dimanche 30 mars 2014

Le fascisme ordinaire d’un ministre israélien

Blogs Diplo, Alain Gresh, samedi 29 mars 2014
Même le Front national n’a pas osé pro­poser un plan d’expulsion des Français arabes. Le ministre des affaires étran­gères israélien si. M. Avigdor Lie­berman a demandé à ses ser­vices juri­diques d’étudier la pos­si­bilité d’un transfert des citoyens arabes israé­liens. Cet homme, que n’importe quelle démo­cratie euro­péenne clas­serait à l’extrême droite et qui, s’il était ministre d’un pays européen, serait boy­cotté par ses homo­logues, n’est, dans la confi­gu­ration israé­lienne actuelle, même pas le ministre le plus à droite d’Israël. "Lire « Une extrême droite qui n’exècre pas l’islam dans Le Monde diplo­ma­tique d’avril 2014."Il est sur­passé, si l’on peut dire, par le parti de Naftali Bennett, le Foyer juif. C’est ce gouvernement-​​là que François Hol­lande ménage, c’est cet Israël-​​là dont il « chante l’amour ».
Dans un édi­torial publié le mer­credi 26 mars, le quo­tidien Haaretz donne quelques pré­ci­sions sur les agis­se­ments de Lie­berman et exprime une indi­gnation que l’on n’a entendue ni dans les médias ni au sein du gou­ver­nement français :
« Le ministère des affaires étran­gères a préparé un avis juri­dique auto­risant le transfert des régions israé­liennes du Tri­angle et de Wadi Ara à majorité arabes à un Etat pales­tinien, si un tel Etat voyait jamais le jour. Dans son avis, rap­porté hier par Barak Ravid dans Haaretz, le conseiller juri­dique du ministère Ehud Keinan écrit que ce serait légal selon le droit inter­na­tional, sous cer­taines conditions.
(…) Le simple fait que le ministère des affaires étran­gères discute du transfert d’une partie de la popu­lation à l’extérieur des fron­tières de l’Etat d’Israël pour des raisons eth­niques et natio­na­listes est inac­cep­table dans son principe.
Le fait qu’un ministère soit engagé dans la pro­motion d’un plan d’échange de popu­lation, ce qui signifie le transfert, en raison de leur appar­te­nance eth­nique, de cen­taines de mil­liers de citoyens du ter­ri­toire israélien sou­verain à la sou­ve­raineté d’un autre pays, envoie un message extrê­mement grave à la popu­lation arabe d’Israël — environ un cin­quième de la popu­lation totale du pays. Le ministre des affaires étran­gères, et main­tenant son ministère, disent aux citoyens arabes de l’Etat d’Israël qu’ils ne sont pas les bien­venus, et que leur citoyenneté est tem­po­raire et conditionnelle.
(…) Le plan de Lie­berman, comme l’avis émis par le conseiller juri­dique de son ministère, a un seul but : trans­former Israël en un Etat eth­ni­quement et reli­gieu­sement pur. Par consé­quent, l’objectif de ce plan ne peut pas être décrit autrement que comme un net­toyage eth­nique — même s’il n’est pas réalisé par la force des armes.
Le plan et l’avis juri­dique qui l’autorisent doivent être rangés immé­dia­tement dans les tiroirs. La minorité arabe conti­nuera à faire partie d’Israël, et l’Etat doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour les intégrer, au lieu d’essayer de les en faire sortir. »
Le gouvernement français osera-​​t-​​il dire la même chose à ses amis israéliens ?