lundi 29 juin 2009

Une famille palestinienne prise au piège d’un imbroglio bureaucratique


La famille al-Kafarna ne peut pas renouveler ses passeports américains à cause du blocus israélien sur le bande de Gaza.                                                                                              Mohammed Abed/AFP
La famille al-Kafarna ne peut pas renouveler ses passeports américains à cause du blocus israélien sur le bande de Gaza. Mohammed Abed/AFP
REPORTAGE Suite au blocus de Gaza, Kamal al-Kafarna et les siens ne peuvent renouveler leur passeport américain.

Impossible de sortir de Gaza sans renouveler leur passeport américain, impossible de renouveler leur passeport sans sortir de Gaza : c'est la situation kafkaïenne à laquelle se trouvent confrontés Kamal al-Kafarna et les siens. Il n'est pas le seul dans ce cas, tant il s'avère difficile sinon impossible pour des Palestiniens, y compris ceux disposant d'une double nationalité, de quitter ce territoire soumis depuis deux ans à un strict bouclage israélien.
Ingénieur de 33 ans, Kamal, un citoyen américain qui professe son horreur de la violence, a compris qu'il était temps de partir lorsqu'un jour son fils Élias, âgé de cinq ans, est revenu à la maison en chantant « Je veux être un martyr, je veux aller au paradis. » Il suppose que l'enfant a entendu ce slogan dans les rues de Beit Hanoun, une localité proche de la frontière israélienne qui été particulièrement frappée durant la dévastatrice offensive israélienne de décembre-janvier. « Il ne sait même pas ce que ces mots veulent dire. Mais dans quelques années, il comprendra », s'inquiète Kamal, qui a décroché un contrat en Russie et compte bien prendre avec lui Élias et son frère aîné Qassem, âgé de six ans.

Or c'est impossible aussi longtemps qu'Élias et Qassem ne se seront pas rendus avec leur père au consulat américain de Jérusalem pour renouveler leur passeport. « C'est une situation kafkaïenne », estime Sari Bashi, la directrice du centre israélien Gisha pour la liberté de circulation, qui a présenté un recours devant un tribunal israélien pour permettre à la famille de sortir. « Il n'y a aucune chance pour que les autorités israéliennes prennent en compte une telle requête aussi longtemps qu'elle ne provient pas du consulat américain, qui s'y refuse », affirme-t-elle.
Dans ce cas, les consulats étrangers doivent également fournir une escorte diplomatique exigée par Israël pour le transit à travers le territoire israélien. Le consulat américain ne fournit que rarement une telle assistance destinée premièrement à des étudiants détenteurs d'une bourse se rendant aux États-Unis. Le consulat s'est refusé à tout commentaire à propos du cas de la famille Kafarna, se bornant à indiquer qu'il ne pouvait fournir qu'une aide consulaire limitée à Gaza à cause de problèmes de sécurité. Le département d'État ne permet pas en effet à ses diplomates de circuler à Gaza suite à une attaque meurtrière menée en 2003 par un groupe radical palestinien contre un convoi américain.
Régulièrement, des agences onusiennes et des ONG appellent Israël à mettre fin au blocus de la bande de Gaza, un territoire surpeuplé et misérable dont la population dépend largement de l'aide venue de l'étranger. Selon ces organismes, les sanctions affectent une population de plus de 1,5 million d'habitants, notamment des femmes, des enfants et des vieillards, qui en sont les premières victimes.
Kafarna ne se décourage pas pour autant et va présenter une nouvelle demande de visa pour la Russie, celui qu'il avait obtenu ayant expiré le mois dernier. « Je veux que mes fils puissent vivre hors d'un tel environnement, dit-il. J'ai réussi à y survivre. Je ne suis pas certain qu'eux y parviendront. »

Joseph KRAUSS (AFP)