lundi 26 octobre 2009

Le dilemme palestinien

Palestine - 25-10-2009
Par Khaled Amayreh
Chancelant après l’ainsi nommé “scandale Goldstone”, le Fatah s’est lancé dans une nouvelle guerre des mots contre le Hamas, accusant le mouvement islamique de saboter les chances d’une réconciliation palestinienne. La décision de la direction de l’Autorité Palestinienne (AP) de chercher à différer l’adoption du Rapport Goldstone par le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies sur les crimes de guerre israéliens dans la Bande de Gaza, que l’AP a réussi néanmoins à inverser, a créé une tempête sans précédent de critiques parmi les Palestiniens, au pays et en diaspora.



















Un jeune palestinien jette des pierres à une tour de guêt de l'armée israélienne, au checkpoint de Qalandia, près de Ramallah (photo: AFP)


Saisissant le moment, le Hamas a fustigé la direction de l’AP, l’accusant de collusion avec Israël contre les intérêts nationaux palestiniens et arguant que l’AP n’était plus apte à représenter le peuple palestinien et sa cause.

Cette semaine, les dirigeants et les porte-paroles du Fatah ont cherché à régler des comptes avec le Hamas, accusant le groupe islamique d’empêcher et de contrarier les efforts de réconciliation négociés par l’Egypte. Fer de lance des attaques verbales contre le Hamas, le dirigeant Fatah Mohamed Dahlan, membre du Comité Exécutif du Fatah, a accusé le Hamas, au cours de plusieurs visites en Cisjordanie, d’ « être l’otage des Frères musulmans » en Jordanie et en Egypte, et qu’un tel groupe était asservi aux puissances étrangères. Personnalité incontournable de la confrontation Fatah-Hamas, Dahlan a également averti que le Fatah organiserait des élections générales et présidentielles en Cisjordanie avec ou sans l’accord du Hamas. Ahmed Youssef, responsable au Hamas, a rejeté les remarques de Dahlan, les qualifiant de « rhétorique futile ».

« Je pense que nos frères au Fatah devrait mettre fin à leur hystérie verbale et arrêter de fabriquer des accusations contre le Hamas, » a dit Youssef à Al-Ahram Weekly. Il a ajouté que le Hamas attendait des clarifications sur quelques aspects du document de réconciliation. « Nous voulons savoir si la communauté internationale, Quartet compris, accepteront l’accord une fois qu’il sera signé. Nous voulons également savoir si les élections envisagées seront justes et libres, et acceptées par la communauté internationale. »

Interrogé si le Hamas était inquiet d’éventuelles élections unilatérales en Cisjordanie, Youssef a mis en garde contre le fait qu’une telle démarche consoliderait la division entre Gaza et la Cisjordanie. « Je pense que ces déclarations d’Abbas et de Dahlan ne sont que simples ballons d’essai. C’est une sorte de tactique de pression sur le Hamas, et le Hamas ne va pas se laisser intimider par ces jeux stupides. »

Youssef a ajouté que toute élection organisée par le Fatah en Cisjordanie serait boycottée par une grande partie du peuple palestinien. « En outre, il n’y a pas de soutien arabe ou international à une telle démarche, » a dit Youssef. « Si Abbas décidait d’organiser unilatéralement des élections en Cisjordanie, elles seraient plus un référendum sur le Fatah que de véritables élections palestiniennes. »

Pendant ce temps, Moussa Abu Marzouq, chef adjoint du bureau politique du Hamas, a été cité disant lors d’un entretien le mardi 20 octobre, qu’Abbas « ne serait pas en mesure de tenir des élections dans la seule Cisjordanie, et tout ce que nous entendons à ce sujet n’est rien d’autre que des pressions psychologiques sur le Hamas. S’il décidait d’aller de l’avant avec des élections, alors nous avons nos propres choix, et nous les déclarerons en temps voulu. »

Abu Marzouq a dit que le Hamas signerait immédiatement le document de réconciliation si certains termes et stipulations retirés du document étaient réintroduits.

La stipulation que le Hamas reconnaisse Israël et accepte d’honorer les accords passés – en particulier les Accords d’Oslo – signés entre Israël et les Palestiniens, a refait surface comme condition préalable supposée pour la participation du Hamas aux élections.

Cependant, l’écrivain palestinien Hani Al-Masri rejette l’idée d’exclure le Hamas, à la fois destructrice et irréaliste. Il souligne que l’occupation israélienne et l’absence de souveraineté palestinienne font de l’unité nationale palestinienne la condition sine qua non pour réussir l’organisation d’élections.

De plus, Al-Masri argue qu’à la lumière de l’amère expérience des élections de 2006, le Hamas a le droit d’exiger que le résultat de prochaines élections soit respecté, non seulement par le Fatah mais aussi par Israël et par la communauté internationale.

« Pour ces raisons, il est essentiel que l’unité nationale et la réconciliation nationale précèdent l’organisation d’élections. Après tout, elles ne sont en aucun cas une baguette magique qui résoudrait les problèmes du peuple palestinien d’un seul coup. »

En plus des désaccords quant à savoir si les élections doivent précéder ou suivre la réconciliation nationale, le Hamas et le Fatah ont également des divergences sur les objectifs des élections. Le Hamas les considère comme faisant partie d’une plate-forme de résistance globale visant à arracher la liberté et la libération des griffes d’Israël. Le Fatah semble les considérer comme un moyen d’imposer à nouveau son hégémonie sur les masses palestiniennes.

Certains dirigeants Fatah, qui considère le Hamas comme un ennemi stratégique bien plus dangereux qu’Israël, aimeraient se servir des élections pour se venger de l’éviction des milices Fatah par le Hamas à Gaza en 2007. Ce qu’ils semblent oublier, c’est que la tempête entre le Fatah et le Hamas a lieu sous occupation militaire israélienne.

Bien sûr, selon ce que dit Al-Masri, tenir des élections sous occupation israélienne est une hérésie « de notre propre fait » puisqu’elles étaient supposées être un événement ponctuel en vertu des Accords d’Oslo, et conduire à la création d’un Etat palestinien indépendant. Mais par le processus d’Oslo, Israël a continué de contrôler pratiquement tous les aspects de la vie palestinienne, tout en volant plus de terre palestinienne pour l’expansion des colonies exclusivement juives.

En conséquence, de nombreux Palestiniens ordinaires, ainsi que des intellectuels, commencent à questionner la logique de tenir des élections si elles ne doivent pas contribuer à mettre fin à l’occupation israélienne. Dans la mesure où Israël a le dernier mot dans les questions relatives aux élections, il est peu vraisemblable qu’il tolère la participation du Hamas ou autres factions palestiniennes dont l’objectif principal est la fin de l’occupation.

C’est là le cœur du dilemme palestinien.
Source : Al Ahram