mercredi 30 juin 2010

Entre la Turquie et Israël, le climat se dégrade chaque jour un peu plus

30/06/2010
Ankara devrait maintenir la pression sur l'État hébreu jusqu'aux législatives du printemps 2011, estiment les experts.
Le climat se dégrade chaque jour un peu plus entre la Turquie, d'une part, et Israël et les Occidentaux, d'autre part, comme en témoigne l'interdiction partielle par la Turquie de son espace aérien à l'armée de l'air israélienne. La Turquie a interdit de survol deux avions militaires israéliens, après l'assaut, le 31 mai, d'un commando israélien sur la flottille d'aide humanitaire à Gaza, au cours duquel neuf ressortissants turcs ont été tués.
« Il y a eu deux demandes de vols et nous les avons refusées toutes les deux », a déclaré hier une source diplomatique turque, parlant sous le couvert de l'anonymat. « Cela ne signifie pas que nous allons les refuser dans l'avenir, mais nous allons les prendre au cas par cas », a-t-elle ajouté, confirmant que les vols civils ne sont pas concernés. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait annoncé lundi une interdiction de survol portant sur un avion, et la presse turque avait fait état dans la soirée d'une deuxième interdiction.
Le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Burak Özügergin, a, pour sa part, adressé devant la presse une nouvelle mise en garde à Israël, ancien allié stratégique avec lequel Ankara avait signé des accords de coopération militaire en 1996. « Nous l'avons déjà dit, nous prendrons des mesures, si nos demandes ne sont pas satisfaites », a-t-il menacé. La Turquie, membre de l'OTAN, a déjà exclu début juin Israël de manœuvres aériennes conjointes, et a rappelé son ambassadeur à Tel-Aviv. Elle réclame de ce pays des excuses, des dommages pour les familles des victimes, une enquête internationale sur le raid, la libération des trois navires turcs saisis pendant l'opération et la fin du blocus de Gaza. « La Turquie va maintenir la pression sur Israël jusqu'aux élections » législatives du printemps 2011, prévoit-il, estimant que ces attaques répétées servent les intérêts électoraux du régime islamo-conservateur à Ankara.
M. Erdogan, qui dirige un gouvernement issu de la mouvance islamiste, a évoqué cette question avec le président Barack Obama en marge du G20, le week-end dernier à Toronto (Canada). Selon une source diplomatique turque, le gouvernement américain pourrait plaider avec succès la cause de son allié turc concernant des excuses, des dommages et la restitution des bateaux, mais il n'est pas « optimiste » concernant l'acceptation par Israël d'une enquête internationale. Israël a lancé lundi les travaux de sa propre commission d'enquête sur le raid, récusée par la Turquie.
L'entretien Obama-Erdogan en marge du G20 a été « glacial », assure l'analyste et journaliste Mehmet Ali Birand, généralement bien informé. « Obama est très déçu du vote » de la Turquie, qui a dit non à de nouvelles sanctions contre l'Iran, au Conseil de sécurité des Nations unies. Washington n'a pas compris comment un allié de l'OTAN a pu voter contre les Occidentaux, a expliqué M. Birand à l'AFP. « Obama a téléphoné à Erdogan juste avant le vote » au Conseil de sécurité, dont la Turquie est membre non permanent, et il a pris le « non » turc comme « une attaque personnelle », assure M. Birand.
Les États-Unis et plusieurs pays occidentaux, notamment l'Italie, se sont inquiétés récemment de l'évolution de la diplomatie de la Turquie, pays candidat à l'Union européenne mais qu'ils voient se déplacer vers l'est, l'Iran, la Syrie, voire le Soudan. Ils redoutent de perdre un précieux allié musulman, situé stratégiquement entre Europe, Proche-Orient et Asie centrale.