jeudi 10 juin 2010

Le projet d'enquête internationale sur le raid israélien contre la flottille se meurt dans l'oeuf

Ecrit par L. Moulard
08/06/2010
BÉTHLÉEM - L'étau international se resserre sur Israël. Et le jeu d'échec au Moyen-Orient continue après l'intervention armée des forces spéciales israéliennes sur le Mavi-Marmarra. 
Les neuf militants turcs de la flottille internationale tués le lundi 31 mai ont fortement ému les opinions publiques à travers le monde, et les meilleurs soutiens d'Israël se sont vus contraints de questionner le mode opératoire de sa politique sécuritaire.
La Turquie d'abord, qui sort indéniablement grandie après l'épisode de la flottille. Rappelons-le, après la Révolution islamique iranienne en 1979, la Turquie était devenue le principal et seul allié d'Israël dans la région. Ce statut est en train de changer.
La Turquie a rappelé son ambassadeur en Israël puis menacé de rompre les relations diplomatiques, à moins qu'Israël n'accepte une commission d'enquête internationale et indépendante sous l'égide de l'ONU sur le raid israélien contre la flottille d'aide à Gaza, comme l'a déclaré Ahmet Davutoglu, le ministre des Affaires Etrangères turques. Selon ses propos, Tel-Aviv doit "donner le feu vert à la création de la commission prévue par les Nations-Unies", auquel cas "les relations (bilatérales) prendraient une autre direction".
Cette recommandation est à replacer dans le contexte de ces derniers mois qui ont vu le rôle de la Turquie changer de dimension sur la scène régionale et internationale. Tout en étant membre de l'OTAN et candidate à l'adhésion à l'Union Européenne, Ankara s'est placé en médiateur pour les négociations israélo-syriennes, entretient de bonnes relations avec l'Iran de Mahmoud Ahmadinejad et s'émancipe de la tutelle américaine en se posant avec Brasilia en médiateur sur le dossier nucléaire iranien. Ainsi, la Turquie tente de mettre à profit sa position géographique et stratégique de liant entre deux mondes.
Rejet israélien de l'enquête internationale
La France et la Grande-Bretagne ont suivi l'ONU et les États-Unis sur le projet d'une "enquête crédible, impartiale, transparente", insistant sur la nécessité qu'elle soit également "internationale". Nicolas Sarkozy a "invité" le premier ministre israélien Benyamin Netanyahu à l'accepter, précisant que la France est prête à y participer.
Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-Moon, s'est entretenu samedi avec M. Netanyahu sur ce projet de commission d'enquête. Elle serait présidée par l'ancien premier ministre néo-zélandais Geoffrey Palmer et composée de représentants d'Israël, de la Turquie et des États-Unis.
Cependant dès dimanche soir, l'ambassadeur d'Israël aux États-Unis, Micheal Oren, a affirmé que l'État hébreux rejetterait cette proposition : "Israël est un Etat démocratique. Israël a la capacité et le droit d'enquêter par lui-même, de n'être un objet d'enquête pour aucune commission internationale".
B. Netanyahu a répondu à Ban Ki-Moon qu' "une enquête devait être menée de façon responsable et objective", comme l'a rapporté le quotidien Yedioth Aharonoth. "Je cherche d'autres solutions", aurait-il ajouté. Devrait donc l'emporter l'option d'une enquête nationale, comme celle conduite par le juge Winograd après la guerre israélo-libanaise de 2006.
L'Iran monde au créneau
Selon le journal Haaretz, M. Netanyahu a également déclaré que des discussions étaient déjà en cours à propos de l'assouplissement du blocus mais a répété qu'Israël "ne permettrait pas la création d'un 'port iranien" à Gaza".
Dans le même temps, l'agence de presse officielle iranienne Irna affirme que l'Iran va tenter d'envoyer par navires de l'aide à Gaza, navires que les Gardiens de la révolution, fer de lance du régime islamique, escorteraient. "Si le Guide Suprême nous en donne l'ordre, les forces navales des Gardiens de la révolution feront tout ce qui est en leur pouvoir pour protéger ces navires, a annoncé un responsable des Pasdarans. Il est du devoir de l'Iran de défendre le peuple innocent de la bande de Gaza".
Alors qu'Israël tente désespérément de garder les mains libres au Proche-Orient, le théâtre palestinien sert de tremplin aux ambitions régionales de deux acteurs, le Turc et l'Iranien.