lundi 2 août 2010

Qui aide à la Judaisation de la Palestine?

Palestine - 01-08-2010
Par Nicola Nasser

Nicola Nasser est un journaliste arabe chevronné basé à Bir Zeit, en Cisjordanie, Territoire Palestinien Occupé par les Israéliens. Il a contribué cet article pour PalestineChronicle.com. (Cet article a été traduit de l'arabe, puis publié par Al-Ahram Weekly le 22 Juillet 2010.) 
L'USAID a prévu 550,4 millions de dollars pour l'Autorité Palestinienne dans son budget de l'année prochaine.
La poursuite de cette aide est subordonnée à la poursuite de la scission entre les Palestiniens du Fatah et du Hamas et du blocus. Rien n'est alloué à Jérusalem-Est et la majeure partie des fonds doivent être consacrés à "la lutte contre la drogue, la répression et aux programmes de sécurité".

















Les Etats-Unis versent à Israel plus d'argent qu'ils n'en avaient versé dans le Plan Marshall
Depuis 1860, lorsque le magnat juif américain, Judah Touro, a fait un don de 60.000 dollars - une fortune pour l'époque - pour la construction de la première colonie juive à l’extérieure des vieux murs de Jérusalem, des fonds publics et privés américains ont aidé la création et l'expansion territoriale d’Israël. Israël est aujourd'hui la première destination de l'aide américaine.
Selon un document de l'USAID formulant des propositions destinées à orienter la politique gouvernementale, entre 1946 et 2008, Israël a reçu plus d'aide que la Russie, l'Inde, l'Egypte et l'Irak. En fait, les États-Unis ont versé plus d'argent à Israël qu'ils n’en avaient versé dans le Plan Marshall pour la reconstruction de l'Europe après la Seconde Guerre mondiale.
Toutefois, un récent article du New York Times ajoute une nouvelle dimension à l'histoire. Le 5 Juillet, le Times a déclaré qu’au cours de la dernière décennie, plus de 40 groupes américains avaient recueilli plus de 200 millions de dollars en dons déductibles d'impôt pour les colonies juives en Cisjordanie occupée et à Jérusalem-Est, ce qui indique qu’en fait, le Trésor américain aide et encourage l'expansion des colonies illégales et la judaïsation de Jérusalem.
Alors que le New York Times mettait l’accent sur l'ironie du comment un organe du gouvernement américain facilite la canalisation de fonds privés vers des activités et des objectifs qui vont à l'encontre de la politique officielle américaine, et aussi significatif que ce soit, l'article omettait de mentionner que le montant des « dons » privés exonérés d'impôt n’était rien en comparaison des fonds publics que Washington n'a cessé de verser au projet sioniste.
Par exemple, le budget fédéral américain pour 2011 a prévu de donner 3 milliards de dollars en aide à Israël, soit 42% du montant total de l'aide attribuée au soi-disant Proche-Orient pour cette année. Il est également intéressant d'observer que la politique de l'USAID, un organe du Département d'État utilisé pour poursuivre les objectifs des Etats-Unis à l'étranger, est également en contradiction avec les positions officielles de Washington.
Les programmes de l'USAID pour les Palestiniens excluent Jérusalem-Est. Ses documents formulant les propositions destinées à orienter la politique gouvernementale et d'autres rapports et déclarations officiels mentionnent fréquemment "la Cisjordanie et Gaza" comme intitulés de ses activités, mais ils font rarement référence à Jérusalem-Est.
C'est comme si, pour l'USAID, Jérusalem-Est n'était pas indivisible des territoires occupés, malgré la reconnaissance officielle de Washington qu’elle l’était et en dépit de l'inclusion de Jérusalem-Est parmi les questions de statut final du processus de négociations entre l'Autorité Palestinienne (PA) et Israël, la puissance occupante, dans lequel les États-Unis sont les médiateurs.
On ne peut s'empêcher de soupçonner l'USAID - et par extension le Département d'État - de commettre une tromperie calculée par ses omissions délibérées et systématiques de Jérusalem-Est dans ses programmes et documents.
Des responsables de l’Autorité Palestinienne à Ramallah ont exprimé leur indignation face aux allégements fiscaux accordés aux dons privés américains qui financent l'expansion des colonies juives dans les territoires occupés. On suppose que cette réaction s’adressait principalement aux Palestiniens locaux, car ils ont été prompts à souligner que les Palestiniens n’étaient pas ingrats envers les États-Unis et qu’ils exhortaient l'USAID à poursuivre ses efforts.
"Les Etats-Unis est le principal fournisseur d'aide bilatérale au développement économique des Palestiniens, en fournissant plus de 2,9 milliards de dollars depuis 1994," écrivait l'Agence Palestinienne de Promotion de l'Investissement (PIPA) sur son site Internet en mai.
"Les Etats-Unis contribue à faciliter la circulation des personnes et des biens palestiniens, tout en améliorant la sécurité d'Israël", ajoutait-elle, comme si elle et d'autres organes de l’Autorité Palestinienne étaient, en quelque sorte, détachés des « efforts » de l'USAID et de la politique qu'elle contribue à mettre en œuvre.
L'USAID a prévu 550,4 millions de dollars pour l'Autorité Palestinienne dans son budget de l'année prochaine. La poursuite de cette aide est subordonnée à la poursuite de la scission entre les Palestiniens du Fatah et du Hamas et du blocus. Rien n'est alloué à Jérusalem-Est et la majeure partie des fonds doivent être consacrés à "la lutte contre la drogue, la répression et aux programmes de sécurité".
Toutefois, la référence à "faciliter la circulation" est encore plus suspecte, et nécessite des éclaircissements supplémentaires en raison du rôle que joue cette aide dans la consolidation de l'occupation, l'enracinement des colonies juives dans les territoires occupés et la promotion de la judaïsation de Jérusalem-Est. Les administrations américaines successives et les innombrables visites de leurs envoyés et émissaires n’ont pas réussi à lever les barrières militaires imposées par Israël en Cisjordanie et autour de Jérusalem, à ouvrir un "couloir de sécurité» entre la Cisjordanie et Gaza, ou à ouvrir les passages de Gaza, même pour le passage de l'aide humanitaire.
Mais elles ont magnifiquement réussi dans la construction de routes "alternatives". Ce sont les routes de contournement prévues par les autorités de l'occupation pour relier les colonies juives qui contrôlent désormais 42% de la superficie de la Cisjordanie, ce qui ne comprend pas la partie du territoire occupé qu’Israël a annexé à la municipalité de Jérusalem, selon le Centre des droits de l’homme, B'Tselem.
Les routes de contournement servent également à découper le reste de la Cisjordanie en cantons densément peuplées de Palestiniens.
L'Institut de Recherche Appliquée de Jérusalem (ARIJ) indique que l'USAID a financé 23% du réseau de routes de contournement construit par les autorités d'occupation en 2004. La plupart de ces travaux de réseau routier se trouve dans les zones B et C, qui représentent plus de 80% de la superficie de la Cisjordanie et qui tombent sous le contrôle de l'occupant israélien, qui supervise tous les travaux routiers.
Les pays donateurs qui supervisent et financent le «processus de paix » ont approuvé la construction de 500 kilomètres de ces routes, d’une valeur de 200 millions de dollars, dont 114 millions ont été payés par l'USAID.
120 autres kilomètres devraient être achevés d'ici la fin de l’année.
La majorité de cette portion contournera les colonies juives du Grand Jérusalem, créant un mur de routes goudronnées pour renforcer le Mur-Barrière séparant la Cisjordanie de Jérusalem et pour renforcer le basculement de l'échelle démographique dans le Grand Jérusalem en faveur des colons juifs et contre ses autochtones Palestiniens.
Le reste du réseau routier, qui serpente à travers les vallées, les collines et les ravins de la Cisjordanie, est salué comme une «réussite» par le gouvernement de Salam Fayyad à Ramallah.
En effet, Fayyad va plus loin jusqu’à vanter ces routes comme étant des projets palestiniens qui ont "pénétré" les zones B et C et, par conséquent, «défient» les partitions de sécurité de la Cisjordanie telles que définies par les Accords d'Oslo.
En fait, l’USAID ne peut prétendre que ces routes sont l'une de ses «réussites» pour faciliter la circulation des Palestiniens sous occupation, et l'Autorité Palestinienne ne peut les revendiquer comme étant une victoire subtile.
Comme l’explique Suhail Khaliliey, le chef du département de suivi de l'Urbanisme de l'ARIJ : «Ce qui se passe, c’est que l'USAID présente cet ensemble de projets d'infrastructure à l'Autorité Palestinienne et dit pour l’essentiel : « C’est à prendre ou à laisser ». Donc, l’Autorité Palestinienne est tout simplement forcée d'accepter des routes réservées aux Israéliens dont elle ne veut pas."
Ingrid Jaradat Gassner, la directrice du Centre de Documentation de BADIL pour les Droits de résidence et des Réfugiés Palestiniens, le dit de façon encore plus poignante : «C'est triste que l’Autorité Palestinienne aide à construire ses propres cantons alors que les colons contrôlent les principales routes."
Le mois dernier, M. Fayyad a publié une déclaration niant que l’Autorité Palestinienne avait contribué à la construction d'un réseau de routes proposé par la puissance occupante.
Ghasan Al-Khatib, un porte-parole du gouvernement Fayyad, a ajouté que l'Autorité Palestinienne faisait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher la montée d'un «système d'apartheid" en Cisjordanie. Malheureusement, les réalités sur le terrain démentent ces dénégations et ces affirmations.
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