jeudi 17 septembre 2009

Est-ce que la Cisjordanie va être assiégée comme Gaza ?

Cisjordanie - 16-08-2009
Par Jonathan Cook
Rappelant les restrictions déjà bien en place à Gaza, Israël a commencé à bloquer les déplacements entre Israël et la Cisjordanie à tout détenteur de passeport étranger, y compris aux travailleurs humanitaires et aux milliers de résidents palestiniens.
Cette nouvelle politique a pour but de forcer les citoyens étrangers de choisir entre une visite en Israël, y compris à Jérusalem-Est qu’Israël a annexé illégalement, et une visite en Cisjordanie. Dans la plupart des cas, se déplacer entre les deux secteurs ne sera plus possible.
























La nouvelle réglementation est une violation des engagements pris par Israël vis-à-vis des gouvernements occidentaux dans le cadre des Accords d’Oslo, engagements qui permettaient à leurs citoyens de continuer à avoir accès aux territoires occupés.

Israël, qui contrôle les registres de population des Israéliens et des Palestiniens, n'a pas laissé entendre qu’il y avait des raisons de sécurité pour cette nouvelle restriction.

Les groupes de défense des droits de l'homme se plaignent du fait que le changement séparera Jérusalem-Est, la future capitale supposée d'un État palestinien, de la Cisjordanie. Cela ajoutera également des pressions sur les familles lorsque l’un des membres, détenteur d'un passeport étranger, voudra quitter la région et cela perturbera l’assistance que les organismes d'aide sont en mesure de donner aux Palestiniens.

Selon les observateurs, cette règle a été mis en place discrètement, il y a trois mois au passage du pont Allenby, la frontière avec la Jordanie, le seul point de passage international pour les Palestiniens de Cisjordanie. Les responsables israéliens, qui contrôlent la frontière, délivrent maintenant aux visiteurs étrangers un visa pour «les Territoires de l'Autorité Palestinienne seulement", ce qui les empêche d'entrer en Israël et à Jérusalem-Est.

Des responsables du Ministère de l'Intérieur disent qu’une politique similaire est en cours d'adoption à l'aéroport international israélien de Ben Gurion, près de Tel Aviv, pour empêcher les détenteurs de passeports étrangers qui arrivent par ce chemin d’accéder à la Cisjordanie.

Depuis longtemps, Gaza n’est plus accessible aux Palestiniens qui n’y réside pas et est fermé à la plupart des Israéliens et des étrangers depuis début 2006, quand Israël a commencé son blocus.

«Il s'agit d'une intensification et d’un affinage de la politique de séparation qui a commencé avec la création des postes de contrôle israéliens en Cisjordanie et avec la construction du mur", a déclaré Sam Bahour, un américano-palestinien vivant à Ramallah, qui dirige la Campagne pour le Droit d'Entrée qui met en évidence les restrictions israéliennes imposées à la circulation des Palestiniens.

"Les gouvernements étrangers comme les États-Unis devraient s’insurger parce que cette règle viole les droits de leurs citoyens en vertu des accords diplomatiques. Jusqu'à présent, ils ont gardé le silence."

M. Bahour, 44 ans, dit que les premières victimes de cette nouvelle politique seront les milliers de Palestiniens vivant à l'étranger qui, comme lui, sont revenus en Cisjordanie au cours de la période la plus optimiste d’Oslo.

Bien éduqués, et souvent avec des carrières bien établies, ils ont été d'une importance vitale tant pour la reconstruction de l'économie palestinienne locale en investissant et en créant des entreprises que pour l'épanouissement d'un société civile naissante en dirigeant des organisations de bien public et en enseignant dans des universités.

Bien que beaucoup d’entre eux se soient mariés avec des conjoints locaux et qu’ils aient élevé leurs enfants en Cisjordanie, Israël a souvent refusé de leur délivrer des permis de résidence, les obligeant à renouveler leur visa de touriste tous les trois mois en quittant temporairement la région, souvent pendant des années.

M. Bahour dit que le dernier changement de réglementation doit être compris comme une mesure faisant partie d’un ensemble de restrictions imposées par Israël qui étranglent la vie normale des Palestiniens.

En plus du mur et des checkpoints, dit-il, Israël a régulièrement expulsé des «étrangers», des Palestiniens et des travailleurs humanitaires, qui arrivait dans la région ; il a refusé la réunification des familles pour empêcher des couples palestiniens de vivre ensemble ; il a souvent annulé le droit de résidence des Palestiniens qui étudient à l'étranger pendant de longues périodes, et il a confisqué les carte d’identité de Jérusalem aux palestiniens afin de les pousser à vivre en Cisjordanie.

Début 2006, M. Bahour, qui est marié et père de deux filles, avait été affecté par un autre changement de réglementation quand Israël a refusé de renouveler les visas de touristes aux Palestiniens ayant des passeports étrangers, les forçant à se séparer de leurs familles en Cisjordanie.

Après un tollé international, Israël a annulé cette politique, mais a insisté pour que les Palestiniens comme M. Bahour demandent des autorisations auprès des autorités militaires israéliennes pour rester en Cisjordanie.

"Cette dernière règle, comme la précédente, s'inscrit dans l'objectif global d'Israël de "nettoyage ethnique", a t-il ajouté. "Israël rend la vie de plus en plus difficile pour inciter les Palestiniens qui le peuvent, comme ceux qui ont des passeports étrangers, à partir."

M. Bahour dit que les nouvelles restrictions sépareront encore plus la Cisjordanie de Jérusalem, le centre de la vie culturelle et commerciale de la Palestine.

Du jour au lendemain, dit-il, son entreprise de conseil à Ramallah a perdu un quart de ses clients – tous de Jérusalem-Est - parce qu'il a désormais l’interdiction de quitter la Cisjordanie.

Il a perdu ses privilèges limités le mois dernier quand il a enfin reçu des papiers d’identité palestiniens. Il a dit qu'il avait été forcé de prendre cette carte d'identité, qui remplace son passeport américain aux yeux des autorités israéliennes, pour éviter le risque d'être expulsé.

"Cette carte d’identité m’est agréable mais aussi amère. Cela signifie que je ne peux pas être séparé de ma famille ici, mais cela signifie aussi que mon passeport américain n'est pas reconnu et que je suis maintenant soumis aux bouclages et aux arrestations comme les Palestiniens ordinaires."

Sari Bashi, une avocate de GISHA, une organisation israélienne qui conteste les restrictions imposées aux déplacements des Palestiniens, a déclaré que la nouvelle politique était un gros problème pour les organisations humanitaires, ainsi que pour les étrangers travaillant dans des organisations de bien public et des institutions universitaires palestiniennes.

"Beaucoup d'organisations d'aide travaillant en Cisjordanie ont leurs bureaux et leurs équipes à Jérusalem-Est et même en Israël, et il est difficile de voir comment ils vont s’en sortir face à cette nouvelle restriction."

Elle a déclaré que le personnel de grandes organisations internationales comme l'Organisation des Nations Unies pour les Réfugiés, l'UNRWA, et son département humanitaire, OCHA, s'était vu refuser l'entrée à l'aéroport Ben Gourion, après avoir déclaré qu'ils travaillaient en Cisjordanie.

"Quand Israël empêche l'accès à une zone, cela pose la question de savoir ce qui s'y passe», dit-elle. «Qu'est-on empêché de voir?"

Les groupes des droits de l'homme sont également préoccupés par la formulation de la nouvelle restriction, qui limite les citoyens étrangers aux "Territoires de l’Autorité Palestinienne". L’Autorité Palestinienne ne gère qu’environ 40% de la Cisjordanie. Ces groupes craignent qu’à l'avenir, Israël cherche à empêcher les étrangers de se déplacer entre les enclaves de Cisjordanie contrôlées par l'Autorité Palestinienne et les 60% sous contrôle israélien.

Guy Imbar, un porte-parole du coordinateur des activités du gouvernement israélien dans les Territoires, a déclaré que la phrase faisait référence à la totalité de la Cisjordanie.

Mais Jeff Halper du Comité israélien Contre les Démolitions de Maisons a mis en garde: "Compte tenu des antécédents d'Israël, il faut se méfier que cette restriction soit réinterprétée à une date ultérieure."
Traduction : MG pour ISM