lundi 15 février 2010

Les frontières de 1967 n’ont rien de sacré

dimanche 14 février 2010 - 07h:58
Hasan Abu Nimah The Electronic Intifada
L’idée selon laquelle la ligne de démarcation du 4 juin 1967 est la frontière légitime d’Israël et devrait être la base d’un règlement du conflit, est une idée fausse, écrit Hasan Abu Nimah.
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La frontière de 1967 n’a guère de sens aussi longtemps qu’Israël continue à occuper le territoire Palestinien (Keren Manor/ActiveStills)
Lorsque les États-Unis ont renoncé à exiger qu’Israël gèle la construction des colonies avant le redémarrage des négociations Palestine au israélienne, l’administration Obama a exhorté les deux côtés à passer directement aux débats sur un futur État palestinien « fondé sur les frontières de 1967. »
Fixer d’abord la frontière, espérait -il, « réglerait » automatiquement la question des colonies, et ceci est maintenant au coeur des "entretiens indirects" que George Mitchell, l’envoyé pour le processus de paix au Moyen Orient, s’efforce de négocier.
Bien sûr, les colonies de peuplement, construites sur les territoires occupés de Cisjordanie en violation flagrante du droit international, ne seraient pas supprimées. La frontière serait simplement retracée pour annexer à Israël la grande majorité des colons et de leurs maisons. Cette farce serait travestie en un prétendu « échange de terres » dont le dirigeant du Fatah, Mahmoud Abbas, et son Autorité palestinienne parlent souvent comme d’un moyen de radoucir le public palestinien afin qu’ils se soumette dans des proportions encore plus importantes au diktat israélien.
Tout ceci part de l’idée courante, mais fausse, selon laquelle que la ligne de démarcation du 4 juin 1967 séparant Israël de la Cisjordanie (ensuite administrée comme faisant partie du Royaume hachémite de Jordanie), est la frontière légitime d’Israël et devrait donc être la seule sur la base de laquelle le conflit serait réglé.
Cette prémisse est fausse ; la frontière de 1967 n’a aucune légitimité et ne devrait pas être prise pour un acquis.
La résolution 181 des Nations unies du 29 novembre 1947 a appelé à la partition de la Palestine en deux entités : un État pour la minorité juive sur 57 pour cent des terres, et un État pour l’écrasante majorité arabe sur moins de la moitié des terres. Selon la partition de 1947, la population de l’État juif aurait encore été 40 % arabe tandis que Jérusalem serait restée une zone internationale distincte.
Plutôt que de « régler » la question de la Palestine, la partition l’a empirée : les Palestiniens ont rejeté une partition qu’ils considéraient comme fondamentalement injuste dans son principe et dans la pratique, et le mouvement sioniste l’a acceptée à contrecœur, mais comme la première étape d’un programme continu d’expansion et de colonisation.
La résolution 181, a parlé de deux États qui garantiraient strictement l’égalité des droits pour tous leurs citoyens, et qui auraient leur monnaie et leur union douanière, des chemins de fer conjoints et serait dotés des autres aspects d’une souveraineté partagée ; la résolution présentait aussi un mécanisme spécifique pour les États à créer.
La résolution n’a cependant jamais été appliquée. Immédiatement après son adoption, les milices sionistes ont commencé leur campagne de conquête du territoire au-delà de ce que prévoyait le plan de partition. Beaucoup moins armés, les milices palestiniennes ont résisté du mieux qu’elles ont pu, jusqu’à l’intervention tardive des armées arabes quelque six mois après que la guerre eut commencé. A ce moment-là, il était trop tard — des centaines de milliers de Palestiniens avaient déjà été victimes du nettoyage ethnique et vidés de leurs foyers. Israël, contrairement au mythe, n’a pas été établi par l’ONU, mais par la guerre et la conquête.
L’accord d’armistice de Rhodes de 1949 a mis fin à la toute première guerre israélo-arabe et a laissé à Israël le contrôle de 78 % de la Palestine historique ; il a établi un cessez le feu avec ses voisins (l’Égypte, la Jordanie, la Syrie et le Liban). Jusqu’à la deuxième guerre — en juin 1967 — les Arabes avaient demandé l’abolition de « l’entité sioniste illégale » plantée par les puissances coloniales comme un poignard dans le cœur de la nation arabe. Ils ont également attendu que l’ONU mette en œuvre ses nombreuses résolutions visant à redresser les injustices flagrantes infligées jusque là. Or, l’ONU n’a jamais essayé de faire respecter la loi ni de faire des efforts sérieux pour résoudre le conflit, qui n’a fait que s’aggraver.
L’attaque israélienne surprise contre l’Égypte, la Syrie et la Jordanie a conduit à la défaite dévastatrice des Arabes, et Israël a triplé la superficie des terres qu’il contrôlait. Les parties de la Palestine encore contrôlées par les Arabes — la Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est et Gaza — ainsi que les Hauteurs du Golan syrien et le Sinaï égyptien sont tombés dans les mains des Israéliens.
Battus, démoralisés et humiliés, les États arabes ayant essuyé ce que le Président égyptien, Gamal Abdel Nasser, a appelé un « revers », ont accepté le compromis douloureux énoncé dans la résolution 242 du Conseil de sécurité en date de novembre 1967.
Celui-ci a décidé que la frontière du 4 juin 1967 devrait être reconnue comme la frontière d’Israël à condition que ce dernier évacue les terres arabes qu’il avait occupées cette année-là. En d’autres mots, si les Arabes voulaient récupérer leurs terres perdues dans cette guerre, ils devaient mettre fin à « l’état de belligérance » avec Israël — une quasi reconnaissance — et accepter l’existence de fait d’Israël dans les frontières antérieures à juin 1967. Ceci est finalement devenu la prétendue formule « la terre contre la paix ».
Au lieu de se retirer des terres en échange de la reconnaissance et de la paix, Israël a commencé à coloniser tous les nouveaux territoires occupés ; il continue de le faire 43 ans plus tard en Cisjordanie et sur les hauteurs du Golan. Entre-temps, il est également devenu incontesté qu’Israël a « droit » à tout ce qui se trouve aux à l’ouest de la frontière de 1967. La seule question est de savoir combien de terres de plus il obtiendra définitivement à l’est.
Étonnamment, les dirigeants palestiniens, les États arabes et la prétendue communauté internationale se sont tous pliés au concept tordu selon lequel Israël devrait avoir ce droit inconditionnellement sans évacuer les territoires arabes illégalement occupés. La légitimité de la frontière de 1967 a été étroitement liée au retrait israélien et devrait le rester.
Une contradiction inhérente dans la résolution 242 est que si elle a affirmé « l’irrecevabilité de l’acquisition du territoire par la guerre » il n’en reste pas moins qu’elle a de fait légitimé la conquête israélienne de 1948, y compris les 21 p. 100 de la Palestine qui était censée faire partie de l’État Arabe dans le cadre du plan de partition.
En d’autres mots, l’ONU a accordé à Israël un titre légitime à ses conquêtes précédentes s’il renonçait à ses dernières conquêtes. Cela a créé un précédent désastreux en ce que l’agression peut conduire à des faits irréversibles. Ainsi encouragé, Israël a commencé son projet de colonies avec l’intention expresse de créer « des faits accomplis » rendant tout retrait impossible et forçant la communauté internationale à reconnaître les prétentions israéliennes à la terre.
Et ça a marché ; en avril 2004, les États-Unis ont offert à Israël une garantie écrite selon laquelle tout accord de paix aurait à reconnaître et à accepter les colonies comme faisant partie d’Israël. Comme d’habitude, le reste de la « communauté internationale » a tranquillement, suivi la ligne américaine.
Le fait que les Palestiniens aient plié devant la demande selon laquelle les grands blocs de colonies seraient annexés à Israël contre un échange fictif de terres vient confirmer une fois de plus la conviction israélienne selon laquelle les faits créés sont des faits acceptés.
C’est uniquement si Israël adhère à tous les aspects de la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations unies et d’autres, que la ligne de 1967 peut avoir une quelconque légitimité. Jusque là, si Israël indique aux Arabes que les colonies cisjordaniennes d’Ariel et de Maale Adumim font partie d’Israël, alors les Arabes peuvent dire que Haïfa, Jaffa et Acre font toujours partie de la Palestine.
Hasan Abu Nimah est l’ancien représentant permanent de la Jordanie à l’ONU. Cet essai a été publié dans le Jordan Times et est reproduit avec l’autorisation de l’auteur.
Note de la rédaction : une version antérieure du présent article contenait une erreur dans une citation de la Résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations unies, utilisant le mot « recevabilité » au lieu de « irrecevabilité ».
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10 février 2010 - The Independent Intifada - Cet article peut être consulté ici :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction : Anne-Marie Goossens
 http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8168