jeudi 15 octobre 2009

Le théâtre sur le nucléaire iranien est censé détourner notre attention

mercredi 14 octobre 2009 - 06h:40

Ramzy Baroud


Récemment les événements mondiaux ont pris un tour intéressant, avec le rapport Goldstone qui a suscité un tollé fin septembre pour être presque complètement éclipsé par la révélation iranienne d’une autre usine nucléaire conformément à des diplomates à Vienne le 25 septembre.

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Cette comédie est destinée à détourner l’attention du rapport de près de 600 pages préparé par le juge Richard Goldstone pour le compte des Nations Unies.

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La menace nucléaire iranienne - quoique théâtre soit un terme qui convient mieux - a été soulignée à plusieurs reprises, d’abord par le président Obama au cours d’un discours à l’ONU le 23 septembre, ensuite par le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou le lendemain. Ce dernier est venu armé de cartes et il a implacablement évoqué le souvenir de l’Holocauste, conformément à un canevas toujours tellement prévisible mais sans âme et trompeur.

Cette comédie était censée détourner l’attention du rapport onusien d’environ 600 pages préparé par le juge sud-africain Richard Goldstone et d’autres, consacré essentiellement aux crimes de guerre israéliens à Gaza.

Confirmant qu’Israël se servait gratuitement d’armes notamment illégales contre une population civile sans défense à Gaza et allant jusqu’à dire qu’Israël a non seulement commis des actes de guerre mais pourrait en fait également avoir perpétré des crimes contre l’humanité, les conclusions du rapport ont toutes été laissées de côté. Le rapport a été vigoureusement rejeté par Netanyahou et ses pairs, méprisé, et enterré en toute arrogance.

En même temps, la déclaration israélienne officielle concernant la pression de l’AIEA sur Israël pour signer le Traité de non-prolifération fut qu’Israël « déplorait » une telle notion. La vanité israélienne est peut-être redondante mais elle est comme toujours exaspérante.

Beaucoup de partisans inconditionnels d’Israël ont accusé la mission Goldstone d’avoir forgé des conclusions avant la clôture des investigations.

Et ainsi une fois encore, Israël a établi sans hésiter qu’il est au-dessus de la loi, réussissant à détourner rapidement l’attention du monde vers la menace plus grande : l’Iran.

Il semble que le président Obama est en train d’apprendre aussi quelques dures leçons concernant l’équilibre des forces entre les Etats-Unis et Israël, négociant à Washington avec le Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas - avec une position ferme sur le gel complet de toute activité d’implantation coloniale, des appels clairs et puissants aux Palestiniens pour qu’ils poursuivent sur la voie diplomatique en dépit du refus israélien de prendre en compte l’option de respect du droit international. Selon les mots de l’écrivain israélien Uri Avnery, « C’est indéniable : au premier round du match entre Obama et Netanyahou, Obama a été battu ».

A partir des leçons de l’histoire, on a du mal à pousser l’optimisme jusqu’à attendre une victoire états-unienne au second round, voire plus tôt, pour ce problème.

Ensuite l’exemple israélien fut imité et Obama le suivit à la lettre. Récemment l’utilisation d’armes illégales contre des civils par Israël, son arsenal de centaines d’armes nucléaires et son refus de considérer un désarmement sont devenus dérisoires comparés à la menace potentielle qui pourrait surgir si l’Iran cherchait une arme nucléaire un jour prochain.

Les paroles d’Obama à Ahmadinejad et au peuple iranien à l’ONU ont été décisives : « Ils vont devoir faire un choix : sont-ils disposés à suivre la voie vers une plus grande prospérité et sécurité pour l’Iran, renonçant à l’acquisition d’armes nucléaires ... ou poursuivront-ils un chemin qui mène à une confrontation ? »

Ceci ne peut manquer d’allumer une guerre verbale, au grand plaisir de Netanyahou et de son gouvernement extrémiste.

Mais l’issue de ce duel excèdera certainement le niveau verbal.

Il semble que la réprimande d’Obama et les déclarations de Netanyahou pourraient effectivement être préjudiciable au Traité de non prolifération (TNP) et en fait à nous tous, en encourageant les nations qui jusqu’à présent ne possèdent pas d’armes nucléaires pour faciliter la création de leur propre arsenal. Après tout, ce que nous a appris cet épisode c’est que les nations qui ne possèdent pas encore d’armes de destruction massive auraient mieux fait de prendre le train en marche et d’en faire, car il semble bien que sans elles, ces nations ne sont guère que des cibles.

Quelle ironie et combien Netanyahou est un beau parleur pour réussir à détourner les yeux, les oreilles et les consciences du monde de ce qu’il a fait, vers la notion dangereuse de ce qu’un autre homme jusqu’à présent marqué par ses seuls discours enflammés pourrait faire un jour dans le futur.

Car au sujet de la croisade d’Ahmadinejed pour l’Iran, il est très possible que finalement ceux qui paieront pour ses audacieuses déclarations seront, comme d’habitude, les Palestiniens qui, après le fléau de l’opération Plomb Durci d’Israël il y a près d’un an, attendent toujours les simples nécessités de reconstruire, manquent toujours d’eau propre et de nourriture de base. Netanyahou a été infatigable pour tirer des parallèles entre l’Iran et Gaza, les présentant tous deux au monde comme d’affreuses menaces contre l’existence du l’Etat juif. S’adressant à l’ONU à New York le 24 septembre dernier, il a encore une fois fustigé l’Iran, prêchant que « La lutte contre l’Iran confronte la civilisation à la barbarie. Le régime iranien se nourrit d’un fondamentalisme extrême. Ce qui commence par des attaques contre les juifs se termine toujours par l’engloutissement des autres. Ce régime incarne les extrêmes du fondamentalisme islamique ».

Des paroles intéressantes venant d’un homme dont la précédente administration et l’administration actuelle pourraient bien affronter la Cour pénale internationale pour leur appui à la perpétration de crimes contre l’humanité.

Devant de tels assertions, on se demande à qui dans le monde on pourra bien se fier et qui on devra craindre.

Mais pour le moment, on ne peut qu’espérer que la communauté internationale rejettera toute tentative d’aveuglement par un Netanyahou marchand-de-peurs et insistera pour une enquête rigoureuse et décisive sur les crimes de guerre présumés à Gaza tels qu’ils sont présentés dans le rapport Goldstone, afin que les vrais coupables et non les coupables imaginaires à Téhéran paient le prix de leurs crimes abominables contre le peuple sans défense de la bande de Gaza.

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* Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est écrivain et publie pour PalestineChronicle. Ses écrits sont publiés par de nombreux journaux, quotidiens et anthologies à travers le monde. Son dernier livre : La Seconde Intifada : une chronique du combat du peuple (Pluto Press, Londres) et son prochain : Mon Père était un combattant de la liberté : l’histoire non dite de Gaza (Pluto Press, London).

1° octobre 2009 - Communiqué par l’auteur
Traduction de l’anglais : Marie Meert