mercredi 19 août 2009

Un casse-tête pour Israël : comment faire avec l’Iran ?

mardi 18 août 2009 - 07h:54

Ramzy Baroud


Une attaque américaine à grande échelle et l’invasion et l’occupation de l’Iran qui devraient suivre sont tout simplement impraticables, plongeant Israël dans les affres de l’anxiété, écrit Ramzy Baroud.

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Parade militaire à Téhéran, en présence de l’ayatollah Ali Khamenei - Photo : AFP

Les officiels israéliens font face à un problème qui peut demander plus que simplement jouer des muscles pour être résolu. Ce problème est « comment faire avec l’Iran ». La solution à ce dilemme n’exigera rien de moins que de l’ingéniosité politique.

Cela doit être frustrant pour les décideurs israéliens, leurs amis et leurs appuis d’un peu partout de se tenir sur la réserve alors que l’Iran poursuit ouvertement son programme d’enrichissement d’uranium, sans opposition si ce n’est les gesticulations des Etats-Unis et de l’Europe et une vague menace de nouvelles sanctions qui infléchiraient de façon peu probable la résolution iranienne.

Ceci est doublement frustrant, considérant la relative facilité avec laquelle les Etats-Unis et sa modeste coalition ont lancé une guerre contre l’Irak sous les applaudissements israéliens. Hélas, ces jours-là sont passés. Aujourd’hui les Etats-Unis sont impatients de masquer leur échec en Irak en insistant sur la nécessité de livrer des batailles plus pressantes ailleurs, à savoir en Afghanistan.

Indépendamment des raisons ayant poussé les Etats-Unis à s’attaquer à l’Irak et des raisons qui font que leurs objectifs n’ont pas été atteints, les calculs israéliens ont rencontré un étonnant succès en ayant éliminé la menace (supposée ou réelle) irakienne, et le chaos hantera probablement ce malheureux pays pendant les années à venir.

Maintenant c’est au tour de l’Iran. En fait cela a toujours été au tour de l’Iran depuis des années, mais rien ne semble bouger sur ce front. Si l’expérience de l’Irak avait été un succès, les Etats-Unis auraient certainement sauté sur l’occasion et foulé aux pieds l’Iran, un pays riche en pétrole avec une position stratégique cruciale. Le contrôle de l’Iran serait la pièce manquante du puzzle qui repousserait les frontières de la domination et de l’influence des Etats-Unis, verrouillant au besoin les prétentions des géants asiatiques naissants, et naturellement de la Russie. Mais une opération militaire américaine contre l’Iran, dans les circonstances présentes, ne représente rien de moins qu’un suicide militaire. L’Irak a fixé les limites des capacités militaires des Etats-Unis, inspirant les Talibans pour qu’ils imposent à leur tour les leurs. Juillet 2009 est entré dans l’histoire comme le mois le plus meurtrier pour les forces américaines. Ce mortel mois de juillet promet de se répéter souvent car les Talibans et toutes sortes de milices tribales en Afghanistan apparaissent plus forts et plus déterminés [savvier] que jamais.

Une attaque américaine à grande échelle et, inutile de le préciser, l’invasion et l’occupation de l’Iran qui devraient suivre sont tout simplement impraticables. Si une telle imprudence était jamais commise, tout cet enfer se répandrait jusqu’en lrak, vu les solides liens politiques et sectaires qui unissent les deux pays qui partagent par ailleurs une frontière commune illimitée.

Et c’est précisément la source de la frustration éprouvée par les Israéliens qui comptaient sur la générosité militaire américaine pour intimider les ennemis d’Israël, ou même les abattre comme dans le cas en Irak.

La frustration israélienne doit s’être également transformée en franche colère lorsque Hillary Clinton a une fois de plus évoqué la question d’un « parapluie de protection » sur le Moyen-Orient censé le protéger d’un futur Iran nucléarisé. Elle a été citée comme déclarant dans une entrevue avec la télévision thaïlandaise : « Si les Etats-Unis étendent un parapluie défensif au-dessus de la région, si nous faisons bien plus pour développer les capacités militaires des Etats du Golfe, il est peu probable que l’Iran devienne plus fort ou plus sûr de lui car il ne pourra pas intimider [ces Etats] et les dominer comme il semble le croire une fois qu’il disposera d’une arme nucléaire ». La remise sur le tapis par Clinton de l’idée d’un parapluie défensif - idée présentée dans un rapport publié le 4 mars dernier par un groupe de réflexion pro-Israélien, l’Institut de Washington pour la Politique du Proche-Orient (WINEP) - est tout à fait contradictoire avec sa promesse enthousiaste « de rayer totalement de la carte » l’Iran si celui-ci attaquait Israël, alors qu’elle faisait en sorte de leurrer ses partisans lors de la course pour la nomination comme candidate présidentielle l’année passée. Il semble que les Etats-Unis - en dépit de l’usage d’un vocabulaire menaçant - évoluent vers l’idée de vivre avec et de « contenir » un Iran nucléaire, alors que ce n’est pas le cas d’Israël comme on peut s’y attendre.

Le gouvernement d’extrême-droite du premier ministre israélien Benjamin Netanyahu manoeuvre à présent pour imposer une position plus dure des Etats-Unis à l’égard de l’Iran, particulièrement après que la récente déstabilisation interne de la République islamique n’ait pas porté tous les fruits attendus. Ces manoeuvres israéliennes sont à la fois politiques et militaires. Le Times a fait état d’un marchandage où des « concessions » israéliennes sur ses colonies dans les Territoires Palestiniens Occupés seraient échangées contre un assentiment occidental pour une attaque israélienne sur les installations nucléaires de l’Iran. « Israël a choisi de placer la menace iranienne au-dessus de ses colonies, » a déclaré le 16 juillet au Times un diplomate européen de haut niveau.

A ces manoeuvres politiques s’est ajoutée une démonstration de force, deux vaisseaux de guerre et un sous-marin israéliens transportant des missiles et capables de lancer une frappe nucléaire, ayant été autorisés à traverser le canal de Suez égyptien pour la première fois. Ce déploiement sans précédent en Mer Rouge a été interprété comme un signal selon lequel l’Iran est dans la ligne de mire israélienne. Le message, cependant, avait peut-être une signification politique plus profonde puisque Israël serait capable de frapper l’Iran avec la complicité d’alliés régionaux. En d’autres termes, Israël n’est pas vraiment isolé dans ce conflit. Pire encore, si l’on considère les sérieuses tentatives américaines pour affaiblir l’alliance entre la Syrie et l’Iran, le message du canal de Suez était bien plus significatif sur le plan politique, sa valeur militaire restant encore à déterminer.

Sur le plan militaire, les choses ne sont pas très prometteuses, car les manoeuvres militaires israéliennes suivies avec grande attention et menées récemment aux Etats-Unis, ont enregistré peu de succès. Israël a annulé les essais de son système antimissile Arrow suite à des problèmes techniques. Le programme Arrow, à moitié financé par les Etats-Unis, est censé arrêter et détruire des missiles iraniens tels que le Shehab-3.

Alors que l’option militaire des etats-Unis contre l’Iran est en grande partie en train de se dissiper, la frustration et les soucis d’Israël ne font que s’étendre. Si l’Iran n’est pas neutralisé militairement - comme les Etats-Unis l’ont fait avec l’Irak, alors un Iran nucléaire n’est qu’une question de temps. Si Israël frappe l’Iran, il n’y a aucune garantie qu’une telle action - qui portera certainement torts aux intérêts stratégiques américains - supprimerait de quelque façon ou même ralentirait le programme nucléaire iranien.

Les Etats-Unis et leurs alliés européens semblent à court d’idées à propos de « comment traiter l’Iran », laissant Israël dans un grave imbroglio : vivre dans l’ombre d’un Iran nucléaire, devenu puissance régionale à long terme, ou frapper la République islamique avec l’espoir que son régime perçu de façon erronée comme précaire s’effondrera rapidement, laissant les Etats-Unis ramasser les morceaux et la région entière confrontée au chaos qui certainement suivra.

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Ramzy Baroud est écrivain et rédacteur en chef de « PalestineChronicle.com ». Ses écrits ont été publiés dans de nombreux journaux, magazines et anthologies dans le monde entier.
Son dernier livre est The Second Palestinian Intifada : A Chronicle of a People’s Struggle (Pluto Press, London). Et son prochain : My Father Was a Freedom Fighter : Gaza’s Untold Story(Pluto Press, London).

Site Internet :

www.ramzybaroud.net

25 juillet 2009 - Communiqué par l’auteur

Traduction de l’anglais : Claude Zurbach