lundi 5 octobre 2009

Les autorités du Hamas dans Gaza vont suivre les recommandations du rapport Goldstone

samedi 3 octobre 2009 - 08h:14

Ma’an News Agency


Les Palestiniens, qui sont les victimes, devraient continuer à faire des concessions ? C’est inacceptable, dit Ahmad Yousef lors d’une longue entrevue avec Ma’an News Agency.

(JPG)
Ahmad Yousef, un des principaux responsables du mouvement Hamas et conseiller du Premier Ministre Ismaïl Haniyeh

Le mouvement Hamas reste critique à l’égard du rapport de la Commission de Goldstone à propos des allégations de crimes de guerre commis dans Gaza, mais il appliquera néanmoins ses recommandations et étudiera les accusations selon lesquelles des groupes de combattants ont violé les règles de la guerre, a déclaré Ahmad Yousef, un des principaux responsables du mouvement Hamas.

Dans une longue entrevue accordée à son domicile dans la ville de Rafah [sud de la bande de Gaza], Yousef a indiqué que bien qu’il soit en désaccord avec la mise en parallèle faite par le juge Richard Goldstone entre les forces d’occupation et la résistance palestinienne, le gouvernement à Gaza , soutenu par le Hamas, « fera de son mieux » cependant pour mener des enquêtes sur les décès de trois civils israéliens.

La réaction de Yousef a été différente de celle d’Israël qui a refusé de coopérer avec la mission exploratoire du juge Goldstone pour le compte des Nations Unies et a fustigé son rapport de 574 pages comme étant partial. Jeudi, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a fait la suggestion que le gouvernement [israélien] puisse créer une commission d’enquête à propos des conclusions du rapports Goldstone.

Le rapport Goldstone faisait partie des dizaines de points abordés durant la longue conversation entre Ma’an et Yousef, lequel assure les fonctions de conseiller pour les affaires étrangères auprès du Premier Ministre du gouvernement de Gaza, Ismail Haniyeh.

Ma’an : Nous avons été choqués de voir quelle dévastation continue de subsister après l’attaque israélienne contre Gaza l’hiver dernier. Que font le Hamas et le gouvernement en place pour avancer dans la reconstruction ?

Ahmad Yousef : Au nom de Dieu, le plus aimable, le plus compatissant... Au commencement, après la guerre nous avons annoncé que nous faisions bon accueil à tous les efforts pour reconstruire Gaza. Nous sommes plus qu’accueillants. Nous n’imposons aucune restriction sur aucun effort qui aille dans cette direction.

Mais sans matériaux il va être difficile de reconstruire. Nous avons essayé de fournir des tentes et des caravanes pour assurer que les gens qui ont perdu leurs maisons soient au moins logées. Vous savez qu’Israël a fermé toutes les portes. Si vous avez l’intention de faire quelque chose, sans ouverture des postes-frontières ce sera en vain. Si la communauté internationale, si l’UNRWA ne peuvent rien faire, alors que pouvons-nous faire ?

Malheureusement le monde n’exerce pas de pression sur Israël pour qu’il ouvre les passages. Chacun crie à qui veut l’entendre qu’il ne peut rien y faire.

Ma’an : À votre avis, que doit faire la communauté internationale ? Où la pression doit-elle être appliquée ?

AY : Ils doivent faire pression sur Israël pour que soit levé le blocus, pour permettre à la reconstruction de commencer.

Ma’an : Vous avez dit que vous n’imposeriez pas de restrictions sur les efforts de reconstruction. Est-ce que cela s’applique aussi à ceux qui viennent du gouvernement de Ramallah ?

AY : Naturellement, si Ramallah a l’intention d’investir une partie de l’argent des donateurs. Ils doivent également coopérer avec les institutions que nous avons à Gaza. Personne ne viendra juste pour remettre de l’argent et des matériaux de construction sans consultation avec les autorités locales. Et je ne pense pas qu’il y ait le moindre problème à cet égard pour coordonner quelque chose avec Ramallah.

Ma’an : Quelle était votre réaction face aux conclusions du rapport de la Commission du juge Goldstone, récemment publié ?

AY : Cela dépend sous quel angle vous regardez le rapport. Si vous regardez le rapport sous une perspective morale et politique vous ne devriez pas blâmer le Hamas ou les groupes qui défendaient Gaza contre l’agression. Les Israéliens ont commencé la guerre, et ils ont fait usage de la technologie militaire la plus avancée que l’homme ait jamais connue pour causer ce genre de destruction à grande échelle. Par conséquent les groupes [de la résistance] sont obligés d’employer tout ce qui est nécessaire et entre leurs mains pour défendre la population.

Le rapport a tenté de tirer un trait d’égalité d’une façon ou d’une autre entre les agresseurs et les victimes. C’est précisément pour cette raison que nous ne sommes pas totalement satisfaits du rapport.

Mais d’une façon générale le rapport a mis en lumière les crimes contre l’humanité commis par les Israéliens, et [les enquêteurs] recommandent aussi aux Nations Unies de faire pression sur les autorités israéliennes pour que soient menées des investigations de façon à amener les criminels devant la justice. Que le rapport soit aussi critique, de façon ou d’autre, vis à vis des Palestiniens, c’est sur cela que nous émettons une certaine réserve. D’un point de vue de « realpolitik », vous pouvez dire, sans crainte de vous tromper que le rapport place sous les projecteurs les crimes israéliens contre les Palestiniens.

Ma’an : Le rapport a également demandé des enquêtes sur des allégations de violations du côté palestinien. Acceptez-vous cette recommandation ?

AY : Nous ferons de notre mieux, aussi. Ils ont mentionné que trois Israéliens ont été tués. C’est très bien. Le Hamas a toujours dit qu’ils visaient les bases militaires. Comme ce sont des armes primitives - les fusées, parce qu’elles sont faites de façon artisanales - peut-être certaines de ces fusées ont manqué leurs cibles, et certaines d’entre elles sont tombées trop tôt.

A nouveau, parce que ce sont des armes primitives, , je pense qu’il est injuste de faire cette comparaison face à nos 6000 blessés et 1400 tués. Et comparer aux Qassams artisanales et aux mortiers dont nous disposons, les armes de pointe israéliennes, les bombes intelligentes, les F-16 et les [hélicoptères] Apaches, c’est comme comparer l’épée avec le bâton.

Ma’an : En juillet, vous avez accordé une entrevue au magazine « The Economist » dans laquelle vous disiez que le Hamas était « prêt à reconnaître Israël. » Plus tard vous vous êtes rétracté et nous en avons rendu compte à Ma’an. Qu’avez-vous voulu dire au juste ?

AY : En fait je n’ai pas fait cette déclaration. J’ai été cité de façon incorrecte dans une entrevue qui n’avait pas été enregistrée. L’interviewer était un des principaux rédacteurs [du journal] et je m’étais attendu à plus de professionnalisme de sa part. Je l’ai appelé à propos de cette citation incorrecte et il était prêt à corriger la déclaration. J’ai publié un autre communiqué clarifiant les choses que j’avais réellement dites.

La question de la reconnaissance n’est pas exigée par le droit international. Il n’y a rien dans le droit international exigeant d’un peuple occupé qu’il reconnaisse son occupant. C’est une demande israélienne unilatérale où ils continuent d’exiger que le Hamas les reconnaissent. Nous, le peuple dont la terre est occupée, nous nous réservons le droit de nous défendre, et l’occupation doit cesser.

La vision politique du Hamas est limpide comme le cristal. Nous avons dit que nous accepterions un état palestinien sur les frontières d’avant 1967. Nous avons dit que nous ne gênerons aucun effort de paix qui conduira à l’établissement d’un État indépendant, libre, avec Jérusalem comme capitale.

Ma’an : Vous voulez dire Gaza, la Cisjordanie et Jerusalem ?

AY : Les territoires occupés et Jérusalem-est pour capitale. Nous pouvons décréter une trêve de 10 à 20 ans. Cela signifie également le droit au retour, parce qu’il est également garanti par la résolution 194 des Nations Unies. Israël doit aussi accepter cette résolution des Nations Unies qui garantit le droit au retour et la compensation pour les réfugiés palestiniens de la Diaspora. Oui.

Ma’an : Il est clair que le Hamas travaille dur pour accéder à la sphère internationale et au processus politique. Nous avons par le passé demandé à Tony Blair pourquoi le Quartet [Russie, Nations Unies, Union Européenne et Etats-Unis] ne traite pas avec le Hamas, bien que Khalid Mesh’al ait indiqué dans une entrevue avec le « New York Times » le même jour, que le Hamas acceptait les frontières de 1967. Il a répondu que le Quartet comprenait cela, que ce n’était pas une question de communication. Comment pourrait-on sortir de cette impasse ? Qui va les amener à changer leur position ?

AY : Je pense que la communauté internationale doit changer d’attitude et faire en sorte qu’Israël adhére au droit international et aux résolutions des Nations Unies. Ce n’est pas aux Palestiniens, qui ont été acculés en permanence dans leurs derniers retranchements de continuer à faire des concessions aux Israéliens car ce sont eux qui ont le dessus. Ils disposent de l’option militaire. Les Palestiniens, qui sont les victimes, devraient continuer à faire des concessions ? C’est inacceptable.

Ma’an : Abordons encore la question de la position du Hamas vis-à-vis d’Israël. Quand vous dites reconnaissance, vous voulez dire la reconnaissance de la légitimité d’Israël et de la légitimité de l’occupation.

AY : Cette question est d’une grande complexité, parce que la question palestinienne a des dimensions religieuses, politiques, morales et juridiques. Il faut tenir compte de toutes ces dimensions. Il n’est pas logique de demander aux Palestiniens, qui ont perdu leur patrie, de reconnaître leur occupant. L’OLP a déjà reconnu Israël, et qu’ont-ils obtenu en échange ? Rien.

Je ne pense pas que les Israéliens aient la moindre intention de résoudre le problème. Les Israéliens gagnent en permanence du temps pour construire toujours plus de colonies en Cisjordanie et pour voler la majeure partie des terres stratégiques, de sorte que nous des Palestiniens n’ayons aucune chance d’avoir un Etat. Les Israéliens volent chaque année plus de terre, installant toujours plus de colonies en Cisjordanie. Déjà plus de 200 implantations coloniales existent en Cisjordanie avec différents nombres d’habitants et cumulant près d’un demi-million de colons.

Si nous nous taisons, dans 10 années il n’y aura plus de Cisjordanie du tout, excepté ces quelques zones extrêmement peuplées, et je ne sais pas ce que [les Israéliens] en feront.

Ma’an : Dans la plate-forme de gouvernement négociée à la Mecque en 2007, vous avez établi une formule où le président Abu Mazen [Mahmoud Abbas] gardait le contrôle du dossier des négociations, et il pouvait ou non négocier avec Israël. Êtes-vous intéressés à remettre sur pied une telle plate-forme ?

AY : Si nous aboutissons dans les entretiens nationaux de réconciliation et si nous avons un gouvernement d’unité ou une coalition avec la participation du Hamas - à coup sûr la question de savoir qui va négocier au nom des Palestiniens sera discutée. Lorsque nous avions un gouvernement d’unité, Abu Mazen avait obtenu ce mandat.

Maintenant que nous sommes divisés, du point de vue du Hamas je ne pense pas qu’il ait ce genre de mandat. Nous devons d’abord définir une plate-forme politique commune, en tant que gouvernement d’unité ou de coalition. [...]

Ma’an : Ainsi, votre position est qu’en raision de la division, parce qu’il n’y a aucun gouvernement d’unité, et avec toutes ces discussions autour de la reprise de négociations, vous dites qu’Abbas n’a pas même la légitimité de parler de négociations ?

AY : Bien sûr, du point de vue du Hamas il n’a pas de légitimité. S’il parle... Abu Mazen a énoncé beaucoup de choses même sans consulter l’OLP. Il pense avoir le droit de faire ce qu’il veut. Du point de vue du Hamas il n’a aucune légitimité.

Au moment où la division s’est installée entre la Cisjordanie et Gaza, Abu Mazen a lancé sa propre initiative et ses propres propositions. Il ne nous a pas consultés, aussi pourquoi devrions-nous lui donner ce genre de mandat. Nous ne savons pas exactement ce qu’il fait.

De ce que nous avons entendu venant d’Abu Ala [le négociateur de l’AP Ahmad Quriea], après tous ces cycles de négociations et après toutes ces étreintes et embrassades avec [l’ancien premier ministre israélien Ehud] Olmert, il apparaît que nous avons obtenu un zéro pointé, aussi pourquoi nous devons compter sur quelqu’un qui a gagné un parfait zéro et qui nous a discrédités comme Palestiniens dans la communauté mondiale, parmi les Arabes et les musulmans en nous disant de façon trompeuse qu’il obtenait quelque chose et que c’était pour cela qu’il embrassait Olmert.

Abbas envoie de mauvais signaux, de notre part à nous comme Palestiniens, vers la communauté internationale... selon quoi quelque chose bougerait, mais si vous regardez et voyez la fin de notre route, nous n’avons n’a pas réalisé notre destin ni toutes les choses dont parle Abu Mazen [Abbas] ... Il n’y a rien qu’il ait vraiment réalisé.

Ma’an : Abu Mazen est-il toujours le président légitime de la Palestine ?

AY : Toujours du point de vue du Hamas, je ne pense pas qu’il faille le considérer comme un président légitime parce que son mandat est arrivé à son terme, et à la lumière de la loi fondamentale [palestinienne] il a perdu cette légitimité. Mais c’est une question controversée ; je ne pense pas qu’il soit utile de continuer à en parler.

Ma’an : Quel est votre point de vue sur la suggestion qu’il y ait de nouvelles élections en janvier ?

AY : Si vous devez avoir des élections, vous avez besoin en premier de la réconciliation nationale. Et quand vous avez la réconciliation nationale, il faut au moins six mois de préparation aux élections pour mettre en place les procédures exigées pour un processus électoral. Je ne pense pas que c’est faisable. Nous sommes maintenant à la fin septembre et nous avons besoin d’au moins deux ou trois mois pour combler le fossé entre le Fatah et le Hamas. Pour préparer le terrain pour des élections vous avez besoin d’au moins de six mois.

Ma’an : Donc ne dont il y a réellement besoin, c’est d’une unité administrative, un cadre institutionnel simple entre la Cisjordanie et Gaza.

AY : C’est exact. Et vous voyez dans la vision égyptienne comment résoudre la fracture, ils ont mentionné qu’ils pourrait être nécessaire d’attendre la mi-2010. Ils comprennent la complexité de la situation : le prochain cycle de négociations, combien de temps durera-t-il ? Les éléments qui sont dans la proposition égyptienne, combien de temps faudra-t-il pour les implémenter ? La réforme des services de sécurité et autres sujets.

Ma’an : Estimez-vous qu’il y a eu un progrès dans les propositions égyptiennes ? Deviennent-elles plus réalistes ?

AY : Je pense que cette fois il y a une lueur d’espoir et de la place pour de l’optimisme, plus que dans les cycles de négociations qui ont précédé. Pendant les entretiens il y avait beaucoup de difficultés et chacun a essayé de surmonter les obstacles, mais je pense que cette fois la vision égyptienne a tenu compte des demandes du Fatah comme de celles du Hamas. J’estime que les Egyptiens tentent de promouvoir une sorte du compromis acceptable aux deux parties. Je pense que nous sommes plus optimistes qu’à tout autre moment qui a précédé.

2 octobre 2009 - Ma’an News Agency - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/eng/ViewDet...
Traduction : Claude Zurbach

http://info-palestine.net/article.php3?id_article=7402