lundi 1 février 2010

Howard Zinn, le Forum Economique Mondial, l’utilisation abusive de l’holocauste juif

Monde - 31-01-2010
Par Mazin Qumsiyeh
Nous venons de perdre l’inappréciable voix d’un historien, intellectuel et militant, le professeur Howard Zinn. Je l’ai rencontré deux fois aux Etats-Unis. J’ai lu deux de ses livres et j’espère avoir le temps, un jour, de lire les autres. Zinn n’aimait pas le sionisme et a fréquemment critiqué ses atrocités, du massacre au Liban en 1982 à la dernière guerre à Gaza l’hiver 2008-2009. Mais, comme beaucoup de gens de gauche, il a préféré combattre l’impérialisme des Etats-Unis que le premier lobby destructeur aux Etats-Unis, le lobby israélien. En cela, j’étais en désaccord avec lui parce que je crois que le sionisme siège à la table du pouvoir à Washington DC et qu’il n’est pas un simple outil de « l’impérialisme US ».































Howard Zinn à Grenoble en 2003 (photo Marie-Ange Patrizio)
Ses positions sur l’utilisation abusive des atrocités nazies, « A Larger Consciousness », 10.10.1999, (en anglais), n’étaient pas aussi fortes que celles d’autres Juifs qui ont traité de cette question (par exemple Joel Kovel, Lenni Brenner, Norman Finkelstein, Gilad Azmon, etc).

Mais Zinn était si clairvoyant, et dans tellement de domaines, qu’il est difficile de chicaner sur ces points. Son intelligence, son militantisme, son honnêteté et son esprit positif ont inspiré trois générations. Lorsqu’il est parti à la retraite, il a écourté sa dernière conférence et a exhorté ses étudiants à l’accompagner à une manifestation, et 100 d’entre eux l’ont fait. J’ai toujours pensé que c’est ainsi que j’espérais moi aussi terminer mon dernier cours.

Dans mon livre de 2004 « Sharing the Land of Canaan », j’ai cité cet extrait de Zinn, que j’ai aussi partagé deux fois avec ma liste de diffusion :

« Garder espoir dans les temps difficiles n’est pas seulement follement romantique. C’est basé sur le fait que l’histoire humaine est une histoire non seulement de cruauté, mais aussi de compassion, de sacrifice, de courage et d’amabilité. Ce que nous choisissons de faire ressortir dans cette histoire complexe déterminera nos vies. Si nous ne voyons que le pire, cela détruit notre capacité de faire quoi que ce soit. Si nous nous souvenons de ces temps et lieux – et il y en a tant – où les gens se sont comportés de manière magnifique, cela nous donne l’énergie d’agir, et au moins, la possibilité de diriger la toupie du monde dans une direction différente. Et si nous agissons vraiment, même de façon modeste, nous n’avons pas à attendre un quelconque grand futur utopique. Le futur est une succession infinie de présents, et vivre maintenant de la manière dont nous pensons que les êtres humains doivent vivre, au mépris de tout ce qui est mauvais autour de nous, est en soi une merveilleuse victoire. »
You can’t be neutral on a moving train: A personnal history of our times”, p. 208. (en français : “L’Impossible Neutralité - Autobiographie d’un historien et militant”, éd. Agone, 2006)

[Quelques citations tirées de cet ouvrage, ajoutées par ISM :

« La désobéissance civile (...) n'est pas un problème, quoi qu'en disent ceux qui prétendent qu'elle menace l'ordre social et conduit droit à l'anarchie. Le vrai danger, c'est l'obéissance civile, la soumission de la conscience individuelle à l'autorité gouvernementale. »

Parlant des carences de l’histoire officielle : « Ce qu’il y manque ce sont les innombrables petites actions entreprises par des inconnus qui ont pourtant ouvert la voie à ces grands moments. Si nous comprenons cela, nous comprenons également que les plus infimes actes de protestation peuvent constituer les racines invisibles du changement social".

Voir également l’article d’André BOUNY, Le Grand Soir du 30.01.2010, « Adieu Howard Zinn » avec de nombreux liens sur des entretiens-vidéo.]

Ici le site d’Howard Zinn.

Le Forum Economique Mondial continue à Davos. Cette fois, il est intitulé : « Repenser, restructurer, reconstruire ». Je devine que les élites participantes parleront de reconstruire ce qu’elles ont détruit (Gaza, Ira, Afghanistan, les économies mondiales, la valeur du dollar US, etc.), de restructurer les systèmes de corruption, de contrôle, de domination qu’elles ont créées, et de repenser les idées idiotes comme le nationalisme chauvin ethno-centré (comme le sionisme, donnant aux entreprises davantage de droits pour se déplacer et s’installer où elles veulent, niant ces droits à leurs propres citoyens). Ces élites se réunissent depuis quatre décennies à Davos, profitant de la station de ski, des chambres d’hôtel hors de prix luxueusement décorées, de la bonne nourriture, des boutiques et plus, tout en nous plongeant encore davantage dans les problèmes. Ils continuent d’essayer de tirer de nouvelles idées des mêmes gars qui prospèrent et profitent du recyclage des vieilles idées. Qui peut imaginer que de nouvelles idées « pour améliorer la sécurité et promouvoir l’économie mondiale » sortiront de gens comme Larry Summers (l’économiste sioniste à l’idéologie raciste) ou Shimon Peres (le politicien sioniste bien connu pour l’arsenal atomique d’Israël et pour les massacres et le nettoyage ethnique des Palestiniens depuis plus de 60 ans) ?

Mais au cours des années, le Forum Economique Mondial a commencé à inviter, pour le symbole, des progressistes qui servent d’alibis pour « faire équilibre » aux hommes politiques et aux riches PDG des grandes multinationales. Mais j’ai le sentiment que ces gars sont menacés d’exclusion s’ils transgressent certaines limites (comme remettre en question les privilèges ou le pouvoir ou le colonialisme ou l’occupation, etc.). Bien que je n’aie jamais participé aux rencontres du FEM et que je n’y participerais pas si j’étais invité, j’ai réussi à faire insérer un article intitulé « Boycott Israël » dans la brochure officielle du FEM qui avait provoqué un tollé il y a quatre ans). Elle n’a pas été publiée depuis !

A lire :

1) ”Holocaust remembrance is a boon for Israeli propaganda”, By Gideon Levy, sur Haaretz, 29.01.2010

[en français sur Info-Palestine.net : « La commémoration de l’Holocauste est une aubaine pour la propagande israélienne », 31.01.2010]

2) “Israel's voice on Britain's Iraq Inquiry accuses critics of ‘anti-Semitism’"

Peu de médias ont révélé que deux des cinq membres de la commission Chilcot (Martin Gilbert et Lawrence Freedman) sont de fervents partisans d’Israël qui s’assureront que le fait que ce sont les sionistes qui ont poussé Blair et Bush à partir en guerre contre l’Irak ne soit pas mentionné.

Mazin Qumsiyeh, PhD
A Bedouin in Cyberspace, a villager at home

source : Mazin Qumsiyehhttp://www.ism-france.org/news/article.php?id=13355&type=analyse&lesujet=R%E9sistances