jeudi 6 août 2009

GAZA : LE CRI D'ALARME ET DE DÉSESPOIR DE JANE

Interview réalisée par G. M. H. S.
mercredi 5 août 2009, par : Rédaction Enfants de (la) Palestine,

LE CRI D'ALARME ET DE DESESPOIR DE JANE QUI A VU DES PRATIQUES QUE MÊME LES PIRES DES NAZIS N'ONT PAS EXPÉRIMENTÉES.

"l'enfermement est totale à la frontière de Gaza où nous pouvons constater la déshumanisation de la civilisation des « héritiers pharaoniques »

"Le voyage sur Mars ou Jupiter semble être plus aisé que le voyage du Caire à la frontière de Rafah (moins de 500 km) ?

Jane revient, choquée et en colère, de la frontière de Rafah, d'un camping forcé de trois semaines dans le désert du nord du Sinaï.

MHS : "Jane, dis-moi, ce qui t'a le plus choqué lors de ce séjour à la frontière égyptienne ? Tu nous envoyais quelques SMS pour nous alerter et demander aux militants de te rejoindre. Nous sentions que tout cela était dramatique mais nous ne comprenions pas ce qui se passait réellement. Peux-tu nous en dire plus ?"
- Jane : "Je voudrai faire une première remarque : Je connais le terrain depuis de nombreuses années. La construction de cette autoroute qui va du Caire à Rafah et qui n'existait pas il y a deux ans m'a surprise. Toutes ces superbes et spacieuses villas de quatre et cinq étages, avec des portes en fer forgé dignes d'un château et toutes ces voitures luxueuses et flambant neuf, qu'on ne voit même pas au Caire ni à Alexandrie, me laissent pantoise.

Le jour même de mon arrivée, j'avais du mal à retrouver mes repères avec l'extension de la ville et les constructions. De l'unique rue commerçante de la ville d'Al Arich qui ne contenait pas plus de vingt commerces, ce petit village est devenu une zone commerçante n'ayant rien à envier aux grandes métropoles. En voulant faire mes courses pour les copains et copines avant de les rejoindre à Rafah, j'ai observé sur les étalages, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur des magasins, des produits et marchandises provenant de tous pays, qui se vendaient sur la place au vu et au su de tous.

Je me suis fait la remarque suivante : « Ces mêmes produits ne se trouvent pas d'habitude dans les commerces égyptiens et pour moi, c'était quelque chose d'inhabituel ».

GMHS : "Sais-tu d'où viennent tous ces objets ?"
- Jane : "Ils viennent souvent de l'aide internationale pour Gaza qui ne peut être achaminée et reste bloquée à la frontière parce que l'entité sioniste ne donne pas le feu vert pour le passage"

GMHS : Tu m'as parlé des barrages sur la route entre Le Caire et Al Ariche, peux-tu noue expliquer en quoi consistent ces barrages ?
- Jane : "Suite à mes prises de contact avec les locaux et la rencontre de Palestiniens venant de divers coins du monde afin de rentrer chez eux pour soutenir leurs familles, j'ai appris l'existence des barrages entre Al Arich et la frontière de Rafah distants de moins de cinquante km… Cinq barrages qui permettent aux gens de la sécurité de refouler en priorité les Palestiniens en direction du Caire sachant qu'ils ne passeront jamais le barrage du « Pont de Moubarak pour la Paix » à Ismaïlia.

Les Palestiniens font la navette d'Al Arich et Le Caire pour ceux qui quittent Gaza pour se soigner et Al Arich pour ceux qui veulent rentrer chez eux. Les prix des taxis qui ne coûtaient qu'une livre 50 est monté jusqu'à 300 livres par personne. Quant aux bagages, c'est cinquante livres par bagage. Les locations modestes que les Palestiniens pouvaient obtenir pour 10 livres par nuit ont commencé à augmenter à cinquante livres une semaine avant la prévision de l'ouverture de la frontière. Deux jours après, ça a grimpé à 100 livres et je vous laisse imaginer l'escalade des prix, concernant en particulier les Gazaouis handicapés, démunis de tout, rescapés des bombes au phosphore blanc, dont un certain nombre d'entres eux , vu leur état, n'ont que peu de temps à vivre.

GMHS :" Tu parles de racket organisé par certains services égyptiens, peux-tu préciser" ?
- Jane : "C'est l'exploitation de la misère grandeur nature. Beaucoup de Palestiniens décèdent à la frontière. Officiellement, il y a près de 350 malades décédés à la frontière de Rafah parce qu'ils ne peuvent plus de déplacer, manquant de moyens financiers.

L'augmentation de ces prix a même fini par exacerber une partie de la population égyptienne qui pourtant est la seule à tirer bénéfice de tout ce racket.

C'est grâce à mon expérience et à ma connaissance du terrain que j'ai pu arriver à la frontière en un seul voyage alors que le chauffeur de taxi a tout fait pour attirer l'attention des gens de la sécurité sur moi à chaque barrage, de manière à me faire refouler à Al Arich, comme cela était arrivé à nombre de mes compagnons et surtout aux Palestiniens.

J'ai fini par détecter les chauffeurs de taxi qui travaillaient avec le gouvernement égyptien et le représentaient sur place. ( connaissant les pratiques de ce pays, je m'interroge sur le partage du gâteau). Ce fut avec joie que je fus accueillie par mes honorables et néanmoins généreux compagnons, venant des USA : Don, Hélène et Paki, et Imane ma chère amie du Caire dont la présence fut si réconfortante.

GMHS : "Comment les services égyptiens traitent ils les militants du "« Mouvement mondial pour l'ouverture permanente et définitive de la frontière de Rafah " ?
- Jane : "Le harcèlement a commencé par les agents des services secrets égyptiens qui venaient relever les identités des membres du « Mouvement mondial pour l'ouverture permanente et définitive de la frontière de Rafah » de manière continue car, prétendent-ils, qu'il n'y a aucun contact d'un service à un autre… Donc nous avons joué à répétitas identitas. Nous les avons aidé à traduire les identités en arabe ! ! !

GMHS :"Donc d'après toi, l'enfermement de Gaza est total et ceci depuis les bombardements de janvier 2009. Je comprends mieux ta colère et l'insistance des ceux et celles qui campent à la frontière de Rafah afin de faire venir le plus de monde possible pour faire ouvrir cette satanée frontière qui est la seule bouffée d'oxygène dont disposent les Palestiniens".
- Jane : " Cet enfermement est illégal et contre tout principe d'humanité décrété et accepté par les prétendus pays démocratiques.

Il y a une chose que je ne pourrai jamais oublier ni accepter : c'est que les armes qui ont servi à massacrer, tuer, et atteindre grièvement et ce de manière incurable les Palestiniens, et toute les populations voisines, en contaminant la terre, les eaux et le ciel, pour plusieurs générations à venir, ont été fournies par des pays dits "démocratiques". Ces fameux pays, (y compris le mien) défendant les droits de l'homme ont créé de toute pièce cette quatrième puissance mondiale en armement massif et destructeur. Ils ont semé la désolation avec l'argent des populations au moment où la terre entière subit la crise économique la pire de notre histoire.

Le 26 juin au soir, la frontière qui n'a pas été ouverte depuis quarante jours devait l'être ce jour-là. Beaucoup de Palestiniens ont commencé à arriver à la frontière, les barrières ont été mises à 500 mètres. Après briefing, l'armée et la sécurité égyptienne jubilaient d'avance de la bastonnade qu'ils allaient mettre aux Palestiniens le lendemain et l'un d'entre eux s'en est vanté ouvertement auprès de notre goupe ce qui nous a alerté.

J'ai briefé le reste du groupe sur le fonctionnement et les méthodes utilisées par la sécurité égyptienne, police armée ou civile, les dégâts provoqués et causés volontairement quand on sait que certains Palestiniens ont parfois séjourné pendant une période de deux mois dans des hôtels faute d'avoir obtenu l'autorisation pour rentrer chez eux. On oublie toujours que l'ordre de passage de Rafah à l'entrée ou à la sortie de Gaza est lié au bon vouloir de Tel Aviv.

Je m'interroge : Est ce qu'ils essaient toujours de nous faire croire, que c'est un problème inter-palestinien (Fatah, Hamas) alors que c'est l'entité sioniste qui supervise tout et tout seul.

Le lendemain matin, les gros bras sont arrivés, armés de gros bâtons. Ils ont poussé les Palestiniens derrière les barrières comme du bétail, de manière à créer des incidents et des drames. Tout cela était planifié par les officiers égyptiens depuis la veille. Il s'agissait le plus souvent de vieillards, de mères accompagnées d'enfants, de malades handicapés portant prothèses au niveau des jambes et des bras, de diabétiques, dont une femme avec un taux de 4g35 qui nous a demandé assistance, des cardiaques, de cancéreux , des personnes opérées récemment et souvent lourdement. C'était un véritable cauchemar, qui nous marquera très longtemps.

Nous lançons cet appel :
- "PEUPLES DE L'UNIVERS QU'ATTENDEZ-VOUS POUR VOUS RÉVEILLER ?
- NOUS NE POURRONS PAS DIRE NOUS NE SAVIONS PAS.
- PLUS DE SOIXANTE ANS NOUS ENTENDONS ET NOUS LISONS PLUS JAMAIS çA. ET LE çA SE RÉPÈTE ET EN PIRE…
- LE GROUPE QUI S'EST CONSTITUÉ A TRAVERS LE MONDE ET A CRÉE LE "MOUVEMENT MONDIAL POUR L'OUVERTURE PERMANENTE ET DEFINITIVE DE LA FRONTIÈRE DE RAFAH" EST DETERMINÉ A CONTINUER JUSQU'A CE QUE JUSTICE SOIT OBTENUE.
- NOUS VOUS DEMANDONS DE NOUS REJOINDRE AFIN DE SAUVER UN PEUPLE EN DÉTRESSE".

GMHS : Est-ce que tu retourneras dans ce campement ?
- Jane : Évidemment et le plus vite possible. Nous ne pouvons abandonner nos frères et sœurs palestiniens.

Paris 22 juillet 2009