vendredi 9 juillet 2010

La politique colonialiste d’Israël en Cisjordanie

vendredi 9 juillet 2010 - 05h:56
Hook et Crook
Rapport B’Tselem
Le rapport présente le système qu’Israël adopte comme l’outil pour faire avancer ses objectifs politiques, lui permettant la violation méthodique des droits humains palestiniens.
Quelque 500 000 Israéliens vivent aujourd’hui au-delà de la Ligne verte : plus de 300 000 dans 121 colonies et environ 100 avant-postes, le tout contrôlant 42% du territoire de Cisjordanie, et les 200 000 autres dans les 12 quartiers qu’Israël a créés sur la terre palestinienne qu’il a annexée à la municipalité de Jérusalem. Le rapport examine les moyens utilisés par Israël pour prendre le contrôle de la terre afin d’y construire ses colonies. Pour la préparation de son rapport, B’Tselem s’est appuyé sur des informations et des documents officiels de l’Etat, entre autres le rapport du procureur Talia Sasson sur les avant-postes, les bases de données fournies par le général Baruch Spiegel, les rapports du contrôleur des finances de l’Etat, et les cartes de l’Administration civile.

L’entreprise colonisatrice se caractérise, depuis son début, par une approche instrumentale, cynique et même criminelle du droit international, de la législation locale, des ordonnances militaires, et de la loi israélienne, approche qui permet le pillage permanent de la terre palestinienne de Cisjordanie.
Le principal moyen utilisé par Israël à cette fin est de déclarer la terre, « terre d’Etat », mécanisme dont il a résulté la saisie de plus de 900 000 dunums (900 kilomètres²) de terre (16% de la Cisjordanie), la plus grande partie des déclarations datant de la période 1979/1992. L’interprétation que le bureau du procureur de l’Etat donne à ce concept de « terre d’Etat » issu de la loi territoriale ottomane contredit explicitement les dispositions statutaires et les arrêts de la Cour suprême mandataires. Sans cette interprétation fallacieuse, Israël n’aurait jamais pu attribuer ces immenses étendues de terres aux colonies.
En outre, les colonies de peuplement ont pris le contrôle de terres palestiniennes privées. En recoupant les données de l’Administration civile, les circonscriptions juridiques des colonies et les photos aériennes des colonies prises en 2009, B’Tselem a découvert que 21% des superficies bâties des colonies sont des terres qu’Israël reconnaît comme des propriétés privées qui appartenaient à des Palestiniens.
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Les colonies contrôlent aujourd’hui 42% de la Cisjordanie.
Pour inciter les Israéliens à venir s’installer dans les colonies, Israël a inventé tout un mécanisme d’avantages et de primes pour les colonies et les colons, quelle que soit leur situation économique, laquelle était souvent financièrement assurée. La plupart de ces colonies de peuplement en Cisjordanie relèvent du statut de priorité nationale, en zone A, ce qui leur donne un certain nombre d’avantages :
  • en matière de logement, en permettant aux colons d’acquérir des logements de qualité à bon marché, avec une attribution automatique de prêt logement subventionné ;
  • des avantages très importants en matière d’éducation, tels que la gratuité de l’enseignement à partir de trois ans, des années scolaires étendues, la gratuité de transport pour les écoles et des salaires élevés pour les enseignants ;
  • pour l’industrie et l’agriculture, des aides et des subventions, l’indemnisation des taxes imposés sur ses produits par l’Union européenne ;
  • en matière de fiscalité, l’assujettissant des colonies à des impôts nettement moins élevés que les communautés à l’intérieur de la Ligne verte, et en accordant des subventions d’équilibre pour les colonies, afin d’aider à couvrir les déficits.
L’implantation des colonies est une violation du droit humanitaire international. Israël fait fi des lois applicables, les interprétant à sa manière, une interprétation contestée par la plupart des juristes les plus éminents dans le monde, et par la communauté internationale.
L’entreprise colonialiste constitue un manquement permanent, cumulatif, aux droits humains des Palestiniens, notamment en violant :
  • le droit de propriété, par la prise de contrôle d’immenses étendues du territoire de Cisjordanie au profit des colonies de peuplement ;
  • le droit à l’égalité et aux libertés individuelles, par la création de systèmes judicaires séparés, dans lesquels les droits de la personne sont basés sur l’origine nationale, les colons étant soumis au système judiciaire d’Israël fondé sur les droits de l’homme et les valeurs démocratiques, pendant que les Palestiniens sont soumis au système judiciaire militaire qui les prive systématiquement de leurs droits ;
  • le droit à un niveau de vie satisfaisant, étant donné que les colonies ont été implantées intentionnellement d’une façon qui empêche tout développement urbain des communautés palestiniennes, et que le contrôle d’Israël sur les sources aquifères empêche également tout développement de l’agriculture palestinienne ;
  • le droit à la liberté de déplacement, au moyen des check-points et autres obstacles aux déplacements des Palestiniens en Cisjordanie, dans le but de protéger les colonies et les grands axes de circulation des colons ;
  • le droit à l’autodétermination, par la rupture de la continuité du territoire palestinien et la formation de dizaines d’enclaves qui empêchent la création d’un Etat palestinien indépendant et viable.
Le voile de légalité qu’Israël cherche à poser sur son entreprise colonialiste est destiné camoufler le pillage en cours de la terre de Cisjordanie, en éliminant les valeurs fondamentales de légalité et de justice du système juridique israélien appliqué en Cisjordanie. Le rapport présente le système qu’Israël adopte comme l’outil pour faire avancer ses objectifs politiques, lui permettant la violation méthodique des droits humains palestiniens.
Les vastes modifications géographiques et spatiales auxquelles Israël a procédé dans le paysage de Cisjordanie minent les négociations qu’Israël poursuit depuis dix-huit ans avec les Palestiniens et constituent des manquements à ses obligations internationales.
L’entreprise colonisatrice, basée sur la discrimination à l’égard des Palestiniens qui vivent en Cisjordanie, affaiblit également les piliers de l’Etat d’Israël en tant que pays démocratique, et nuit à son statut parmi les nations du monde.
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Cisjordanie occupée
Philippe Rekacewics - agrandissement : Monde diplomatique
4 juillet 2010 - B’Tselem - traduction : JPP