mardi 3 mai 2011

Résilience dans les champs de Gaza

lundi 2 mai 2011 - 05h:17
Rana Baker - The Electronic Intifada
Je surfais sur le Web tard la nuit il y a de cela deux mois lorsque plusieurs hélicoptères Apache ont commencé à tourner bruyamment dans le ciel. Le bruit d’une explosion s’est bientôt fait entendre. Comme j’habite à deux pas de l’hôpital Al-Shifa - le plus grand hôpital dans Gaza - j’ai pu voir les ambulances envoyées au loin pour évacuer les possibles blessés.
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Le village de Khuzaa, dans la bande de Gaza sous occupation - Photo : Rana Baker
J’étais extrêmement irritée par l’attaque aérienne parce que le jour suivant, Silvia, une militant du Mouvement International de Solidarité [ISM] et moi-même étions censées aller à Khuzaa, un petit village au sud et proche de la frontière avec Israël. Nous faisons partie de la Campagne des Étudiants Palestiniens pour le Boycott Universitaire d’Israël et du comité organisateur de la Semaine contre l’Apartheid Israélien, qui a lieu en mars tous les ans pour dénoncer le système d’apartheid mis en place par Israël.
Nous avions prévu d’enregistrer des récits des villageois de Khuzaa sur support-vidéo et de nous en servir pour appeler au boycott, au désinvestissement et aux sanctions contre l’apartheid israélien.
Cet appel a pour objectif de montrer comment l’argent qui va aux produits made-in-Israël sert de base financière aux investissements israéliens dans l’armement afin de commettre des crimes contre les Palestiniens. Les gens se mobilisent contre ce montage économique en appelant à boycotter les produits israéliens et les sociétés qui tirent des bénéfices de l’occupation.
Nous avons pris un microbus pour Khan Younis, une petite ville, puis un taxi pour aller à Khuzaa où nous avons rencontré Yamen, notre guide, ainsi que sa soeur. Alors que entrions tous les 4 à Khuzaa, nos yeux sont tombés sur plusieurs acres de champs de couleur verte, avec ses bâtiments de ferme.
Mais le danger dans Khuzaa n’est jamais loin. Juste à 350 mètres de la frontière avec Israël se trouvent des tours de guet pour les tireurs isolés snipers israéliens dont les tirs sont fréquemment orientés en direction de ceux qui s’approchent de la frontière. Et comme je tournais mon appareil-photo vers ces tours, je risquais d’être touchée par des balles pouvant être tirées dans ma direction à tout moment.
Yamen a suggéré que nous faisions une visite à la famille Al-Najjar, une famille qui a tant de récits à nous faire et dont la maison se trouve vraiment près de la frontière.
Les Al-Najjars vivent dans une petite maison en pierre à côté d’un champ vert avec une entrée principale constellée de trous de la taille d’une balle. D’ici aussi, on peut apercevoir une tour de guet israélienne.
Umm Anas nous salua avec gentillesse tandis que d’autres femmes apportaient les chaises en plastique sur le balcon. Elle s’est assise sur les escaliers et deux autres se sont assises sur le seuil. J’ai demandé à Umm Ana de venir et de s’assoir sur une chaise au lieu que ce soit moi, mais elle a refusé, disant savoir que nous dans la ville de Gaza, nous nous asseyons toujours sur des chaises, alors qu’elle était une agricultrice et que les agriculteurs s’asseyent toujours par terre.
Nous avons alors expliqué que nous étions là pour raconter l’histoire de leur village et pour envoyer leurs messages au reste du monde.
Wafaa, une membre de la famille, est apparue un moment plus tard. Elle nous a raconté son histoire. Elle a 16 ans et elle a été blessée par balles au genou lors de l’attaque israélienne qui a duré 22 jours contre Gaza il y a deux ans, pendant l’hiver de 2008-09. « J’allais à l’école quand ils m’ont tiré dessus. J’avais alors 14 ans. Je sais que je peux à nouveau marcher mais je voudrais pouvoir courir comme je le faisais avant, » nous dit-elle.
Silvia l’a filmée et enregistrée. J’ai demandé à Wafaa si elle voulait continuer ses études après le lycée. Elle a répondu que oui, disant vouloir devenir une artiste. L’école où se rendait Wafaa lorsqu’elle a été blessée est la seule dans le village à être restée debout après les attaques.
Le thé est un rituel dans Khuzaa. A chaque fois que vous frappez à une porte, on ne vous laissera pas partir sans que vous buviez une tasse de thé. Nous avons pris notre thé avec la famille. Il était très doux, contrairement aux histoires amères qui ont ponctué chaque petite gorgée. « Ils [les militaires israéliens] ont aplani au bulldozer des terres qui nous appartenait, » raconte Umm Ana, avec de la douleur dans ses yeux. « Ils ont transformé notre terre en route pour leurs tanks. »
Nous avons passé une heure dans leur maison et les avons remerciés pour leur hospitalité si généreuse, promettant de revenir bientôt. C’était sous un fort soleil de midi que nous avons poursuivi notre marche, et sur la route nous avons rencontré un homme qui cueillait des tomates de ses plants. « Venez me prendre en photo et donnez-moi de l’argent, » a crié l’homme.
« J’ai seulement 20 shekels dans mon sac », lui dis-je.
« Vingt shekels maintenant, mais à la fin du mois, vous aurez 1000 dollars », répondit l’homme.
« Nous sommes des bénévoles, nous ne sommes pas payés », rétorquais-je.
L’homme se mit à rire et nous aussi. Mais le rire est à une exception dans ce village. Nous avons bientôt pu filmer un homme dont la maison avait été complètement détruite lors des attaques et qui vit toujours avec sa femme au milieu des décombres.
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Umm Anas - Photo : Rana Baker
Les villageois font bon usage des gravats, cependant. Deux murs de ciment fabriqués à partir des décombres des colonies israéliennes évacuées en 2005 sont positionnés de façon stratégique pour servir d’obstacle à des tirs israéliens.
Quand j’ai demandé à photographier une femme âgée qui parlait sur son téléphone cellulaire, elle éclata de rire comme si je faisais une blague. « Elle veut me photographier », dit-elle à la personne à l’autre bout de la ligne.
Cette femme, avec sa robe traditionnelle brodée palestinienne, a été la dernière personne que nous avons rencontrée dans le village aux champs verts. Avec son rire qui résonne encore dans mes oreilles, l’espoir de Wafaa de devenir une artiste et le sens de l’humour de l’homme qui cueillait ses tomates, je me rappelle une fois de plus le Sumoud palestinien, la fermeté. Nous continuerons à lutter pour nos droits, jusqu’à la victoire.
11 avril 2011 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/conte...
Traduction : Abd al-Rahim
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