mercredi 5 mars 2014

L'émigration, la dernière menace au droit au retour des Palestiniens

Par Qassem Qassem
L'article en anglais est la traduction de l'article original, en arabe, paru sur Al-Akhbar. Pour suivre Qassem Qassem sur Twitter : @QassemsQassem
Il y a quelques mois, une campagne a été lancée dans les camps de réfugiés palestiniens qui appelait à une émigration massive du Liban. Les organisateurs de la campagne ont exploité les piètres conditions de vie des réfugiés palestiniens dans le pays pour donner à leur campagne une impulsion supplémentaire, et ils ont profité que les Palestiniens soient privés de leurs droits sociaux et humains pour lui conférer une légitimité. Les Palestiniens au Liban sont privés de leurs droits humains et sociaux les plus élémentaires. 72 professions leur sont interdites (1), ainsi que la possession de biens immobiliers.
L'émigration, la dernière menace au droit au retour des Palestiniens
Dans le camp de réfugiés palestiniens de Ain El-Helweh, près de la ville côtière de Sidon, au sud du Liban, le 31 janvier 2014 (Photo AFP- Mahmoud Zayyat)
Ces conditions épouvantables ont permis à la campagne d'atteindre tous les secteurs des camps et de trouver un terrain fertile parmi les jeunes confrontés à toutes sortes de difficultés. Selon les statistiques, deux nouveaux cafés remplis de jeunes chômeurs ouvrent chaque mois. Le seul camp de Burj al-Shamali, à Tyr, dispose de 23 de ces établissements.
Ces raisons, et l'espoir d'une vie meilleure à l'extérieur du Liban, ont encouragé certains jeunes à participer massivement à des sit-ins et des manifestations organisés par la campagne. Au début, les responsable des factions palestiniennes n'ont pas pris ces appels au sérieux. Beaucoup ont cru que c'était simplement un nouvel événement Facebook, qui allait s'essouffler rapidement.
Cependant, après avoir vu l'ampleur de la participation aux manifestations, qui ont eu lieu dans les camps du nord du Liban et à Ain al-Hilweh (à Saîda), les responsables palestiniens ont tiré le signal d'alarme. Ils ont commencé à poser des questions sur qui était derrière la campagne, et qui la finançait. Qui encourageait les jeunes à émigrer ?
Tous les doigts sont pointés sur Mohammed Dahlan et ses partisans au Liban. Les factions palestiniennes, en particulier le Fatah et l'ambassade palestinienne, ont commencé à mobiliser leurs membres pour contrer la campagne. Ils ont catégoriquement et totalement rejeté les appels à l'émigration.
"Cela contribuera à faire disparaître le droit au retour," a déclaré un responsable du Fatah à Al-Akhbar. La déclaration peut sembler "creuse" au premier coup d’œil. Les fonctionnaires de la faction la répètent à chaque occasion. Cependant, à ce moment précis, le droit au retour est en réel danger, surtout à la lumière des fuites sur le plan du Secrétaire d'Etat US John Kerry d'en finir avec la question des réfugiés.
"Kerry a proposé une solution à la question des réfugiés au Liban et en Syrie," a expliqué une source de l'ambassade palestinienne. "C'est sous la forme de compensations monétaires pour les réfugiés qui quitteraient le pays ou l'implantation de ceux qui choisissent de rester. Pour les Palestiniens du Golfe, ils seront réinstallés dans les pays où ils vivent, tandis que les Palestiniens d'Europe auront la nationalité des pays où ils sont."
En raison de la menace que cette campagne fait peser sur le droit au retour, les factions palestiniennes ont décidé d'une confrontation forte, d'une manière similaire et également par les jeunes. Jeudi prochain, les factions tiendront une conférence de presse au Syndicat de la Presse pour déclarer le lancement d'une campagne intitulée "Shababona" ​​[notre jeunesse].
La contre-campagne sera menée par une coalition de jeunes palestiniens et des organisations d'étudiants au Liban afin de sensibiliser les jeunes, en insistant sur le droit au retour et sur le rejet de l'émigration de masse hors des camps.
"Les individus ont droit à une vie meilleure. Ils ont aussi le droit de penser à quitter le pays et aller n'importe où on les traite mieux," un haut fonctionnaire de la Coalition des forces palestiniennes. "Nous ne pouvons pas nous opposer à l'immigration individuelle. Mais s'il y a un appel clair à l'émigration massive des camps, cela signifie qu'il y a des Palestiniens qui aident [Kerry] à mettre en œuvre son plan pour tuer la question des réfugiés."
Avec la contre-campagne des jeunes, les responsables des factions palestiniennes feront leur travail politique. Il y a quelques semaines, ils ont tenu une réunion à l'ambassade palestinienne. Le premier point à l'ordre du jour était de savoir comment faire face à la campagne en faveur de l'émigration du Liban. Les participants à la réunion ont convenu d'étendre leur travail à différents niveaux.
D'un point de vue politique, ils ont décidé de "communiquer avec les fonctionnaires libanais pour améliorer la situation des réfugiés dans les camps et adopter leurs droits sociaux, parce que la situation désastreuse contribue à la propagation de ces idées," selon un responsable de la coalition. "Nous attendons que le gouvernement soit ratifié pour présenter nos exigences, puisque l'Etat libanais a sa part de responsabilité dans la situation."
Les factions essaieront également de réduire l'influence de Dahlan dans les camps palestiniens au Liban. "Les projets lancés par son épouse Jalila Dahlan et l'argent dépensé dans des projets de développement dans les camps ont contribué à appâter les jeunes Palestiniens," a déclaré un responsable de la Coalition des Forces palestiniennes. "Tout comme ils ont attiré les jeunes Palestiniens en payant des sommes d'argent symboliques dans les rassemblements de jeunes récemment formés, nous allons aussi essayer de trouver des emplois pour ces jeunes, de sorte qu'ils n'aient pas à compter sur l'argent de Dahlan."
(1) Voir les graphismes publiés dans l'article en anglais de Chloé Benoist, "Infographie : la discrimination du travail palestinien au Liban", Al-Akhbar, 27 février 2014.

Source : Al Akhbar
Traduction : MR pour ISM