lundi 25 août 2014

Massacre de Gaza… Que faire ?

Par
Zouhair Lahna, chirurgien obstétricien franco-marocain à l'hôpital européen de La Roseraie, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis)et membre de Médecins Sans Frontières, est à l'hôpital al-Shifa, à Gaza, depuis le 13 juillet dernier.
Que faire après avoir assisté à ce carnage ? A ces meurtres de civils et à la destruction de centaines de maisons ? Que faire après avoir vécu toute une guerre déséquilibrée avec les Palestiniens bombardés nuit et jour et terrorisés. Que faire après avoir vécu les blessures des corps et des âmes ? Les pertes des membres et des vies et d’avoir entendu les cris des mères, des enfants, des frères et des amis. Que faire après avoir vu des visages fermés et tristes ? Des yeux secs pour avoir trop pleuré ou des yeux qui refusent de se laisser aller. Et la question principale, c’est que faire pour eux ? Ou que faire pour nous autres ?
Massacre de Gaza… Que faire ?
Gaza. Le docteur Zouhair Lahna (au centre) est l’un des rares chirurgiens français à avoir pu se joindre aux équipes de l’hôpital Al-Shifa (DR.)
A la vue des images de morts, des blessés et des ruines quotidiennes tourner en boucle sur toutes les chaînes satellitaires du monde arabe, et dans une moindre mesure, dans les télés occidentales, les gens pensent à aider, donner de l’argent, acheter des médicaments, envoyer des médecins et prier. Les gens sont sensibles à la défense du faible et qui en plus est sous embargo et occupation.
Alors les musulmans ont prié pour leurs frères et sœurs de Gaza, d’autres font des dons à des ONG et d’autres encore manifestent. Mais est-ce suffisant ? Est-ce satisfaisant ?
Les Palestiniens de Gaza viennent de vivre une épreuve très douloureuse mais combien intéressante. Pour la première fois, ils se sont vraiment battus pour leur dignité et disent avoir vaincu une armée puissante sur le terrain et sur le plan des valeurs. Il n’y a qu’à voir le nombre des victimes de part et d’autre et leur nature pour s’en convaincre. Ils sont prêts à aller encore plus loin et donner plus de leur sang et celui de leurs enfants afin d’obtenir des avancées après cette guerre. Le prix à payer est faramineux mais ils se disent prêts à le payer.
Les Palestiniens de Gaza ont compris, également, pendant cette guerre, que toutes les aides et supports qu’ils pouvaient attendre de leurs « frères » arabes et musulmans ne tiennent pas et qu’il ne faudra compter que sur eux-mêmes et sur l’aide de Dieu. Par conséquent, leur foi se retrouve renforcée, d’autant plus que cette guerre a eu lieu en grande partie pendant le mois de Ramadan. Ils considèrent que leurs martyrs et leurs blessés sont une rançon pour la dignité et la liberté.
Les Musulmans et surtout les Arabes devraient se poser cette fois plus que par le passé cette question : comment une armée puissante et dominatrice a-t-elle pu se permettre d’infliger une telle agression meurtrière envers une population civile sans défense ? Comment a-t-elle pu user d’armement disproportionné et de tonnes d’explosifs sur une population défendue par une résistance et non une armée régulière, et, qui plus est, avec des moyens très limités ?
Comment vont se sentir désormais les Musulmans puisqu’ils ont compris qu’il n’y a plus rien à attendre des puissants et du Conseil de Sécurité de l’ONU ? Et qu’à chaque agression israélienne, les pays occidentaux dominants ont toujours un parti pris pour le camp israélien ?
Quid des principes fallacieux qu’on a ingurgité sur les droits de l’homme, les droits des femmes et les droits des enfants ? Que devrait-on penser, désormais des Conventions de Genève, du droit international, du droit humanitaire et de toutes ces belles choses qu’on leur a fait miroiter et qui se sont évaporées ou écrasées sur les morts, les blessés et les ruines de Gaza ?
L’ONU : le machin comme disait De Gaulle !
Ces instruments ne sont faits que pour protéger les forts contre les faibles. Ceux qui ont enfanté "le machin", comme disait le Général De Gaulle en désignant l’ONU et tous ses satellites. Satellites sous forme d’organisations gouvernementales et non gouvernementales, mais qui ne sont en réalité que de la poudre aux yeux. Des éléments nombreux et plus clinquants les uns que les autres, usant de phraséologie, mais qui en réalité, ne sont que des chimères quand les peuples dits du Sud souhaitent en bénéficier.
Cette guerre asymétrique devrait pousser l’élite musulmane et surtout arabe, là où elle se trouve, à se poser les véritables questions sur son identité, sa culture et son devenir. Et inviter les pays occidentaux et les autres peuples à essayer de voir plus clair dans la composition de ce monde déséquilibré et dangereux.
Il est nécessaire de mettre nos convictions à plat, autrement le réveil risque d’être plus douloureux et le prix à payer pour les arabes sans doute faramineux, avec des guerres à venir et des ruines.
Poursuivre Israël ou un de ces généraux devant le Tribunal Pénal International est une entreprise qui paraît louable, cependant la faisabilité est loin d’être évidente avec des résultats hélas prévisibles. Enfin, le BDS peut donner certainement des résultats à court terme, les consommateurs peu avertis finissent par oublier et l’exportateur israélien avec l’aide des Européens trouvera toujours des subterfuges et réussira à vendre sa marchandise sous des labels de substitution. D’ailleurs la principale entrée d’argent d’Israël serait la vente d’armes justement utilisées dans le laboratoire de Gaza.
Finalement, à ceux qui souhaitent savoir ce qu’il faut faire pour Gaza, la réponse est de se demander ce que vous pouvez faire pour vous-même afin de sortir de l’aliénation culturelle et intellectuelle et recouvrer un jour la liberté, la vraie et surtout la dignité, celle qui impose le respect. Ce dernier ne s'octroie pas, mais se mérite.
Zouhair Lahna, Gaza le 21 août 2014
A propos de Zouhair Lahna, lire son témoignage du 21 juillet publié sur Le 360.ma, Chronique d’une journée à l’hôpital Shifa de Gaza, et l'article que lui a consacré Le Parisien le 11 août, "Un chirurgien d'Aubervilliers au feu.