mardi 28 octobre 2014

Israël-Palestine: la colonisation enterre-t-elle la solution à deux Etats ?

Le gouvernement israélien a décidé d'accélérer les plans pour la construction de 1.000 logements supplémentaires à Jérusalem-Est, a annoncé lundi 27 octobre un responsable israélien. Une décision qui intervient alors que les incidents se multiplient et que la reconnaissance d’un Etat palestinien progresse en Europe.
Le gouvernement a décidé de faire avancer la construction de plus de 1.000 unités d'habitation: environ 400 à Har Homa et 600 à Ramat Shlomo, deux colonies juives de Jérusalem-Est. Ce nouveau développement des implantations survient alors que la tension reste très forte dans Jérusalem. Des incidents opposent régulièrement forces de l’ordre et Palestiniens dans cette ville qui fut divisée jusqu’à la guerre des Six jours en 1967. 
La communauté internationale juge illégale l'annexion unilatérale par Israël depuis 1982 de la partie occupée de Jérusalem (Jérusalem-Est et notamment la vieille ville) en 1967 . Les Palestiniens veulent faire de Jérusalem-Est la capitale de l'Etat auquel ils aspirent et la multiplication des implantations israéliennes sur cette partie de la ville rend la solution des deux Etats de plus en plus aléatoire.
«Le nombre de colons israéliens en Cisjordanie a atteint en juin dernier 382 031 personnes, soit une augmentation de 2 % en six mois, quasiment le double de la croissance démographique dans le reste du territoire israélien. À ces colons viennent s’ajouter les quelque 200 000 Israéliens installés à Jérusalem-Est», rappelait le journaliste Armin Arefi dans Le Point.
Une solution à deux Etats ?
Communauté internationale, Autorité palestinienne et même Israël (selon les moments) se disent officiellement en faveur d'une solution de paix basée sur la création d'un Etat palestinien sur les territoires occupés en 1967. Pourtant avec la multiplication des colonies, la possibilité de cette solution semble s'éloigner. «La judaïsation de Jérusalem-Est pourrait peut-être bien torpiller un futur accord de paix avec les Palestiniens», écrivait le journal israélien Ha’Aretz dans son éditorial du 21 octobre. 
Le correspondant de France 2 à Jérusalem, Charles Enderlin, s'interrogeait en juin dernier sur la réelle volonté de Benyamin Netanyahu d'aller dans cette voie. «L’idéal, pour le Premier ministre et la droite israélienne, c’est donc le maintien de la situation actuelle. L’autonomie palestinienne sous le contrôle de Tsahal ce qui permet également la poursuite de la construction dans les colonies», écrivait-il notamment sur son blog publié sur Géopolis.
Un contexte tendu
Depuis la guerre contre Gaza, le nombre d’incidents s’est multiplié en Cisjordanie et à Jérusalem, notamment dans le quartier de Silwan où quelque 500 colons se sont installés au milieu de 45.000 Palestiniens.
La décision d'Israël d'accélérer les plans pour la construction de 1.000 logements à Jérusalem-Est et la poursuite de la colonisation juive provoqueront une «explosion», a prévenu lundi 27 octobre un haut dirigeant du Fatah, le parti du président palestinien Mahmoud Abbas. Et les critiques de la politique israélienne ne viennent pas que des Palestiniens.
Lors de sa première visite en Cisjordanie et en Israël depuis la guerre dans la bande de Gaza, qui avait déjà exacerbé les tensions entre Israël et les Nations unies, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon n'a pas seulement condamné une nouvelle fois «fermement la poursuite des activités de colonisation d'Israël». Sur un ton inhabituel, il s'est aussi dit «profondément inquiet des provocations répétées sur les lieux saints de Jérusalem. Elles ne font qu'aviver les tensions et elles doivent cesser».
Même énervement à Washington. Début octobre, lors d'une rencontre à la Maison Blanche, le président américain Barack Obama a fait part à M. Netanyahu de sa vive préoccupation après le feu vert donné à la construction de 2.610 nouveaux logements dans le quartier juif de Givat Hamatos à Jérusalem-Est. Mener à bien ces constructions «ne pourrait que susciter la condamnation de la communauté internationale» et «éloigner Israël même de ses plus proches alliés», avait souligné peu après le porte-parole de la Maison Blanche.
On peut ajouter à cela les décisions de Stockholm d’envisager prochainement une reconnaissance prochaine de l’Etat palestinien et le vote (indicatif) du parlement britannique dans le même sens. En France, quelques députés souhaiteraient un vote sur la question.
La fin du sionisme ?
En Israël même, les options du gouvernement très nationaliste de Netanyahu ne font bien sur pas l’unanimité. L' organisation sioniste favorable à un accord de paix «La Paix maintenant» dénonce les décisions gouvernementales dans une lettre ouverte: «Le manque de responsabilité nationale n’est-il pas du côté de celui qui autorise la construction de milliers d’unités d’habitation dans les colonies au moment même où il promet au monde de faire progresser la réalisation de l’objectif de deux peuples / deux États ? Le manque de responsabilité nationale, c’est de confisquer des terres, d’installer des dizaines de colons dans le quartier de Silwan, et de détruire toute possibilité de séparation entre nous et les Palestiniens dans l’avenir. Le manque de responsabilité nationale, c’est d’investir des sommes faramineuses au-delà de la ligne verte plutôt qu’en Galilée et dans le Néguev. Monsieur Nétanyahou, vous construisez dans les colonies, vous sacrifiez l’avenir de nos enfants au profit de la droite extrême, vous êtes disposé à mettre en danger nos relations internationales».
Le journal en ligne israélien Times of Israël estime lui aussi que la solution à deux Etats a du plomb dans l'aile : «le Premier ministre, rappelant son engagement à une solution à deux Etats, a annoncé une série de mesures qui rendraient cette solution encore plus difficile à atteindre». Une situation qui fait dire à l'historien israélien Zeev Sternhell : «Nous n'avons pas d'autre choix que d'accepter le partage de la terre entre deux Etats. Sinon, ce ne peut-être qu'une situation coloniale, d'apartheid. L'autre solution, un Etat binational, marquerait la fin d'Israël, la fin du sionisme».