samedi 14 août 2010

Enquête de l’ONU sur le massacre contre la Flottille : la nomination d’Uribe garantit son échec...

vendredi 13 août 2010 - 06h:25
José Antonio Gutiérrez et David Landy - The Electronic Intifada
Au début de ce mois, le gouvernement israélien a annoncé qu’il allait participer à une des deux commissions d’enquête internationales parrainées par les Nations Unies, sur le massacre commis le 31 mai dernier contre la Flottille de la Liberté pour Gaza, un changement d’attitude que le secrétaire général Ban Ki-moon a qualifié de « sans précédent ». Toutefois, ce que l’on sait de cette commission et de ceux qui y prennent part - en particulier le président sortant de la Colombie, Álvaro Uribe Vélez [2] - mette le doute sur son impartialité.
La Commission est composée de quatre personnes, l’une choisie par la Turquie, l’une choisie par Israël et les deux autres choisies dans une liste fournie par Israël [ci qui revient à dire qu’Israël a sélectionnné 3 membres sur 4 ... N.d.T]. Les deux derniers désignés sont l’ancien premier ministre de Nouvelle-Zélande, Geoffrey Palmer, qui sera président de la commission, et Uribe, qui en sera le vice-président. Alors que Palmer [1], expert en droit international, est un choix incontestable, la nomination d’Uribe est aussi surprenante que choquante. Il semble que « l’équilibre » dans cette commission serait un équilibre entre une personne connaissant le droit et les lois internationales pour la défense des droits de l’homme, et une autre qui y est catégoriquement opposée. Cette notion d’équilibre affaiblit fatalement cette commission avant même qu’elle ait commencée ses travaux, et ternit l’image du droit international.
Uribe est un président controversé dont le régime s’est rendu coupable de graves violations des droits de l’homme, de surveillance illégale et de harcèlement à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme par ses services de renseignement (DAS), de violations du droit international (comme le bombardement du territoire équatorien), de corruption, de crimes contre l’humanité et de multiples excès commis par l’armée dans sa guerre anti-insurrectionnelle soutenue et financée par les Etats-Unies.
Le mépris d’Uribe pour les défenseurs des droits de l’homme est notoire. Selon Human Rights First, « le président Uribe et d’autres responsables de l’administration ont fustigé [les défenseurs des droits humains] comme sympathisants de terroristes et ont prétendu que des connexions existaient entre les ONG [organisations non gouvernementales] défendant les droits de l’homme et des groupes armés interdits. Ces propos irresponsables tenus en Colombie par des officiels gouvernementaux mettent la vie des défenseurs des droits de l’homme encore plus en danger et risquent de compromettre la valeur et la crédibilité de leur travail » (« Human Rights Defencers in Colombia »).
En Septembre 2009 la Colombie a eu la visite de Margaret Sekaggya, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme sur la situation des défenseurs des droits de l’homme. Sekaggya a constaté les problèmes permanents encourus par les défenseurs des droits de l’homme en Colombie, notamment « la stigmatisation [des défenseurs des droits de l’homme] par les agents de l’Etat et des acteurs non étatiques, leur surveillance illégale par les services de renseignement de l’État, leur arrestation et détention arbitraires et leur harcèlement judiciaire, les raids contre les ONG et le vol d’informations » (« Report of the Special Rapporteur ..., »...,4 Mars 2010, pp. 13-18 [PDF]).
Les personnages officiels en Colombie attaquent constamment les défenseurs de droits de l’homme et les membres de l’opposition politique et sociale, les accusant d’aider les « terroristes, » c’est-à-dire, les guérillas de gauche.
Uribe a pris la tête de ces attaques, traitant ces militants de « larbins au service du terrorisme qui lâchement brandissent le drapeau des droits de l’homme, » « de trafiquants des droits de l’homme, » de « charlatans des droits de l’homme, » de « collègues des bandits [ les guérilleros], » « front intellectuel des FARC [les Forces Armées Révolutionnaires de la Colombie] » et il a déclaré que « chaque fois que les terroristes et leurs supporters sentent qu’ils seront défaits, ils s’empressent de dénoncer des violations des droits de l’homme. »
Uribe a fait référence en termes particulièrement durs à Amnesty International et à Human Rights Watch : « Amnesty International ne condamne pas les violations de la loi d’humanitaire internationale par les guérilleros et légitime le terrorisme [...] Ils font le tour des bureaux européens comme des rats de bibliothèque, bavassant à voix basse, minant les institutions colombiennes. » Et il a dit de José Miguel Vivanco, directeur de la division des Amériques de Human Rights Watch : « Avant que Vivanco, un défenseur des FARC [et] un de leurs complices, vienne ici pour critiquer notre politique de sécurité démocratique, nous faisions de sérieux efforts pour mettre notre pays sur ses pieds — Je n’ai rien à apprendre de M. Vivanco quand il vient parler des droits de l’homme » (« Defensores de derechos humanos : bajo el estigma del presidente Uribe, » Agencia de prensa (IPC), 23 octobre 2009).
C’est juste une brève vue d’ensemble des attaques systématiques d’Uribe contre les défenseurs des droit de l’homme. En juin 2010 une mission internationale des droits de l’homme a enquêté sur la plus grande fosse commune de l’hémisphère occidental — contenant environ 2000 victimes d’exécutions, jetées là depuis 2004 — qui venait juste d’être découverte près de la ville colombienne de La Macarena. Au même moment Uribe s’est rendu dans cette même localité, mais pas pour présenter ses condoléances aux familles des victimes ou pour garantir qu’une enquête déterminerait ce qui s’est produit là. Au lieu de cela, il est allé visiter la base militaire locale, rencontrant exactement les mêmes personnes qui - selon les récits de survivants - ont rempli cette fosse commune avec son effroyable contenu, pour les féliciter de leur travail.
Uribe a déclaré à cette occasion : « Je veux que le pays sache que maintenant les terroristes veulent condamner notre victoire même partielle en fusionnant leurs moyens de lutte. Maintenant les porte-parole des terroristes parlent de la paix pour avoir un instant de répit afin de pouvoir récupérer, avant que nous accomplissions notre victoire finale. Le terrorisme combine des moyens de lutte, c’est pouquoi leurs porte-parole parlent de paix ; d’autres viennent ici à La Macarena pour rechercher des moyens de critiquer les forces armées et de les impliquer dans des violations des droits de l’homme. Nous ne tomberons pas dans ce piège, restez fermes ! » (« Voceros del terrorismo estan proponiendo la paz para poderse recuperar : Uribe » El Espectador, 25 juin 2010).
Il est difficile de croire que malgré son bilan effroyale en matière de droits du homme, Uribe ait été nommé pour faire partie d’une commission de droits de l’homme des Nations Unies. Allant au delà d’Uribe lui-même, n’importe quel représentant de l’état colombien doit être considéré comme suspect quand il est censé étudier des transgressions des droits de l’homme, alors que ceux qui violent ces droits de l’homme, qu’ils agissent officiellement ou « officieusement » avec l’accord de l’Etat, agissent en toute impunité ; 98% de ces violations restent sans poursuites (« Baseless Prosecutions of Human Rights Defenders in Colombia » février 2009).
Il est aussi très difficile de croire que la Colombie, le plus important destinataire de « l’aide » militaire des Etats-Unis après Israël et l’Egypte, un pays qui a accepté l’année passée d’accueillir sept nouvelles bases militaires des Etats-Unis sur son territoire, puisse être impartiale par rapport à Israël. Les gouvernements israélien et colombien partagent une même approche idéologique par rapport à leurs adversaires, basée sur une croyance que le respect des droits de l’homme est un faux problème quand il est question de poursuivre leurs buts militaires contre des groupes rebelles. De façon absolument pas étonnante, il y existe une coopération militaire à grande échelle entre ces deux États voyous.
Ces dernières années, selon des rapports d’agences de presse, Israël est devenu le fournisseur d’armes numéro un de la Colombie, pour une valeur représentant des dizaines de millions de dollars et « incluant des avions Kfir, des drones, des armes et des systèmes de repérage », employés contre les adversaires du régime colombien (« Report : Israelis fighting guerillas in Colombia » Ynet, 10 août 2007). Selon un haut gradé de la défense israélienne, les « méthodes d’Israël pour combattre le terrorisme ont été réutilisées en Colombie » ( « Colombia’s FM : We share your resilience » 30 avril 2010).
Il y a une raison pour laquelle les latino-américains se réfèrent souvent à la Colombie comme « l’Israël de l’Amérique latine, » et en effet le nouveau président élu colombien, Juan Manuel Santos, ex-Ministre de la défense et main droite d’Uribe, a exprimé sa fierté d’une telle comparaison (« Santos, orgulloso de que a Colombia lo comparen con Israel » El Espectador, 6 juin 2010).
Le parti pris du gouvernement colombien en faveur d’Israël s’est clairement exprimé pendant une visite en Israël, en avril 2010, du ministre des affaires étrangères Jaime Bermudez. Le Jerusalem Post a rapporté le désir de Bermudez « de renforcer les relations militaires de la Colombie avec Israël » et de la « nécessité de faire plus en termes de combat contre le terrorisme. » Il a fait part de sa confiance que « celui qui remportera l’élection présidentielle [en Colombie] le mois prochain sera un supporter d’ [Israël]. J’admire votre peuple. J’admire votre pays et je vous admire. Vous avez beaucoup d’amis en Colombie », « Colombia’s FM : We share your resilience »).
L’admiration est mutuelle, et Uribe se lance dans son rôle d’enquêteur soit-disant impartial en étant particulièrement plombé par les récompenses de divers organismes sionistes. On trouve dans la liste « La récompense de la Lumière sur les Nations » de l’ American Jewish Committee et en tombant encore plus bas dans le double-langage orwellien, « la médaille d’or présidentielle pour l’Humanitarisme » de B’nai Brith.
Alors que le gouvernement colombien et Uribe ont le droit de choisir leurs amis, tout ceci met en évidence qu’il n’y aura aucune objectivité — pour ne pas dire plus — à attendre de la part d’Uribe ce qui concerne son rôle dans la commission.
Il s’avère qu’Israël a accepté de coopérer avec cette enquête-là des Nations Unies uniquement parce qu’il n’y a quasiment aucune chance que cette commission prenne une attitude indépendante et produise un verdict impartial à propos de la brutale attaque israélienne contre la Flotille de la Liberté pour Gaza. En effet, Israël a refusé de coopérer avec l’autre commission d’enquête sur l’attaque et désignée par le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. On peut raisonnablement estimer que la coopération colombienne et israélienne sur cette question est un pas supplémentaire dans cette objectif commun de « faire plus en termes de combat contre le terrorisme » (pour paraphraser les remarques de Bermudez lors de son séjour en Israël).
En réalité ceci signifie attaquer les défenseurs de droits de l’homme et les artisans de l’aide humanitaire, affaiblir encore plus le droit international et le respect des droits de l’homme. Participer à un blanchissement du meurtre illégal et brutal de militants pacifistes et présenter ceux-ci comme des « terroristes déguisés » servira les objectifs militaires des deux pays qui se battent dans leurs zones respectives pour se débarrasser des défenseurs des droits de l’homme et « des communautés ennemies ».
Cette commission d’enquête est une escroquerie, manquant de la moindre crédibilité et qui servira juste à démontrer l’influence des Etats-Unis et d’Israël sur l’équipe de Ban Ki-moon. Une telle commission décevra quiconque s’attend à une enquête neutre et impartiale exposant la vérité au sujet du massacre du 31 mai. Cette commission mine encore un peu plus la crédibilité des Nations Unies et sert à transformer la loi internationale et en un simple jeu entre ceux qui la violent.
* José Antonio Gutiérrez et David Landy sont des militants résidant en Irlande, et impliqués respectivement dans le Latin American Solidarity Centre et la campagne de solidarité Irlande Palestine. José Antonio Gutiérrez écrit fréquemment sur la Colombie pour www.anarkismo.net
Notes :
[1] Geoffrey Palmer fut brièvement Premier ministre de Nouvelle-Zélande (1989-90). Il déconcerta ses électeurs travaillistes en laissant son ministre des Finances conduire d’importantes privatisations, supprimer des droits de douane, et supprimer les subventions aux organisations de la société civile. Rapidement contraint à la démission, il laissa derrière lui un Parti travailliste en ruine. Par la suite, il représenta la Nouvelle-Zélande à la Commission internationale de pêche à la baleine et siégea comme juge à la Cour pénale internationale. Réseau Voltaire
[2] Álvaro Uribe fut président de la Colombie (2002-10). Ancien maire de Medellin, il aurait entretenu des relations étroites avec le cartel de Pablo Escobar, assurent des sources fort diverses. Elu président avec l’argent des Etats-Unis et le soutien des groupes para-militaires, il mena un combat quotidien contre les guérillas de gauche. Au travers du Plan Colombie, il fit de son pays le porte-avion des Etats-Unis en Amérique latine et une base arrière pour la déstabilisation du Vénézuéla. Il a institué des liens économiques et militaires étroits entre la Colombie et Israël. Réseau Voltaire
6 août 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Claude Zurbach
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