dimanche 27 juin 2010

En quoi l’armée israélienne est-elle « morale » ?

samedi 26 juin 2010 - 09h:57
Pascal Boniface - Libération
Bernard-Henri Lévy déplore la « désinformation » à l’encontre d’Israël autour de cet événement. Il a certes raison d’insister sur le fait que le blocus n’est pas seulement israélien, car l’Egypte en est coresponsable, cela est trop souvent oublié. Mais, dans cette affaire, la pire des désinformations n’a-t-elle pas été celle de certaines sources israéliennes faisant état de liens entre des membres de la flottille humanitaire et Al-Qaeda ?
La veille de cet assaut, Bernard-Henri Lévy qualifiait l’armée israélienne d’« armée la plus morale du monde ». Comment peut-on dire d’une armée de n’importe quelle nation qu’elle est la plus morale du monde, dépassant celle des 191 autres pays ? Qu’est-ce qui permet à BHL de dire que l’armée israélienne est plus morale que l’armée française, qu’il n’a jamais ainsi qualifiée ? En quoi l’armée israélienne est-elle plus morale que l’armée suédoise ou finlandaise ? Cette affirmation sur l’armée la plus morale du monde serait d’ailleurs démentie par de nombreuses ONG israéliennes. Est-ce que ce concept d’armée « la plus morale du monde », accolé régulièrement à Tsahal, n’est pas justement le fruit d’une campagne de désinformation ?
Faut-il rappeler à Bernard-Henri Lévy que, à plusieurs reprises, des militaires israéliens ont volontairement tiré sur des civils, sans avoir été mis en danger et la plupart du temps sans qu’aucune enquête sérieuse ne soit menée ? Il y a des militaires israéliens qui se conduisent très bien, notamment les pilotes qui ont refusé d’aller bombarder les populations civiles, mais auxquels Bernard-Henri Lévy ne doit certainement pas se référer. Par contre, le comportement de certains soldats aux check points, humiliant volontairement des civils palestiniens, ne permet pas d’abonder dans son sens. Par définition, une armée d’occupation, israélienne ou autre, ne peut être « morale ».
Désinformation, BHL ne s’y livre-t-il pas lorsqu’il va répétant que l’antisionisme est le nouveau masque de l’antisémitisme, confondant volontairement deux notions très différentes, et créant une confusion entre critique du gouvernement d’Israël pour ce qu’il fait, opposition à l’Etat d’Israël pour ce qu’il est, et opposition au peuple juif ? Pourquoi ne dit-il pas un mot de l’actuel gouvernement israélien, le plus à droite de l’histoire du pays, bien plus extrémiste que celui dont l’Autriche s’était dotée pendant quelque temps et qui a eu pour conséquence de la marginaliser au sein de l’Union européenne ? Lorsqu’il dit que « les enfants de Gaza sont de la chair à canon pour le gang d’islamistes qui dirige le territoire », n’est-ce pas aussi de la désinformation ? Qui a tué plusieurs centaines d’enfants pendant l’opération Plomb durci ?
S’il y avait dans la flottille des islamistes radicaux, ils n’en étaient pas la majorité. Bernard-Henri Lévy en fait la masse centrale. On remarquera que le côté radical des opposants de l’UCK (l’armée de libération du Kosovo) au Kosovo ne l’avait pas gêné à l’époque. Ainsi n’applique-t-il pas de la même façon les principes universels dont il se réclame. Il juge la situation en fonction des protagonistes, non des événements. Si au moment d’un bateau pour le Vietnam ou les guerres balkaniques, le pouvoir vietnamien ou Milosevic avaient fait tuer des militants d’une opération humanitaire, il n’aurait pas trouvé de circonstances atténuantes. Aurait-il jugé simplement « absurde », comme il l’a fait en l’occurrence, la mort de 9 membres d’une opération humanitaire ? Sans doute est-ce le terme de « barbare » qu’il aurait utilisé. BHL se comporte donc en militant communautariste, pas en conscience universelle.
PASCAL BONIFACE directeur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS)
23 juin 2010 - Libération
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