mardi 26 avril 2011

Un Etat palestinien pour l’automne prochain ?

Par Moumene Belghoul
La reconnaissance officielle, par les pays occidentaux, d’un Etat palestinien est dans le ton. Les révoltes démocratiques arabes n’ont pas occulté cette question majeure dans la région, loin s’en faut. L’Autorité palestinienne, qui refuse à juste titre de discuter alors que la colonisation se poursuit, entend passer à l’action. Les Palestiniens élaborent une stratégie diplomatique nouvelle.«Nous irons devant le Conseil de sécurité pour demander notre admission comme membre à part entière de l’ONU, dira Hanane Ashrawi, membre du Comité exécutif de l’OLP. Si le Conseil de sécurité refuse, à cause du traditionnel veto américain, alors nous irons devant l’Assemblée générale des Nations unies, afin d’obtenir une résolution contraignante, qui nous reconnaîtra comme membre de l’ONU.» C’est dans cette optique que Mahmoud Abbas a entamé une tournée en Europe. Il affiche un optimisme réel en laissant entendre que les Européens sont prêts à reconnaître l’Etat palestinien.Mais les pays occidentaux, traditionnellement conciliants vis-à-vis d’Israël, sont dans la circonspection. Un accord négocié avec l’Etat hébreu retient leur faveur, pas l’option d’une proclamation unilatérale qui semble les gêner. En 2010, la Chambre des représentants des Etats-Unis a revoté une résolution empêchant toute reconnaissance américaine d’une déclaration d’indépendance unilatérale. M. Abbas en appelle au président de la puissance parrainant le processus de paix. «Les Etats-Unis, en tant que grande puissance, ont le devoir de faire des propositions. Ce sont eux qui peuvent convaincre Israël», dira-t-il. Il souhaite qu’Obama présente «un plan de paix» d’ici le mois de septembre prochain. Un plan qui prévoit la reconnaissance de l’Etat dans les frontières de 1967, et Al Qods-Est comme capitale. Alors qu’Américains et Israéliens se bornent dans un silence embarrassé, l’Autorité palestinienne s’emploie à mettre en œuvre les fondements d’une entité politique vivable. L’automne 2011 coïncide avec la fin officielle du programme de Salam Fayyadh lancé en août 2009 pour «moderniser les institutions palestiniennes». Les évènements symboliques ne manquent pas : premier match international officiel de l’équipe de football à Ramallah, lancement d’un premier fonds
d’investissement palestinien, l’annonce de la création d’une monnaie palestinienne d’ici à la fin 2011.Aux Nations unies, l’idée de la proclamation du nouvel Etat prend corps. Pour l’occupant israélien, il n’est pas question que les Palestiniens portent leur revendication devant l’ONU en septembre prochain. La question semble faire paniquer les dirigeants de l’Etat hébreu qui suivent avec inquiétude les
bouleversements qui secouent le monde arabe. Pour l’experte en droit international, Elisabeth Longuenesse, Israël s’accommoderait d’ennemis définis dans le monde arabe pour justifier sa politique agressive. La spécialiste se demande même si «cela n’arrangerait finalement pas les dirigeants israéliens que des islamistes plus ou moins radicaux sortent vainqueurs des bouleversements actuels, car il s’agirait d’ennemis clairs et nets». La directrice du département des études contemporaines de l’Institut français du Proche-Orient à Beyrouth souligne qu’Israël a besoin d’avoir des ennemis et d’être en état de guerre pour «se maintenir et justifier sa politique agressive vis-à-vis des Palestiniens». «Si des systèmes démocratiques se mettent en place dans un certain nombre de pays arabes, Israël sera au pied du mur», dira-t-elle. L’analyste se demande si la meilleure hypothèse, pour les Palestiniens, ne serait pas que «l’Egypte demande que les accords de paix soient réellement et entièrement appliqués, y compris le droit des Palestiniens à un Etat». L’Etat hébreu serait alors dans une position inconfortable car il ne pourrait pas accuser les Egyptiens de «visées agressives». La poursuite des mouvements d’émancipation des peuples arabes par rapport à des régimes sclérosés «ne peut être que dans l’intérêt des Palestiniens». Ces derniers pourraient véritablement faire leur «révolution» arabe et imposer leur droit légitime dans le concert des nations. Une vague de reconnaissance de l’Etat palestinien s’était accélérée depuis la fin 2010, notamment en Amérique latine, avec l’action du Brésil, de l’Argentine, ou encore de l’Uruguay en mars dernier.Et pour l’heure, la majorité des 2/3 des 192 membres de l’ONU requise pour obtenir la reconnaissance de l’Etat est assurée. Mais Washington, allié inconditionnel de l’Etat colonisateur, peut opposer son veto qui, sans annuler le vote, pourrait allégrement retarder sa mise en œuvre. Il est indéniable que les bouleversements dans
la sphère arabe auront un impact considérable sur les calculs régionaux israéliens. L’occupation fera face à un environnement différent susceptible de changer le rapport de force. Une réalité tangible : les Palestiniens sont directement touchés par les récents troubles régionaux de deux façons importantes. Les populations arabes ont toujours été beaucoup plus disposées à aider la cause palestinienne et à rejeter la normalisation avec Israël que leurs dirigeants engoncés dans leurs légitimations douteuses. Les nouveaux dirigeants arabes seront redevables devant leurs propres peuples. Ils seront inévitablement forcés à prendre une approche plus hardie
dans le sensible dossier palestinien. Ce qui pourrait, d’ores et déjà, pousser à la fin de l’inhumain blocus de Ghaza et une plus grande pression régionale sur l’Etat hébreu.