jeudi 28 janvier 2010

La Palestine en 2010 et le rôle égyptien

mercredi 27 janvier 2010 - 08h:48
Hassan Abou-Taleb - Al-Ahram/Hebdo
Je m’étais rendu au Liban pour participer à un atelier autour de l’avenir de la cause palestinienne au cours de la nouvelle année à la lumière de l’expérience de 2009.
(JPG) A mon arrivée à Beyrouth, l’officier des passeports, en voyant ma profession à Al-Ahram, m’a interrogé sur la mort du soldat égyptien sur les frontières avec Gaza. Il m’a demandé si les tirs provenaient vraiment de la bande de Gaza et d’un membre du Hamas ou bien d’une partie enrôlée pour augmenter les pressions entre l’Egypte et Gaza. La question a été une surprise pour deux raisons. La première est que les affaires internes et externes de l’Egypte ne préoccupent pas seulement les Egyptiens mais de nombreux frères arabes qui suivent les nouvelles de l’Egypte, les analysent, les critiquent, posent des questions et attendent des réponses convaincantes. La seconde raison est que la question portait un doute ou du moins une non-conviction sur la version égyptienne relative à la mort du soldat. En effet, la question portait une vision implicite sur la présence d’une tierce partie voulant augmenter les pressions entre l’Egypte et le mouvement du Hamas qui domine la bande de Gaza et joue le rôle de gouvernement du fait accompli jusqu’à ce que changent les circonstances. Par conséquent, le Hamas n’est pas responsable et il ne faut pas être sévère avec lui. Le cas de l’officier libanais n’est pas le seul. A chaque endroit où une question arabe est soulevée, la question logique qui se pose est : Qu’a fait l’Egypte ? Que peut-elle faire ? Dans certains cas, nombreux se portent volontaires pour dire que l’Egypte n’a rien fait et pour pleurer le temps où Le Caire dirigeait la nation arabe, déterminait les priorités, les plans d’action et les alternatives et prenait les décisions qui satisfont les ambitions et le prestige des Arabes.
La critique de l’Egypte et de ses politiques est devenue chose courante dans tout le monde arabe. Dans chaque colloque, conférence, regroupement ou même émission télévisée, discutant d’un sujet culturel, intellectuel, scientifique, ou politique concernant la totalité des Arabes, tout le monde fait retomber la responsabilité sur l’Egypte. L’aspect positif de ces critiques est une reconnaissance implicite que le monde arabe ne peut changer les équilibres et réaliser les ambitions arabes sans le rôle de leadership de l’Egypte. L’aspect négatif est que l’on rend l’Egypte seule responsable de la détérioration des conjonctures arabes, alors que les autres parties ayant une relation directe avec la question sont représentées comme impuissantes. On ne peut alors pas leur demander un quelconque rôle dans l’intérêt arabe car tout simplement, elles ne possèdent pas le même leadership que Le Caire.


Je m’étais rendu au Liban pour participer à un atelier autour de l’avenir de la cause palestinienne au cours de la nouvelle année à la lumière de l’expérience de 2009.
L’organisateur est le Centre Al-Zaytouna pour les recherches et les consultations à Beyrouth. Ses rapports sont devenus une référence importante et fondamentale pour tous ceux qui veulent suivre la cause palestinienne. La principale question de l’atelier portait sur les conceptions probables et les rôles que peuvent jouer les parties liées à la cause palestinienne, qu’il s’agit de parties arabes, régionales ou internationales. Les académiciens, les chercheurs et les personnes en étroite relation avec les diverses factions palestiniennes ou avec le mouvement du Fatah ont présenté différentes analyses, critiques et visions. Cinq choses ont attiré mon attention.
-  Premièrement, il y avait une unanimité que la cause palestinienne est dans son plus mauvais état et qu’elle connaîtra des dégradations dangereuses si les divisons palestiniennes persistent, si le processus politique continue à reculer et si nous ne trouvons pas de programme politique mêlant l’action politique à la résistance.
-  Deuxièmement, le pessimisme domine toutes les factions palestiniennes. Bien que les personnes proches du Hamas parlaient de la résistance et de la victoire, elles n’ont présenté aucune alternative à la situation actuelle. Bien plus, elles s’y attachent plus que jamais. Elles semblaient attendre une nouvelle agression envisagée par Israël durant cette année. Quant aux personnes proches du Fatah, leurs demandes étaient claires : il n’y a pas d’alternatives à la réconciliation et au réaménagement de la maison palestinienne car les dangers sont grands et personne ne peut les assumer seul.
-  Troisièmement, il y avait un choc du recul américain et notamment du recul de l’administration d’Obama de jouer un quelconque rôle effectif capable de changer la conjoncture actuelle qui peut être résumée en quelques termes : le gel qui précède l’explosion. Puis sont survenues les déclarations de Hillary Clinton après la visite des ministres égyptien et jordanien des Affaires étrangères à Washington, disant que son pays préférait les négociations sans conditions préalables, comme si elles adressaient le message de n’attendre rien de nouveau de Washington qui n’obtienne pas le consentement d’Israël.
-  Quatrièmement, toute l’assistance était convaincue qu’Israël dans ses conjonctures actuelles, dominé par la droite et par les colons avec leur idéologie basée sur la judaïsation de tout ce qui peut être judaïsé et l’expulsion des Palestiniens de leurs terres, n’est disposé à aucun règlement pacifique dans l’avenir proche.
-  Cinquièmement, de nombreuses questions se sont posées autour des répercussions de la fermeture des frontières égyptiennes. Le plus étonnant est qu’une personne, qui suit de près ce qui se passe à Gaza, a déclaré que la situation dans la bande a engendré une structure sociale et politique qui n’acceptera pas la réconciliation et le retour à l’Autorité nationale palestinienne et qui préfère que la situation reste telle quelle en raison des nombreux avantages qu’elle récolte.
Les discussions étaient riches et ont également abordé le rôle égypto-palestinien. Certains interlocuteurs n’avaient pas d’informations suffisantes sur les interventions égyptiennes au Soudan, au Yémen, en Iraq ou en Turquie. D’autres répétaient les mêmes critiques diffusées par les chaînes satellites. Bien que j’aie essayé de transmettre les informations correctes, la critique des positions égyptiennes ne s’est pas arrêtée. Les critiques adressées à l’Egypte n’émanent pas des conjonctures détériorées à Gaza, du trébuchement de la réconciliation ou du gel des négociations entre l’Autorité palestinienne et Israël, mais plutôt de certaines conceptions, selon lesquelles il incombe à l’Egypte d’assumer toute la responsabilité exactement comme dans les années 50 et 60 du siècle passé. Il y a aussi d’autres raisons comme l’absence de renseignements sur ce que fait effectivement l’Egypte dans de nombreuses questions arabes, ainsi que des préjugés qui considèrent que tout ce que fait l’Egypte est l’exécution de recommandations américaines et sionistes au service des ennemis, aux dépens de tous les frères. Le plus dangereux est que ces critiques acerbes ne sont plus l’expression d’un différend politique ou idéologique, elles se sont développées au point de déformer l’image des Egyptiens. Ce comportement paraît même intentionné et planifié de la part d’institutions politiques et médiatiques.
Dans ce contexte, il est indispensable d’élaborer une stratégie médiatique influente à laquelle nous assurerons les ressources matérielles et humaines nécessaires pour faire face aux déformations dont est victime l’Egypte avec le plus grand degré de professionnalisme, sinon l’image de l’Egypte restera exposée à de nombreuses déformations et de nombreux malentendus.

Al-Ahram/Hebdo - Semaine du 27 janvier au 2 février 2010, numéro 803 -(Opinion)
 http://info-palestine.net/article.php3?id_article=8063