse à l’intense pression politique de nombreuses organisations sionistes, l’administration de l’Université de Californie, Irvine (UCI) a récemment décidé de suspendre le droit d’étudiants musulmans à se rassembler et à pratiquer ensemble leur culte dans le campus.  
Video montrant les successives interruptions imposées à l’ambassadeur israélien - agent de propagande de la politique criminelle de l’état-voyou qu’il représente - lors de sa tentative de speech à l’UCI
Prétextant que des courriels anonymement "diffusés" au sein de l’université prouvent que huit membres de l’Union des Etudiants Musulmans (UEM) étaient responsables d’une manifestation contre l’ambassadeur israélien Michael Oren lors de sa visite à l’UCI. Le projet de l’administration de restreindre plus de 250 membres de l’Union des Etudiants Musulmans pour un an sera effectif dès septembre, et placera celle-ci sous un examen sévère et un essai disciplinaire si le groupe étudiant est permis de redemander sa reconnaissance en automne 2011.
Le groupe d’étudiants fait appel de cette interdiction, affirmant que l’UEM ne soutenait pas cette manifestation, et que les étudiants arrêtés pour avoir interrompu le discours d’Oren n’agissaient pas au nom du groupe. Des membres ont aussi rejeté la décision de l’UCI d’imposer ce que leur avocat Reem Salahi a décrit comme "rien d’autre qu’une punition collective" en suspendant un groupe entier sur une protestation politique.
Faisant référence aux efforts de puissantes organisations telles que l’Anti-Defamation League et la Zionist Organization of America, beaucoup affirment que l’UCI permet aux organisations extérieures de décider comment traiter ses étudiants. Plusieurs de ces organisations ont publiquement décrit leur projet de faire pression sur l’administration pour suspendre le groupe d’étudiants, et ont annoncé leur intention d’entreprendre des initiatives similaires sur d’autres campus où des étudiants s’organisent pour la défense des droits palestiniens.
Alors qu’il livre une présentation des relations israélo-américaines en Février, Oran a été interrompu de nombreuses fois par des étudiants qui ont été choqués qu’il ne dise rien à propos des droits de l’homme et parce qu’il a critiqué le rapport Goldstone commissionné par les Nations Unies. Comme un précédent porte-parole militaire d’Israël, Oren a, dans les principaux médias, défendu les invasions sur Gaza et le Liban en 2006, l’opération Plomb Durci en hiver 2008/2009, et a encensé son rôle de parachutiste pendant l’invention israélienne sur le Liban en 1982. Bien qu’Oren ait tout de même fini la présentation, l’université a fait arrêter les 11 étudiants qui l’ont interrompu (huit étaient de l’UCI et trois étaient de l’UC Riverside), et les huit étudiants de l’UCI ont été par la suite amenés au Bureau des Affaires Judiciaires de l’université, qui les a informés qu’ils pourraient avoir à faire face à des poursuites en plus des éventuelles autres punitions que l’université déciderait d’administrer. Même s’ils sont tous membres de l’UEM, les étudiants maintiennent que leur manifestation n’était pas une initiative de l’UEM, et qu’ils agissaient individuellement (("11 arrestations pour avoir interrompu l’ambassadeur israélien," The Orange County Register, 8 Février 2010).
L’université a publiquement condamné les étudiants qui ont manifesté et, en réponse aux exigences de la Jewish Federation Orange County (JFOC) et d’autres organisations, a initié un Examen Judiciaire Etudiante de l’UEM. Et pendant que cet examen était en cours, des personnes ont anonymement diffuse des emails et d’autres documents à la JFOC, au Projet d’Investigation sur le Terrorisme et l’UCI qui a déclaré avoir piraté le compte email de l’UEM.
En dépit de sa nature hautement suspecte et de sa source inconnue, Lisa Cornish, présidente de l’Examen Judiciaire et directeur-cadre de la Maison des Etudiants, a basé ses découvertes presque exclusivement sur cette "évidence" quand elle a conclu que l’UEM avait violé des articles du Code de Conduite en "établissant tous les détails de l’interruption" et ensuite en "couvrant" son engagement en déclarant que la manifestation n’était pas une activité de l’UEM. Dans sa lettre du 27 mai aux étudiants, Cornish a dit qu’elle envisageait de révoquer le groupe le 1er septembre, d’exiger que chaque membre effectue 50 heures de travaux d’intérêt général, et de faire placer le groupe sous essai disciplinaire pour une année supplémentaire si on l’autorise à être refonder en automne 2011 ("Lettre aux membres de l’Union des Etudiants Musulmans" [PDF]). Elle n’a, toutefois, pas fait savoir si l’université a planifié de déposer plainte contre les huit étudiants qui étaient en réalité responsables de la manifestation.
Dans l’optique de ces possibles poursuites, l’avocat de l’UEM Salahi était incapable de parler de la preuve présumée dans le détail. Cependant, elle a maintenu que les manifestants n’ont pas agi pour le compte de l’UEM. Elle a également dit que la majorité des preuves apportées étaient sans fondement, et que la punition de l’université était tout bonnement inappropriée, déclarant que "tous les étudiants musulmans du campus ont été sanctionnés pour les actions d’une minorité. "
Salahi a aussi souligné le rôle central que l’UEM joue au sen de la communauté étudiante musulmane. Alors que le soutien en faveur des droits palestiniens est une de ses activités les plus remarquées, l’UEM a aussi travaillé avec différents groupes étudiants et culturels sur plusieurs mouvements de justice sociale et sur des projets de services à la communauté. Au printemps dernier, le Centre Culturel de l’UCI a reconnu la contribution de l’UEM en lui attribuant la Récompense de Justice Sociale. Le groupe étudiant a également facilité les prières quotidiennes et hebdomadaires sur le campus, a donné des cours religieux et organisé des événements sociaux. Etant donné son importance pour la communauté étudiante musulmane, plusieurs étudiants sentent que leur droit de participer à la vie communautaire du campus en tant que musulmans est en train de s’éroder. Le fraîchement élu président de l’UEM Assad Triana observe, “priver les étudiants d’un lieu pour se réunir contrevient à leurs droits protégés par le Premier Amendement et représente un acte de marginalisation à une époque où les étudiants musulmans et les jeunes musulmans se sentent assiégés. "
La décision de l’université de suspendre toute l’UEM soulève les questions des pressions externes éventuelles venant de célèbres organisations anti-palestiniennes. Husam Ayloush, directeur exécutif du Conseil des Relations Américano-Islamiques, a déclaré que l’interruption du discours d’Oren "n’était rien d’autre qu’une protestation pacifique et symbolique de la présence de l’ambassadeur israélien à l’UCI, " suggérant que la réaction de l’université "semble être politiquement motivée à réduire au silence toute critique pacifique et légitime des pratiques brutales d’Israël. "
Une grande partie de cette motivation politique venait d’organisations sionistes très connues comme le JFOC, l’Anti-Defamation League (ADL) et la Zionist Organization of America (ZOA) - - qui ont toutes ouvertement exigé que l’université suspende tout le groupe étudiant après la manifestation de février.
Le JFOC a commencé par attaquer l’UEM pour son ”antisémitisme” présumé quand le groupe étudiant avait commence à critique publiquement la politique israélienne près de 10 ans plus tôt. Le JFOC s’était immédiatement associé à des groupes du campus comme Hillel pour faire pression sur l’administration et réduire en silence la critique d’Israël, déclarant que cela intimidait les étudiants juifs. Le JFOC s’alliait bientôt à l’ADL, qui a commencé à exercer une pression médiatique et politique sur l’administration pour qu’elle prenne des décisions contre l’UEM. 
La ZOA a aussi joint ses forces, et a fait pression sur différents contacts au sein de l’administration de l’UCI pour suspendre l’UEM. Par exemple, dans une lettre personnelle au président de l’université Mark Yudof, le président de la ZOA Morton Klein a condamné l’UEM de l’UCI ainsi que le Comité pour la Justice en Palestine de l’université de Santa Cruz, et a accusé les directeurs des deux universités d’être "extrêmement inefficaces" dans leurs efforts pour passer sous silence la critique d’Israël. ("Lettre de Mark Yudof, Re : Université d’Irvine and Université de Santa Cruz," 8 Août 2008 [PDF])
Outragée par les manifestations contre Oren, toutes les organisations sionistes ont virtuellement appelé à la suspension de l’UEM en février. Bien que la ZOA se soit placée en désaccord avec plusieurs autres organisations quand elle a initié un boycott juif de l’UCI, les différentes factions ont continué à coordonner leur campagne pour obtenir la suspension du groupe étudiant. La campagne contre l’UEM est devenue si intense que son vice-président, Hadeer Soliman, l’a décrite comme une attaque hors-la-loi sur "les droits les plus basiques de la liberté d’association" des étudiants, et a déclaré que les détracteurs de l’UEM "ne cherchent pas la justice, mais plutôt la censure. "
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Un des protestataires emmenés par la police
Alors que les manifestations contre les agissements d’Israël sur le peuple palestinien continuent de se multiplier, ses opposants aux Etats-Unis focalisent plus leur énergie et leurs ressources à passer sous silence les dissidences dans les campus. Tandis que les attaques personnelles sur les facultés sont assez communes, la seule autre fois où un groupe étudiant a rejeté une sanction pour une protestation politique était quand l’université de Berkeley a temporairement suspendu son groupe étudiants pour la Justice en Palestine pendant une enquête en 2002. Comme la porte-parole de l’UEM Mahdis Kesharavz l’a souligné, la mesure par laquelle l’université a autorisé des organisations externes à lui dicter les sanctions contre ses étudiants est à la fois sans précédent et alarmante. "En permettant une institution extérieure de venir au campus et influencer les positions étudiantes," expliquait-elle, "l’UCI n’arrive pas à les protéger et met en place un cadre dangereux."
Cela apparaît être exactement ce que les partisans d’Israël espèrent, alors que la plupart des organisations impliquées ont exprimé leur conviction que la suspension de l’UEM aura un impact significatif sur les autres campus. Dans son communiqué de presse, la ZOA a déclaré que cette décision "envoie un message fort aux autres lycées et universités... rendant évident que le dogmatisme contre les Juifs et l’Etat hébreu ne sera pas toléré" ("Union des Etudiants Musulmans suspendue à l’Université d’Irvine"). Le coté implicite de ce message est, semble-t-il, qu’on a renoncé à la prétention aux libertés académiques dans les campus de la nation, et plus largement que les objections à propos de l’apartheid israélien vont rencontrer de vives représailles
Décrivant une diffamation de l’université contre les étudiants musulmans comme une autre "criminalisation du discours politique arabe et musulman qui a pénétré le système universitaire américain en opposition aux principes d’égalité raciale et religieuse, " la campagne américaine pour le Boycott Académique et Culturel d’Israël a récemment instauré un état de solidarité qui condamne l’attaque de l’administration sur "le droit à la liberté d’expression" des étudiants et les a appelés à "restaurer l’intégrité de l’académie" en abrogeant son interdiction ("Déclaration d’action de condamnation disciplinaire contre Irvine 11 ...," 13 Juin 2010).
La décision de l’UCI de sanctionner un de ses groupes étudiants pour une protestation politique est une menace directe pour la liberté académique et le droits des étudiants d’organiser et de parler librement. Alors que beaucoup d’organisations de droite commencent à cibler l’académie, des étudiants dans d’autres mouvements de justice sociale pourraient bientôt se trouver eux-mêmes sous le feu d’organisations externes. Pendant que la précédente affaire de la décision de l’UCI pourrait forcer des étudiants à se soumettre, d’autres pourraient répondre en bâtissant une plus forte solidarité avec les étudiants engagés dans des combats différents mais liés pour la justice sociale à la maison comme à l’étranger.
* Brian Napoletano est un membre de l’Organisation Internationale Socialiste et l’ancien président des Relations Publiques des Etudiants Universitaires pour la Justice en Palestine. He a précédemment écrit pour le Palestine Chronicle, MRZine et Socialist Worker. On peut le joindre par email à b.napoletano@gmail.com.
14 juillet 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Yazid Slaim
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