mercredi 5 novembre 2014

Les veuves Palestiniennes perdent leurs droits

Ville de Gaza, Bande de Gaza – Agée de 24 ans, Wafaa menait une vie de couple heureuse et harmonieuse jusqu’à ce que la dernière guerre israélienne sur Gaza vienne lui arracher son époux.

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Une femme et une fille Palestiniennes déposent des fleurs sur les tombes des membres de la famille dans un cimetière de la ville de Gaza, le 28 juillet 2014, durant la fête d’Eid al-Fitr (Photo REUTERS/Finbarr O’Reilly)
Le drame est survenu lorsqu’un immeuble du quartier Sheikh Radwan au nord de la Ville de Gaza a été ciblé, transformant et l’immeuble et la jeune femme et son môme d’un an en décombres et destruction, livrés à eux-mêmes face à un avenir incertain, et un présent sans protection ni sécurité.
Wafa qui, pour des raisons de protection de sa vie privée, a demandé que son nom de famille ne soit pas dévoilé a confié à Al-Monitor : « La vie était belle et avait un tout autre charme avec mon époux Assim. Cela fait deux mois qu’il est mort mais je n’arrive pas à m’en remettre, je me sens encore triste et angoissée surtout que maintenant, je dois poursuivre le chemin toute seule, entourée de problèmes et soumise aux regards de toute la société. »
Pour rappel, la guerre israélienne sur Gaza a entrainé la mort de 2127 Palestiniens, dont 544 enfants et 302 femmes. Quant aux veuves, et même s’il n’y a pas de statistiques officielles, il faut dire que leur taux dans la Bande de Gaza a considérablement augmenté après la récente guerre.
D’après Amal Syam, Directrice Exécutive du Women’s Affairs Center « Les veuves sont confrontées à de nombreux problèmes, à commencer par le fait d’avoir perdu le soutien de famille et la source financière. Les femmes entrent en conflit avec leurs beaux-pères au sujet de l’héritage et de la pension mensuelle. Et ce n’est pas tout, les veuves sont parfois contraintes d’épouser leurs beaux-frères si elles veulent la protection et la sécurité. »
Et c’est justement le cas de Wafaa. La jeune femme explique que les problèmes qu’elle rencontre sont essentiellement liés à sa belle-famille qui exerce une pression sur elle en lui demandant de choisir entre épouser son beau-frère, vingt ans son aîné et déjà marié, et leur confier son fils et retourner vivre chez son père à elle. Elle a noté qu’en l’absence de solutions, elle se retrouve devant un dilemme ; perdre la garde de son fils ou épouser un homme contre son gré.
Elle explique que sa belle-famille justifie le choix du mariage avec le beau-frère par la protection et la sécurité qu’il va lui procurer, ainsi qu’à son fils. Mais pour elle, cette condition vise à mettre la main sur l’aide financière qu’elle reçoit d’une association caritative qui soutient les familles des martyrs. L’aide mensuelle est estimée à 900 shekels, soit $240.
Maram est âgée de 27 ans. Elle a perdu son mari durant la guerre israélienne sur Gaza de 2008. En souhaitant, elle aussi, garder son nom de famille anonyme, elle a raconté à Al-Monitor : « En perdant mon mari, j’ai également perdu le respect des gens. Ils ont commencé à me regarder de haut pour ensuite me priver de mes droits d’héritage et d’encaissement de l’argent alloué aux familles des martyrs. »
De son union avec son défunt mari, Maram a eu un seul enfant. Elle explique que l’OLP offre chaque mois la somme de 1000 shekels ($266) aux familles des hommes tués. Toutefois, sa belle-famille a décidé qu’elle n’avait pas le droit de toucher à cet argent, tout en lui donnant seulement $55 par mois.
Elle raconte qu’au bout d’une anné après la mort de son mari, un homme a demandé sa main au mariage. Sa belle-famille lui a clairement notifié que si elle acceptait de l’épouser, elle devra renoncer à ses droits à l’héritage et perdra par conséquent la garde de son enfant.
« C’est illégal, notamment aux yeux des tribunaux locaux. Cependant, lorsque j’ai pensé à avoir recours aux tribunaux, mon beau-père m’a menacée de me priver de la garde de mon enfant. Cela m’a tellement terrorisé que j’ai fini par abandonner l’idée d’entamer une action en justice et d’épouser un autre homme. Je me suis contentée du montant que ma belle-famille nous donne, mon fils et moi, même si de par la loi, je pourrais obtenir beaucoup plus, » se plaint Maram.
D’après le Bureau Central Palestinien des Statistiques [Palestinian Central Bureau of Statistics] pour l’année 2013, dans la Bande de Gaza et en Cisjordanie, 56.9% de femmes âgées de plus de 15 ans étaient mariées, tandis que 33.2% ne l’ont jamais été et 5.8% sont devenues veuves. Cette dernière estimation n’inclut pas les nouvelles veuves de la récente guerre sur Gaza.
« Nous sommes tombés sur des cas où des veuves acceptent d’épouser leurs beaux-frères. Ces derniers commencent graduellement par les priver de leurs droits. Lorsque les nouveaux époux s’assurent que ces femmes ont perdu tous leurs droits, ils les répudient, » déclare Syam.
Pour sa part, Omar Nawfal, président de la Cour d’Appel de Gaza, a évoqué les litiges féroces opposant la veuve et son beau-père au sujet des biens et propriétés du défunt. « C’est une question controversée que nous rencontrons assez souvent en raison de l’augmentation du nombre des martyrs compte tenu des guerres qui s’abattent sur Gaza, » estime-t-il.
Il a par ailleurs informé Al-Monitor que la loi Palestinienne régit les droits de tous les héritiers, y compris la veuve qui a reçu des droits justes et équitables. Il a ajouté : « Cependant, la réticence des veuves à recourir aux tribunaux engendre la perte et l’abandon de leurs droits. »
Et de poursuivre : « La loi prévoit plusieurs droits pour les veuves. Le premier étant son droit de recevoir son muakhar, c’est-à-dire la dot différée mentionnée dans le contrat de mariage. La veuve a pleinement le droit de demander cette dot au père de son mari, mais la plupart des veuves connaissent mal leurs droits. De plus, la loi sur l’héritage précise que la veuve est en droit de recevoir le quart de l’héritage. En outre, la veuve est en droit de toucher, à vie, la moitié du salaire de son mari décédé ; néanmoins, elle perd ce droit lorsqu’elle épouse un autre homme. »
Syam et Nawfel sont d’accord sur l’absence d’une conscience culturelle qui encourage le recours aux tribunaux pour revendiquer ses droits. « Cette culture est peu commune et inhabituelle chez les veuves qui pensent que cela représente une exception à la règle et un éloignement des coutumes et traditions. Celles qui s’arment de courage et vont au tribunal réclamer leurs droits se comptent sur les doigts de la main, » ajoute-t-elle.
Elle estime que la loi palestinienne gère les droits des veuves en termes généraux mais certainement pas de manière spécifique. « La loi palestinienne ne parvient toujours pas à protéger les veuves de la violence et de l’expropriation de leurs droits. »
Et pendant que Maram rêve de diriger un centre spécialisé dans la défense des droits des veuves, notamment avec l’augmentation continue du nombre des veuves en raison du conflit israélo-palestinien, Wafaa ne souhaite qu’une seule chose : pouvoir élever son enfant sans être obligée d’épouser un autre homme sous le supposé prétexte de sécurité et de protection.
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Rasha Abou Jalal est écrivain et journaliste à Gaza, spécialisée dans les nouvelles politiques, les questions humanitaires et sociales liées à l’actualité.
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Traduction : Info-Palestine.eu - Niha