mercredi 12 novembre 2014

La résistance des femmes palestiniennes à la mosquée Al-Aqsa

Alors que la protestation à l’est de Jérusalem était déclenchée par la mort d’un jeune Palestinien de Shuafat brûlé vif le 2 juillet, Mohammed Abu Khdeir, l’épicentre émotionnel palestinien est et continue d’être le complexe de la mosquée d’Al-Aqsa. Les tentatives quotidiennes des extrémistes juifs israéliens de pénétrer dans ce lieu saint pour les musulmans afin d’y imposer la présence juive, provoquent la colère, voire la rage.

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16 avril 2014 - Des policiers israéliens empêchent les femmes palestiniennes d’entrer dans le composé qui abrite Al-Aqsa et est connu pour les musulmans comme le Noble Sanctuaire - Photo : Reuters/Ammar Awad
Dans leurs efforts de réprimer la protestation palestinienne en répondant aux demandes des extrémistes pour renforcer la main mise sur la mosquée, les soldats et les renseignements israéliens se sont retrouvés confrontés à une résistance tenace et grandissante.
Cette résistance est principalement composée de femmes d’un certain âge, de mères de famille et de nombreuses grand-mères qui ont pris à leur charge la protection de la mosquée contre les pratiquants juifs par leur simple présence physique sur les lieux. Ces femmes, auxquelles on se réfère communément par le nom de murabitat (traduisez « fermes »", « tenaces »), suivent des classes dans les cours de la mosquée et gardent un œil sur les extrémistes juifs qui tentent de s’adonner à la prière.
Ce statu quo permet aux juifs de pénétrer dans les cours de la même manière que pourraient le faire des touristes étrangers. Cela signifie qu’ils sont autorisés à visiter les lieux, modestement vêtus, seulement en-dehors des horaires de prière pour les musulmans. Il n’est pas permis aux fondamentalistes juifs de prier dans le complexe.
Les résistantes se sont organisées en trois cours : les cours de littérature pour celles qui doivent apprendre à lire et à écrire, les cours généralistes de niveau lycée et les cours avancés de niveau universitaire. Elles apprennent également le tajwid islamique, la version chantée des vers du Coran. Elles installent des chaises en plastique près de la porte de Mograbi, l’une des cibles de la surveillance de l’UNESCO.
Il s’agit de la seule porte de la mosquée à être entièrement contrôlée par les forces israéliennes d’occupation. Toutes les autres portes ont une garde partagée entre la police armée israélienne et des gardes islamiques non armés payés par le Ministère de la religion et des affaires islamiques jordanien.
Dès que des extrémistes juifs pénètrent dans l’enceinte de la mosquée, les femmes commencent à chanter des vers islamiques. Si les groupes juifs sont vus en train de tenter de prier, elles entonnent le refrain religieux Allahu Akbar(Dieu (Allah) est grand).
L’histoire de ces femmes résistantes a été relatée sur le vif au travers d’un documentaire réalisé par le producteur palestinien Sawsan Qaoud et diffusé sur la chaine des documentaires d’Al-Jazeera. Ces femmes sont devenues si efficaces dans leur résistance au partage de la mosquée entre les Palestiniens et les juifs israéliens que les Israéliens ont procédé à plusieurs arrestations parmi elles et ont même fait usage des lois d’urgence pour les situations draconiennes pour les empêcher d’occuper le complexe.
Zinat Jallad, l’une des grand-mères murabitat, a confié à Al-Monitor les humiliations et les pressions quotidiennes qu’elles endurent. « Pendant 10 mois, on m’a empêchée de rentrer dans la mosquée pour prier sans même qu’on ne me notifie de quoi que ce soit par écrit ou que je ne puisse m‘en référer à un juge ». Le documentaire, appelé « Les Femmes d’Al-Aqsa », montre de nombreux cas où ces femmes se voient confisquer leur carte d’identité par la police israélienne qui en saisit les informations dans une tablette tactile avant de se voir refuser l’accès au lieu qui leur est sacré.
Dans l’une des scènes, Muntaha abu Sneneh, l’une des enseignantes et têtes de file du groupe, était en pleurs après qu’on lui a refusé l’accès à la mosquée un vendredi alors que d’autres avaient le droit d’entrer.
Haneen Zoubi, membre palestinienne du Knesset israélien, a protesté contre le harcèlement que subissent ces femmes et le fait qu’on leur refuse leur droit de pratiquer leur religion dans leur mosquée. Dans sa lettre au Ministère de l’intérieur israélien, elle qualifie ce harcèlement « d’acte dangereux » devant cesser.
Jallad déclare que ces interdictions illlégales ont continué pendant 10 mois, mais auraient cessé, pense-t-elle, lorsque le chef de la police israélienne en charge du secteur de la mosquée a été remplacé. De nouvelles méthodes de contrôle ont cependant été mises en place.
« Dès que les jours saints pour les juifs approchent ou qu’on s’attend à ce que des groupes juifs entrent, ils interdisent parfois l’accès à toutes les femmes ou confisquent nos cartes d’identité aux portes », affirme Jallad à Al-Monitor. Les cartes d’identité sont restituées plus tard, mais parfois, les femmes doivent se rendre au poste de police pour les réclamer. La confiscation des cartes d’identité a un fort effet sur la véhémence des femmes, mais les murabitat tiennent toujours bon, dit-elle.
Lors d’un entretien téléphonique avec Al-Monitor, Jallad a déclaré que les murabitat et certains jeunes sont parvenus à deux reprises au cours de la dernière semaine, à empêcher des extrémistes juifs de pénétrer et de prier dans le saint complexe de la mosquée.
Leurs réussites ont cependant eu leur prix, car les soldats israéliens ont arrêté nombre d’entre elles au cours de la semaine dernière. Jallad affirme que Samiha Shaheen, l’une des murabitat, a été arrêtée le 26 octobre.
Mais de nombreuses autres femmes palestiniennes, en dehors de celles endossant la responsabilité de défendre la mosquée, sont actives de plusieurs manières.
Sabreen Taha, une habitante du Vieux Jérusalem et âgée de 24 ans, a confié à Al-Monitor que la mosquée d’Al-Aqsa est un important symbole qui doit être défendu. Mais elle affirme que les problèmes à l’est de Jérusalem ne se limitent pas à la zone de la mosquée. « Je vais tenter de faire faire un tour aux gens curieux d’en savoir plus sur la situation, mais par des chemins alternatifs pour leur montrer ce dont Jérusalem souffre en profondeur », dit-elle.
Taha évoque les jeunes du proche quartier de Silwad à Jérusalem Est, qui ont fait usage de feux d’artifice la nuit pour protester contre les pratiques oppressives israéliennes et les colons juifs qui ont récemment pris possession de maisons dans leur quartier. Israël a annoncé, le 26 octobre, le déploiement de 1 000 policiers supplémentaires dans la ville afin de renforcer la répression des protestations palestiniennes.
Jallad évoque l’humiliation que subissent les femmes lorsqu’elles se voient confisquer leur carte d’identité et refuser l’entrée dans la mosquée. Cependant, elle insiste sur le fait que les autres femmes ne se découragent pas d’y pénétrer. « Pour moi, Al-Aqsa est encore plus importante que ma propre maison. Nous connaissons nos droits et nous les ferons respecter », déclare-t-elle.
« Nous voulons apprendre, enseigner et prier dans notre mosquée. Nous n’avons fait de mal à personne et ne faisons rien de mal non plus », a-t-elle ajouté.
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Daoud Kuttab : journaliste palestinien né à Jérusalem, il a enseigné le journalisme à Princeton et dirige actuellement le Community Media Network, organisation dédiée au progrès du journalisme arabe indépendant . Il est producteur de documentaires et titulaire de nombreuses distinctions. Il est chroniqueur pour Palestine Pulse de Al-Monitor, The Jordan Times, The Jerusalem Post et The Daily Star (Liban).
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Alex C.