vendredi 6 novembre 2009

Le rapport qui accuse Israël devant les Nations unies

publié le jeudi 5 novembre 2009

Entretien avec Jean Ziegler
Entretien avec Jean Ziegler, vice-président du comité consultatif du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, alors que le rapport Goldstone est en débat à l’Assemblée générale de l’organisation internationale.

Une assemblée générale extraordinaire des Nations unies a lieu aujourd’hui pour débattre du rapport Goldstone qui accuse Israël et le Hamas de crimes de guerre durant l’offensive sur Gaza en décembre et janvier derniers. Il enjoint aux deux parties de lancer des enquêtes dans les six mois, sous peine de voir engagées des poursuites devant la Cour pénale internationale de La Haye. La résolution présentée par les pays arabes, et qui devrait faire l’objet d’un vote, demande que l’assemblée « requière du secrétaire général qu’il transmette le rapport (…) au Conseil de sécurité ». Les États-Unis et les pays européens devraient s’y opposer.

Le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a adopté une résolution soutenant les recommandations du rapport du juge Goldstone, sans l’accord des pays occidentaux. Que pensez-vous des modalités de cette adoption  ?

Jean Ziegler. Il est scandaleux que les gouvernements occidentaux n’aient pas voté pour cette résolution qui demandait pourtant l’évidence aux deux parties, Hamas et gouvernement israélien, ouvrir des enquêtes sur les crimes constatés dans le rapport du juge Goldstone. Sinon, le Conseil de sécurité devrait transférer le dossier à la Cour pénale internationale (CPI). Sous la pression américaine, les Européens n’ont pas voté. C’est aussi une profonde déception vis-à-vis du gouvernement Obama, qui n’a pas seulement été instrumentalisé par les Israéliens, mais a pris l’initiative  : il a exercé une pression extrême sur Mahmoud Abbas pour que son ambassadeur à Genève s’oppose à la résolution.

Quelle suite peut-on attendre après cette adoption  ?

Jean Ziegler. La résolution adoptée demande que des enquêtes nationales soient menées, notamment sur le terrorisme d’État israélien, et que des procès soient ouverts pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité contre un certain nombre de responsables désignés dans le rapport. Si Israël ne donne pas suite, ce qui est probable, le rapport dit que le Conseil de sécurité de l’ONU doit demander l’ouverture d’une procédure devant le CPI, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre relevant de sa compétence [1]. L’incertitude est la suivante  : les Américains vont-ils opposer leur veto au Conseil de sécurité de l’ONU  ? Le faire reviendrait à ratifier les crimes commis par Israël. Le masque tomberait alors totalement.

En quoi ce rapport et l’adoption de cette résolution constituent-ils, quoi qu’il arrive, une avancée  ?

Jean Ziegler. C’est la première fois qu’une commission d’enquête est acceptée en territoires occupés par le gouvernement israélien. En 2006, après les massacres de Beit Hanoun, la commission dirigée par l’archevêque Desmond Tutu avait été refoulée. Cette fois, les autorités ont dû accepter sous la pression de l’opinion publique, y compris en Occident.

Pendant seize jours, Richard Goldstone et ses collaborateurs ont séjourné et enquêté à Gaza, menant plus de 1 800 entretiens. Le résultat est une formidable masse de documents. Même les ambassadeurs occidentaux à l’ONU, qui n’ont pas voulu adopter la résolution, ont reconnu que c’est un travail extraordinairement précieux et précis.

D’autre part, le rapport a été adopté, le mécanisme est en route. Même s’il se heurtait finalement au veto américain au Conseil de sécurité, il va renforcer l’opposition interne en Israël, aider l’opinion publique mondiale à prendre conscience de l’effroyable tragédie vécue par le 1,5 million de personnes enfermées dans le ghetto de Gaza, et rendre très difficile la poursuite de la politique de soutien de l’Union européenne à la politique d’occupation du gouvernement de Tel-Aviv. Le travail réalisé dans ce rapport a une importance historique. C’est un immense acquis pour la vérité et la justice internationale.

[1] voir aussi associated press

Gaza : l’Autorité palestinienne veut saisir le Conseil de sécurité et la CPI

L’Autorité palestinienne a fait savoir mercredi qu’elle entendait saisir le Conseil de sécurité des Nations unies et la Cour pénale internationale (CPI) sur les crimes de guerre supposés commis lors de la dernière offensive israélienne dans la Bande de Gaza.

L’observateur palestinien à l’ONU, Riyad Mansour, a appelé l’Assemblée générale à adopter une résolution, issue du rapport Goldstone sur l’opération israélienne, enjoignant Israël et les Palestiniens à mener des enquêtes indépendantes sur des violations des droits de l’Homme présumées pendant le conflit à Gaza en décembre et janvier derniers.

Il a toutefois insisté sur le fait que "les agressions et les crimes" d’Israël ne pouvaient être comparés aux "actions menées par la partie palestinienne en réaction".

"Nous sommes déterminés à suivre ce rapport et ses recommandations devant tous les forums internationaux pertinents, parmi lesquels le Conseil de sécurité et la Cour pénale internationale, jusqu’à ce que justice soit faite", a déclaré Riyad Mansour, ajoutant qu’"on ne peut parvenir à la paix sans justice".

L’ambassadrice israélienne à l’ONU, Gabriela Shalev, a, de son côté, déclaré que "le rapport Goldstone et ce débat n’agissent pas pour la paix" mais "nuisent aux efforts pour redonner vie aux négociations dans notre région".

Le rapport Goldstone -du nom du magistrat sud-africain Richard Goldstone qui l’a supervisé- accuse Israël et les Palestiniens d’avoir chacun commis des crimes de guerre lors de l’opération "Plomb durci". Il demande à Israël et aux Palestiniens de mener des enquêtes crédibles et de traduire les éventuels coupables devant leurs tribunaux. En cas de refus, le rapport recommande que le Conseil de sécurité soit saisi et transfère le dossier à la CPI.

Cette hypothèse parait toutefois peu envisageable. Les Etats-Unis, alliés d’Israël, ont en effet déjà fait savoir que le rapport Goldstone n’avait pas vocation à être traité par le Conseil de sécurité, mais par le Conseil des droits de l’Homme, à Genève.

http://fr.news.yahoo.com/3/20091104...

entretien réalisé par Charlotte Bozonnet

publié par l’Humanité

http://www.humanite.fr/2009-11-04_I...