vendredi 4 novembre 2011

Le prix de la victoire

04/11/2011
En réaction à l'admission de la Palestine à l'Unesco, Israël a décidé d'agrandir ses colonies et de geler des avoirs palestiniens. Une perte de 50 millions de dollars chaque mois.
 2 250 nouveaux logements seront construits dans les colonies israéliennes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie.  Archives afp

2 250 nouveaux logements seront construits dans les colonies israéliennes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. Archives afp

«Moi, la paix, j'y crois plus. J'ai vu toutes les guerres depuis 1967. Si on veut un État palestinien, il faudra sans doute reprendre les armes. Ou tout reprendre de zéro. Ou s'y prendre autrement. Enfin, je ne vois pas de solution, déplore Saëb, gérant d'un petit hôtel de Ramallah, la capitale de l'Autorité palestinienne. Toutes ces démarches à l'ONU, c'est bien beau mais ça ne mènera jamais à rien. Ça nous retombera même dessus, car on ne fait pas le poids face à Israël et aux États-Unis. Tant qu'on ne détruit pas le mur idéologique entre Israéliens et Palestiniens, à quoi bon… »
Saëb disait cela la semaine dernière. Il ne savait pas encore que « les siens » auraient à payer au prix fort cette adhésion à l'Unesco. Mais lui partage avec nombre d'autres Palestiniens le sentiment que le désir d'un État palestinien reste utopique et sujet à des sanctions toujours plus sévères du tandem israélo-américain. « Ils feront tout pour nous empêcher d'accéder à la reconnaissance, alors que la majorité des pays membres de l'ONU nous soutiennent. Ils invoqueront des failles juridiques, diront que ça doit passer par des négociations bilatérales… », anticipe un professeur de l'université de Jérusalem-Est.
Constructions illégales
Lundi soir, la Palestine est devenue le 195e État membre de l'Unesco. Une « victoire diplomatique » pour Ramallah. « Une tragédie » pour Jérusalem. La réponse du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, ne s'est pas fait attendre.
D'une part, 2 250 logements seront construits à Jérusalem-Est, à Gush Etzion et à Maale Adumim, en Cisjordanie. Des colonies « qui resteront israéliennes dans tout accord futur de paix », a-t-il même précisé, alors que les constructions dans les territoires palestiniens sont strictement illégales au vu des frontières de 1967 et du droit international.
D'autre part, le Premier ministre israélien a annoncé le gel du transfert des taxes récoltées au nom de l'Autorité palestinienne. Ces fonds, d'un montant de 50 millions de dollars par mois (30 % du budget de l'Autorité palestinienne), sont prélevés, sous forme de droits de douane et de TVA, sur les produits destinés aux Palestiniens qui transitent par les ports et aéroports israéliens. Leur gel est contraire aux engagements internationaux contractés par Israël et à ses obligations juridiques (1). Qu'en est-il, alors, dudit « processus de paix » ? « Accélérer la construction des colonies revient à accélérer la destruction du processus de paix, et le gel des fonds palestiniens est un vol de l'argent du peuple », selon le pouvoir palestinien.
Côté israélien, « la décision unilatérale de l'Unesco place des obstacles inutiles sur le chemin de la reprise des négociations », selon l'ultranationaliste ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman. Cette mini-crise n'est qu'une péripétie dans le long bras de fer entre cette Palestine divisée et un État d'Israël qui s'abrite derrière la protection américaine pour jouer la montre avec le développement des colonies.
Les Palestiniens, mais aussi de plus en plus d'Israéliens, condamnent la colonisation. « Pour eux, toute la terre palestinienne est la leur », lance, indignée, Maïa, militante israélienne pour la paix. « Ils nous étranglent à petit feu et si ce n'est pas avec des armes qu'ils nous font la guerre, c'est de façon bien plus subversive, s'offusque Sharmila, étudiante en sciences politiques. Bientôt, toute la Cisjordanie ressemblera à Gaza. On vit dans une prison à ciel ouvert. »
Pauline Garraude, à Ramallah.
(1) Benyamin Netanyahou a aussi ordonné hier le gel de la contribution d'Israël à l'Unesco, soit 2 millions de dollars.