jeudi 6 août 2009

Israël ; Lieberman sur un siège éjectable

publié le mercredi 5 août 2009

Stéphane Amar
Possible inculpation pour corruption du ministre ultranationaliste.

Cela commence à sentir le roussi pour Avigdor Lieberman. La police israélienne vient de recommander l’inculpation du très populiste et très contesté ministre des Affaires étrangères. La liste des faits qui lui sont reprochés est longue : blanchiment d’argent, corruption, fraude fiscale et obstruction à la justice. En tout, les malversations porteraient sur 10 millions de shequels (1,9 million d’euros). Et encore, les enquêteurs affirment avoir volontairement écarté une bonne partie des charges afin de ne pas alourdir le dossier et compromettre la tenue d’un procès à court terme. L’avocat de Lieberman se retrouve également dans le collimateur des policiers, soupçonné d’avoir supervisé les opérations de blanchiment. Quant à la fille du ministre, Michal, elle pourrait aussi être inquiétée pour avoir été l’administratrice d’une société écran destinée à financer les campagnes électorales de son père.

Le sort d’Avigdor Lieberman est désormais entre les mains du puissant Menahem Mazouz, le conseiller juridique du gouvernement. Après avoir examiné les éléments réunis par la police, il devra prononcer, ou non, l’inculpation du ministre. Arguant que la durée de la procédure - treize ans - prouve la fragilité du dossier, Lieberman affichait hier sa sérénité : « Durant ces treize dernières années, la police a mené une campagne contre moi, et plus mon pouvoir politique et celui d’Israël Beiteinou [Israël Notre Maison, ndlr] grandit, plus leurs efforts pour m’écarter de la vie publique s’intensifient. Mais je serai encore là l’an prochain et même dans deux ans. » En cas d’inculpation, Lieberman s’est engagé à démissionner et à renoncer à son mandat de député. Pas question en revanche de forcer son parti à quitter la coalition gouvernementale. Les quinze députés d’Israël Beiteinou continueront de soutenir le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Et c’est Dany Ayalon, un proche de Lieberman, qui le remplacera aux Affaires étrangères en cas de démission.

Sur la touche. « Cette stratégie présente un double avantage pour Lieberman. Soit il est sûr de lui et il fera un retour triomphal au gouvernement une fois blanchi. Soit il est inculpé et il évite à son parti de plonger avec lui », analyse Denis Charvit, professeur de sciences politiques à l’université ouverte de Tel-Aviv. L’éventuel départ d’Avigdor Lieberman du gouvernement ne devrait pas modifier la politique étrangère du pays. Mal vu par les Américains en raison notamment de son hostilité envers les Arabes israéliens, l’ultranationaliste a été mis sur la touche dès son entrée au gouvernement par Nétanyahou. Cantonné à de la figuration diplomatique, il laisse le ministre de la Défense, Ehud Barak, discuter avec les Américains ou avec les dirigeants égyptiens.

Né en Moldavie dans l’ex-Union soviétique, Lieberman a immigré en Israël au début des années 80. Il a débuté sa carrière politique au Likoud, dans l’ombre de Nétanyahou, avant de fonder son propre parti. Très populaire dans la communauté russophone, il prône la fermeté à l’égard des Palestiniens et préconise un accord de paix basé sur un échange de territoires avec l’Autorité palestinienne : les régions de Galilée où vivent la plupart des Arabes israéliens (20 % de la population du pays) contre les principales colonies juives de Cisjordanie. « Selon moi, Lieberman a surtout commis un délit de sale gueule, juge Eddy Nitsan, un fervent partisan d’Israël Beiteinou. La classe politique israélienne ne l’aime pas parce qu’il est russe, qu’il est antipathique et qu’il est en avance sur son temps. Mais quoi qu’il arrive, son parti sortira renforcé car ses idées connaissent un succès croissant dans l’opinion. »